Publié le 13 Jul 2015 - 23:22
NOTE DE LECTURE: ‘’DELIRES DE FOU’’

D’Abib Ndao  L’Harmattan Octobre 2010

 

Délires de fou, voilà un excellent pamphlet poétique signé Abib Ndao, cet ancien interne de l’Ecole Normale William Ponty qui nous parle de l’Afrique, malade de ses dirigeants, de ses élites.

Le fou d’Abib Ndao me rappelle Samba LY, cet autre ‘’illuminé’’ qui arpentait les rues de Rufisque, inscrivant sur les façades des maisons : " Tant vaut le franc, tant vaut la France, Sénégal Yéwou lène" ou, reprenant Rabelais, il nous crachait : "Science sans conscience n'est que ruine de l'âme". A l'époque, Senghor présidait.

Ce fou était aussi la voix de la conscience, de cette conscience que les délires d'Abib Ndao restituent sous forme de litote en posant avec une lucidité déconcertante les variables de cette équation, de ce grand "paradoxe de cette surdité à la parole du fou dans une société qui a consacré l'avènement de la parole."

Déjà, en préambule,  tout est déjà dit avec cette admirable réflexion : ‘’Prenez ceux qui refusent et confiez-les au vieux guide. Il  sait où les mener et à réponse à tout. Mettez à ses côtés un griot. Ceux-là savent parler aux peuples…. ‘’ - Extrait de Parchemins oubliés, (Le seul livre de Dieu descendu en Afrique ; c’était il y a longtemps, très longtemps) nous précise l’auteur….

Dans un style dense où les mots sont parcimonieusement choisis, l'auteur, nous démontre à quel point nos peuples sont anesthésiés par le verbe, la parole, leurs rêves entretenus dans un "repli du futur."

A ces peuples qui sont comme des troupeaux et livrant leur sort aux bergers parce qu'ignorant leurs itinéraires, l’auteur nous dit que des prédateurs usent et en abusent et, ont pour noms : les marchands de rêve ( les politiques), les gourous ( terme plus prudent pour désigner les marabouts) qui distillent à doses homéopathiques des illusions pour entretenir l'espoir d'un avenir meilleur et enfin, les princes du savoir et larbins d'antichambre, vieilles rampes d'escaliers qui supportent tous les attouchements et ont la mémoire de toutes les souillures du monde (les intellectuels et plus particulièrement certains d’entre eux), ceux-là que ‘’ la légende des peuples dit qu’au soir de leur âge, sont comme des prostituées défraîchies : ils se donnent pour n’importe quel prix’’. 

Délires de fou est un réquisitoire sans appel contre nos dirigeants, une peinture de notre Sénégal avec "des nantis de dernière cuvée" enrichis avec des billets de toutes les couleurs surtout celles du parti au pouvoir  et ne "voudront pas voir la vérité parce que la fortune leur est offerte sur un plat à emporter."

Sous les Tropiques, ces faits sont courants. Alors, sommes-nous les damnés de la terre, le dernier goulag de l'Histoire des hommes  comme le demande l’auteur ? Et si c'est vrai, la mélanine y est-elle vraiment pour quelque chose demande-t-il encore ? Non, il faut chercher du côté des hommes, des "colporteurs de rêves qui ont brûlé les derniers greniers de notre provision de vie". Mais, avons-nous oublié qu'on se devait de décider de notre destin et que " les chemins ne mènent nulle part, c'est celui qui les emprunte qui va quelque part" et plus précisément, sa destination devrait être "cet espace privilégié où tout se passe et où tout est possible" qu'on nomme l'Histoire. Hors de cet espace, nous sommes condamnés à l'errance, hors de cet espace, "notre présence sur terre est aussi saugrenue qu'un pou à la couture d'un caleçon neuf"

Ainsi, nous sommes suffisamment avertis et il nous faudra aller puiser cette énergie du désespoir pour déplacer les montagnes, pour inaugurer une autre ère et ne point somnoler à la périphérie du monde et des rêves.

La voix du fou s'entend......, une invite, un viatique.

Ce livre est une piqure de rappel après tant d’espoirs déçus afin que ceux qui nous gouvernent se résolvent à considérer leur position non pas comme un privilège, mais comme un sacerdoce, une mission à relever cette Afrique qui apparaît comme ‘’une immense insulte au bon sens : richesse naturelle du sol et du sous-sol, opulence des classes dirigeantes, pauvreté chronique et surréelle d’une population qui dort sur une mine d’or’’. 

Belle œuvre, admirablement écrite, alliant à la fois la subtilité du poète et la finesse du philosophe.

A lire et à faire lire pour que nous nous regardions dans le miroir et prenions notre destin en main.

Ameth GUISSE

 

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