Le Mali fait pression sur les banques sur son territoire
Face à l’embargo infligé à son économie, les autorités de la transition malienne ont brandi un plan de riposte. Quelques-uns de ses contenus viennent d’être dévoilés
Si les sanctions émises par la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) à l’encontre du Mali suscitent beaucoup de débats sur les médias, celles déclenchées par l’Union économique monétaire ouest africaine (UEMOA) le font moins. Et pourtant, ce sont celles qui feront le plus de mal au gouvernement malien. A côté de la fermeture des frontières avec les Etats membres de la CEDEAO, l’UEMOA a gelé les avoirs maliens au sein de la Banque centrale des États d'Afrique de l'Ouest (BCEAO), suspendu les transactions avec Bamako, sans compter les blocages sur les levées de fonds sur les marchés financiers. Depuis, les autorités maliennes ont pris en catimini les devants sur ce qu’elles espèrent encore pouvoir contrôler.
Selon des informations révélées par Jeune Afrique, Bamako a organisé une riposte en faisant pression sur les banques présentes sur son territoire. Ces dernières, réunies au sein de l’Association professionnelle des banques et établissements financiers (APBEF-Mali), auraient été convoquées le 10 janvier par le ministre de l’Économie et des Finances. Selon le compte-rendu des échanges, consulté par le journal, Alousséni Sanou leur a fait part de six demandes spécifiques de l’exécutif (« 6 points essentiels ») : ‘’l’interdiction formelle [faite] aux banques de geler les comptes de l’État » et de « communiquer les positions de l’État » domiciliées dans leurs livres de comptes ; de ‘’prendre des dispositions pour le paiement des salaires des fonctionnaires’’ ; de ‘’rassurer les clients sur le paiement des mandats’’ ; ‘’d’explorer la piste des correspondants bancaires hors d’Europe afin de continuer à faire des transactions internationales’’ ; et ‘’d’accompagner les clients qui vont être impactés par les sanctions de la Cedeao à travers le processus de report des échéances’’.
Interdiction formelle faite aux banques de geler les comptes de l’État
Selon le document exploité par les journalistes, le ministre de l’Economie et des Finances a expliqué lors de cette rencontre, ‘’qu’il est hors de question que les banques commerciales bloquent les comptes de l’État et de ses démembrements [entreprises et administrations publiques] ». Et pour donner un coup de pouce, Alousséni Sanou a ‘’confirmé’’ à ses interlocuteurs que ‘’les dispositions ont déjà été prises pour faire sortir les fonds de l’État et [que] le reliquat [allait] servir au remboursement des échéances de l’État à fin février’’.
Toutefois, beaucoup de questions demeurent. Ces banques disposent-elles d’assez de marge de manœuvre ? D’autant plus que tous les réapprovisionnements ont été bloqués par la banque centrale. Aussi, elles disposent de filiales dans les autres pays de la CEDEAO qui appliquent les sanctions décidées par les organisations sous régionales.
Au lendemain des sanctions, un Conseil Supérieur extraordinaire de la Défense nationale du Mali présidé par le Colonel Assimi Goïta, président de la Transition, a approuvé, un plan de riposte aux sanctions de la CEDEAO et de l'UEMOA. Selon, le porte-parole du gouvernement, Colonel Abdoulaye Maïga, ‘’ce plan transversal comporte plusieurs composantes : des questions diplomatiques, géopolitiques, économiques et financières ainsi que des questions sociales. L'objectif de ce Plan n'est pas d'être dans une posture de bras de fer avec la CEDEAO et l'UEMOA. Notre souhait est que ces sanctions soient les plus brèves possible aussi bien dans l'intérêt du peuple malien, ainsi que dans l'intérêt des États de la CEDEAO et des États de l'UEMOA’’.
Souscrire aux émissions de titres “physiques”
Ces révélations pourraient prouver son application par le gouvernement de la Transition. D’ailleurs, poursuit la même source, dans un autre courrier adressé à la même structure, le grand argentier du Mali a également ‘’autorisé’’ les établissements bancaires du pays à ‘’prendre des dispositions utiles pour participer et souscrire aux émissions de titres “physiques” que la Direction nationale du Trésor et de la comptabilité publique pourrait émettre incessamment sur le marché domestique’’. Ce, malgré les blocages sur les levées de fonds sur les marchés financiers imposés par la CEDEAO. Il faut dire qu’une émission de 30 milliards de F CFA de bons assimilables du Trésor malien, prévue le 12 janvier sur le marché régional, avait été annulée en raison des sanctions de la CEDEAO.