C’est sur la Corniche Ouest, face à l’océan atlantique, que se trouve la mosquée de la Divinité, à Dakar. Construit de mai 1992 à octobre 1997, ce lieu de prières bâti par Mohamed Seyni Guèye dit Sàngg bi continue de susciter la curiosité. Il est réputé pour avoir été bâti sur recommandation de Dieu. Il y a près d’un mois, le dimanche 26 juin dernier, a été célébré le 24^e anniversaire de cette révélation. EnQuête s’est entretenu avec Mouhamed Naby Guèye, le khalife actuel du mouvement Naby Allah. Qui revient sur l’histoire de ce projet architectural et celle de son initiateur.

Dimanche dernier, vous célébriez la descente spirituelle de la mosquée de la Divinité. Comment l’avez-vous vécu ?

Il y avait beaucoup de monde venu partager avec nous cette célébration. C’est au mois de juin 1973, précisément dans la nuit 27 au 28 juin, que cette descente spirituelle a eu lieu. Depuis, chaque mois de juin, on choisit une date proche de celle-ci pour la célébration. Cet événement précède un autre qui se tiendra, ce vendredi 30, sur ce site. L’on y organise une prière appelée ‘’fày faat’’. Le prophète  faisait cette prière, mon père également. C’est une prière qui répare les prières perdues. C’est 4 raka d’affilée, après la prière du vendredi. Nous y invitons tout le monde. Comme chaque année d’ailleurs, cette prière reçoit beaucoup de monde.

Qui est Mouhamed Seyni Guèye, le bâtisseur de la mosquée de la Divinité ?

C’était un homme de Dieu. On l’appelle khalife de Dieu sur terre. Dieu ne peut pas avoir un remplaçant sur terre, mais il peut avoir un représentant sur terre. Dans le Coran, il y a Adam comme khalife de Dieu sur terre. Il y a aussi le prophète Daouda. Dans les grandes universités islamiques, l’on dit que tout le monde est khalife de Dieu sur terre. Ou du moins, toute personne qui recommande le bien et déconseille le mal est khalife de Dieu sur terre. Maintenant, la différence entre les khalifes de Dieu, c’est le ‘’ndigël’’ (la consigne) qui vient de Dieu. Et donc, la recommandation d’appeler à la mobilisation.

Quelle a été sa mission sur terre ?

Sa mission peut se résumer à la réconciliation. Faire en sorte que les musulmans se réconcilient avec leurs prochains et avec le Tout-Puissant. Effacer ou éradiquer la crise qui secoue le monde.  C’est pourquoi Dieu lui a demandé d’appeler à la droiture, la spiritualité et la foi en Dieu. Cette mission, il l’a accomplie au bout de 30 années (1977- 2007).

L’on voit qu’il n’a pas créé de confrérie, mais un mouvement dénommé Naby Allah. Quel en est l’objectif visé ?

Naby Allah signifie passer par le prophète pour accéder à Dieu. Ce mouvement n’est pas un mouvement confrérique. Mouhamed Seyni Guèye est un Tidiane. Il a pris le ‘’wird Tidiane’’. C’est pourquoi dans le mouvement Naby Allah, il y a des Tidianes, des Layennes, des Mourides, des Khadres, des Niassènes, bref toutes les confréries confondues. C’est ce qui fait d’ailleurs la force du mouvement. Mieux, il disait : ’’Restez avec vos marabouts. Si vous avez des ‘’hadiya’’, allez les donner à vos marabouts. De la même manière, si vous devez aller aux champs, allez dans ceux de vos marabouts et faites de moi une roue de secours’’. Il recommandait aux membres de ce mouvement de conserver leurs ‘’wird’’, mais de venir avec lui pour qu’ensemble, ils aillent tous vers Dieu. C’est d’ailleurs ce qu’il  a dit en dernier.

L’on dit qu’il a passé une période à Touba, lors de la construction de la grande mosquée de Touba. Qu’en est-il ?

Il était comptable chargé de la gestion de la grande mosquée de Touba au temps de Serigne Fallou Mbacké, deuxième Khalife de Serigne Touba. Il a toujours incarné la droiture et a géré la grande mosquée de Touba avec une grande société OGE que tout le monde connaissait. C’est en 1963, à l’inauguration de la mosquée, qu’il est revenu à Ouakam pour s’y installer. Là, une voix lui a dit d’y rester et de l’attendre. C’est dans cette attente, qu’il a eu beaucoup de révélations de Dieu.

Quelle était sa vie à Ouakam, l’une des communes d’arrondissements de Dakar ?

