Publié le 6 Jul 2024 - 15:31
NOMINATION À LA DIVISION DE LUTTE CONTRE LE SIDA

Les syndicalistes des médecins au cœur de la polémique

 

La récente nomination de Magatte Ndoye Ndiaye, économiste de la santé, à la tête de la Division de lutte contre le sida et les IST au ministère de la Santé et de l’Action sociale, suscite de vives critiques au sein de la communauté médicale sénégalaise. Cette décision, qui remplace le professeur Cheikh Tidiane Ndour, spécialiste de renommée mondiale en maladies infectieuses, a été fermement rejetée par le Syndicat autonome des médecins du Sénégal (SAMES).

 

Le Bureau Exécutif National (BEN) du SAMES a publié un communiqué le 4 juillet pour exprimer son mécontentement. Selon eux, confier la direction de cette division technique à un économiste de la santé est une "insulte grave à la communauté scientifique". Ils soulignent les importantes avancées réalisées sous la conduite d'un médecin infectiologue de renom et estiment que la nouvelle nomination pourrait compromettre ces progrès.

Le BEN a exigé une rectification immédiate de cette nomination par le ministre de la Santé, Ibrahima Sy, considérant cela comme essentiel pour maintenir une collaboration efficace entre le ministère et les professionnels de la santé. Ils ont également mis en avant la nécessité de traiter en priorité les revendications des travailleurs de la santé et de corriger les dérives notées dans la gestion des services.

Des agents de la Division de lutte contre le sida ont également exprimé leurs réserves quant à la compétence de Magatte Ndoye Ndiaye pour ce poste. Ils craignent que sa formation en économie de la santé ne soit pas suffisante pour diriger une division qui nécessite des connaissances pointues en maladies infectieuses et en gestion de programmes de santé publique.

Opinions divergentes sur les décrets de nomination

Talla Gueye, infirmier, voit dans cette nomination un déphasage entre les déclarations d'intention du gouvernement et ses pratiques réelles. Il rappelle que le programme du nouveau gouvernement prônait l'appel à candidature, une procédure qui semble avoir été ignorée dans ce cas. Oumou K. Niang, spécialiste en gestion de carrière, partage une vision plus nuancée. Elle souligne que les décrets de nomination peuvent parfois déstabiliser certaines institutions, mais elle admet que la logique politique peut prévaloir sur les compétences spécifiques. Elle cite l'exemple d'El Hadj Manar Sall, directeur de Petrosen, qui, pour elle, devrait être maintenu en raison de l'importance stratégique de son poste, même si une dose de politique et d'administratif est nécessaire.

Cette situation n'est pas sans rappeler d'autres nominations controversées. En 2019, l'ancien président Macky Sall avait annoncé la nomination d’Amadou Lamine Dieng comme directeur général de l’Institution de prévoyance retraite du Sénégal (Ipres), ce qui avait été vivement critiqué par les syndicalistes qui considéraient cet acte comme une violation de la loi, car le directeur de ladite institution était nommé par le conseil d’administration. Suite à ces critiques, le président avait finalement rétracté sa décision.

Est-ce que le nouveau président Diomaye Faye va se plier à cette injonction des syndicalistes pour le cas de Magatte Ndoye, économiste de formation ? Une question sans réponse pour l’instant.

Les implications de la nomination

Pour certains observateurs de la santé, la nomination de Magatte Ndoye Ndiaye à la tête de la Division de lutte contre le sida pose plusieurs questions. D'une part, elle soulève des inquiétudes quant à la compétence et à l'aptitude de diriger une division technique stratégique pour la santé publique. D'autre part, elle met en lumière les tensions existantes entre les approches politiques et les exigences professionnelles dans les nominations.

Pour certains experts, comme la spécialiste des personnes en milieu de travail, il peut être préférable de nommer des hauts fonctionnaires non spécialistes dans certains services, à condition qu'ils apportent une expertise administrative précieuse. Elle cite le cas de la Radiodiffusion Télévision Sénégalaise (RTS), où elle estime qu'un administrateur civil pourrait mieux gérer la boîte qu'un journaliste, même renommé.

La nomination de Magatte Ndoye Ndiaye, économiste de la santé, à la tête de la Division de lutte contre le sida et les IST, a suscité une vive polémique au Sénégal. Les médecins, par la voix du SAMES, ont fermement contesté cette décision, la qualifiant d'insulte à la communauté scientifique. Ils appellent à une révision de cette nomination pour garantir une gestion efficace et compétente de la lutte contre le sida. Les exemples précédents de nominations controversées montrent que cette problématique n'est pas nouvelle et qu'elle révèle des tensions profondes entre les impératifs politiques et les exigences professionnelles.

La question reste de savoir si la tutelle écoutera les critiques et reviendra sur sa décision, ou s'il maintiendra Magatte Ndoye Ndiaye à son poste, malgré les objections. En tout état de cause, l'appel à candidature semble être l'approche la moins clivante.

AMADOU CAMARA GUEYE

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