Le consensus, seul gage de réussite, selon des experts
Partie prenante de la réforme de l'Acte 3 de la décentralisation, le Forum civil, en partenariat avec l'ambassade du Canada au Sénégal, a tenu hier à Dakar, une table-ronde sur la question. Au sortir de cette rencontre, l'ensemble des acteurs se sont accordés sur le besoin d'avoir en amont un consensus pour le succès de cette réforme.
Pourquoi l'Acte 3 de la décentralisation ? En quoi les modalités de sa mise en œuvre peuvent-elles être un facteur de développement ? Comment cette réforme qu'envisage le président de la République et son gouvernement peut-elle impacter sur le développement et la viabilité des collectivités locales et booster le développement à la base ? Autant de questions soulevées hier au cours d'une table-ronde organisée à Dakar par le Forum civil en partenariat avec l'ambassade du Canada au Sénégal.
Exposant sur les contours de cette réforme ''majeure'' de la décentralisation, le ministre de l'Aménagement du territoire national et des Collectivités locales, Me El Hadji Oumar Youm, a rappelé les objectifs préétablis qui consistent à organiser le Sénégal en territoires viables, compétitifs et porteurs de développement durable, à promouvoir une nouvelle gouvernance territoriale et à renforcer la cohésion sociale et la solidarité entre populations locales''. Selon lui, ''les axes prioritaires de cette réforme constitueront une grande rupture dans l'action publique par des mécanismes opérationnels de participation citoyenne dans la gestion de la cité''.
Cependant, a indiqué Me Youm, une telle perspective exige «un consensus fort, seul gage de succès de cette réforme». C'est pourquoi, «du fait des changements qui doivent intervenir et qui vont impacter sur la participation citoyenne, cette réforme mérite d'être discutée à la base pour avoir un large consensus», a ajouté le Pr Pape Mor Ndiaye, ancien directeur de la Décentralisation. «Sans la participation des citoyens dans ces discussions, la réforme aura du mal à passer et à produire les effets escomptés.» Toutes raisons pour lesquelles «il est nécessaire d'avoir un cadre de concertation interactif et intersectoriel».
S'inscrivant dans le cadre de l'aménagement du territoire national, ''la réforme de l'acte 3 de la décentralisation vise à apporter des correctifs dans les découpages administratifs qui ont créé une incohérence totale surtout entre 2000 et 2012'', a estimé pour sa part le Pr Mamadou Diop, agrégé en aménagement du territoire, et selon qui «il est impératif d'aller vers une architecture territoriale réformée et simplifiée».
''Le principal problème de la décentralisation est un problème financier''
Poussant plus loin sa réflexion, le Pr Mayacine Diagne soutient que la réforme de l'acte 3 de la décentralisation doit se faire à trois niveaux : une refondation fonctionnelle, une refondation constitutionnelle, mais aussi et surtout une refondation financière. Insistant sur ce dernier volet, cet ancien directeur de cabinet du ministre de la Décentralisation est d'avis que «l'expérience a montré qu'il est indispensable d'opérer une constitutionnalisation de la gouvernance locale», un procédé qui, par la suite, «garantira l'autonomie financière des collectivités locales et l'émancipation du pouvoir local». Dans la foulée, il a soutenu que cette réforme doit consacrer le statut de l'élu local.
Cette table ronde qui a réuni d'éminents professeurs spécialistes en la matière a permis aux différents participants de cerner les contours de cette réforme qui, il faut le relever, alimente les discussions les plus folles. Ainsi, face à l'information «incomplète» et «manipulatrice» diffusée dans la presse sénégalaise, il faut opposer «une stratégie de sensibilisation des populations locales» pour une meilleure compréhension de la réforme à laquelle adhère le Forum civil. Partant du principe selon lequel «la validation de cette réforme a été faite à l'issue de l'élection présidentielle de 2012», Mouhamadou Mbodj, le coordonnateur général du Forum civil est optimiste : «On est à présent sur la mise en œuvre de la réforme.» Cependant, il a fait part de certaines contraintes, comme celle qui commande d'«éviter que cette question soit enfermée entre les spécialistes». D'où la nécessité d'«intégrer les populations locales dans les discussions».