Quand il est venu s’installer à Ouakam, il y avait des ‘’night-club’’ et d’autres endroits où se divertissaient les jeunes. A ce moment-là, Ouakam était comme tous les villages traditionnels situés à côté des camps militaires… Avec son modèle, Mouhamed Seyni Guèye a su, sans armes ni violences, ramener les jeunes musulmans dans le droit chemin. Ces jeunes sont parvenus à renoncer à beaucoup de choses. Des femmes commençaient à prier, à se voiler etc. Et les boîtes de nuit ont commencé à fermer leurs portes. C’est ce sacerdoce qu’il a mené de 1977 à 2007, avec beaucoup d’évolutions, notamment la sortie de terre de la mosquée de la Divinité.

Justement, d’aucuns disent que le projet architectural lui est venu en rêve. D’autres avancent que c’est par recommandation de Dieu, entre autres. Quelle est l’histoire réelle de la mosquée de la Divinité ?  

C’est dans un rêve que Mouhamed Seyni Guèye ‘’Sàngg bi’’ a vu cette maquette. (Il montre un exemplaire de ladite maquette dans le salon où il nous reçoit). Une voix lui disait de la suivre, pour voir où elle allait se poser. ‘’On la fait descendre pour toi mon représentant, suis-la pour voir où elle va descendre’’, entendait-il. ‘’Sàngg bi’’ l’a ainsi suivie dans tout le village de Ouakam, jusqu’à ce qu’elle descende là où se trouve actuellement la mosquée de la Divinité. Il y était écrit : ‘’Allahou Akbar’’ (Dieu est Grand). Il a eu le temps de dessiner la maquette et de la garder, en attendant l’autorisation de construction. C’est le 29 janvier 1992 qu’il a reçu l’ordre de Dieu.

Il a ainsi appelé El hadj Ibrahima Sakho, pour la pose de la première pierre. Les travaux ont démarré le 20 mai 1992. 5 ans et 5 mois après (20 mai 1992- 1^er octobre 1997),  la mosquée a été inaugurée, sans grue élévateur, sans bétonnière. Tout a été fait à la main. Les minarets mesurent 45 mètres de hauteur. Les constructeurs, pour y accéder, se cramponnaient et s’attachaient pour que le vent et la pression atmosphérique ne les fassent pas tomber. Par contre, il n’y avait pas dans la maquette la coupole qui y est. C’est Cheikh Ngom, architecte de la mosquée, qui l’y a ajouté. Quand ‘’Sàngg bi’’ lui a remis le plan, il a voulu travailler gratuitement, d’une façon bénévole et l’a fait.

La mosquée est implantée dans une zone très prisée, en bordure de mer. Les constructions y font généralement l’objet de controverses. Comment a-t-il réussi à construire cette mosquée ?

Qui veut construire quelque chose au niveau d’un domaine maritime suit obligatoirement les démarches à faire. Il faut chercher une autorisation de construire, un bail ou un titre foncier individuel. Sinon ce serait de la provocation. Or lui, il n’a jamais voulu faire du mal à son prochain, c’était un homme de Dieu. A l’époque,  il y était prévu des hôtels. Même les plans, des cautions pour hôtels, étaient sortis. Mais c’est Dieu qui a décidé que ce serait une mosquée qui y serait construite.

Avait-il fait des révélations sur cette mosquée … ?

‘’Sàngg Bi’’ disait que cette mosquée fait partie des 5 grandes mosquées du monde construites sur recommandation de Dieu. La Mecque, la Mosquée de Jérusalem, la Mosquée du Prophète à Médine, la Mosquée de Touba et la Mosquée de la Divinité. Les trois premières citées sont les plus célèbres dans le monde.  S’agissant de celle de Touba, Serigne Touba disait à sa famille : ‘’Construisez la mosquée, si vous ne le faites pas, les anges vont le faire, parce que cette mosquée est une recommandation de Dieu.’’ C’est pourquoi tous ses fils ont mis leur pierre à l’édifice. 

Quelles étaient ses relations avec les chefs religieux du Sénégal ?

Quand il a appelé en 1977, il a fait le tour des domiciles des chefs religieux pour leur révéler sa mission qui est de faire sortir la jeunesse de l’obscurité et de se réconcilier avec Dieu. A l’époque, c’est le khalife général des Tidianes Mame Abdoul Aziz Sy ‘’Dabakh’’ qui devait inaugurer la mosquée. Mais il a disparu le 14 septembre 1997, 2 semaines avant l’inauguration. C’est son fils Mame Alpha et le ministre du Travail d’alors, Assane Diop, qui sont venus l’inaugurer. Aujourd’hui on voit que la mosquée de la Divinité est un point de convergence.