Une erreur de timing du procureur !
Il faudra encore attendre huit jours au moins pour espérer voir le début des hostilités entre Adji Sarr et Ousmane Sonko. À l’origine, il y a une erreur de timing commise par le procureur de la République, qui avait convoqué Mme Ndèye Khady Ndiaye, la veille de l’audience, alors que la loi exige trois jours entre l’interrogatoire d’identité et l’ouverture des débats.
Le face-à-face Ousmane Sonko-Adji Sarr n’a pas eu lieu, hier, devant la Chambre criminelle de Dakar. En cause, il a surtout été évoqué l’enrôlement du dossier. En effet, aux termes de l’article 246 du Code de procédure pénale, ‘’les débats ne peuvent s'ouvrir moins de trois jours après l'interrogatoire par le président de la Chambre criminelle. L'accusé et son conseil peuvent renoncer à ce délai’’. L’accusée Ndèye Khady Ndiaye, poursuivie pour divers chefs, dont complicité de viol, ayant été convoquée la veille pour un interrogatoire d’identité, les débats ne pouvaient avoir lieu, 24 heures après. ‘’Le président a juste constaté une anomalie dans l’enrôlement du dossier ; il a renvoyé d’office. C’est une erreur du procureur de la République qui l’a convoquée la veille pour un interrogatoire d’identité’’, souligne Me Moussa Sarr.
Pour lui, il faut bien noter cela, que ce n’est pas la défense qui a demandé le renvoi, mais le tribunal qui a décidé d’office de ce renvoi pour un délai de huit jours, c’est-à-dire jusqu’au mardi 23 mai. Cela dit, les avocats de la défense ont sauté sur l’occasion pour demander un délai plus long, de 30 à 45 jours au minimum, pour leur donner l’occasion de bien s’imprégner du dossier. À la question de savoir s’ils vont réitérer la demande, lors de la prochaine audience, Me Moussa Sarr déclare : ‘’Il est possible. Pour le moment, nous allons nous concerter avec les autres avocats du pool, pour voir si nous allons réitérer la demande de renvoi à une date assez lointaine, pour mieux nous imprégner des 471 pages de ce dossier. D’autant plus qu’il y a beaucoup d’avocats qui viennent de se constituer.’’
La défense espère un renvoi pour 30 à 45 jours au moins
D’ores et déjà, une partie de la défense doute de la faisabilité de l’ouverture des débats, mardi prochain. C’est la conviction de l’avocat d’Ousmane Sonko, Me Youssoupha Camara, qui insiste : ‘’En matière criminelle, c’est le greffe qui doit nous communiquer le dossier. Il y a 471 pages, plus de 50 avocats qui sont constitués. Comment, en une semaine, il va dupliquer les clés audio, les vidéos, pour nous les communiquer ?...’’, fulmine l’avocat de Sonko.
Pour sa part, Maitre El Hadj Diouf ne trouve pas sérieuses ces demandes formulées par la défense, ainsi que les motifs qui ont été invoqués. Pour lui, le dossier a fait plus de deux ans. En conséquence, les gens avaient largement le temps de l’étudier. ‘’Nous sommes en matière criminelle et la procédure obéit à des normes. Ce n’est pas pour rien que la loi exige l’instruction en la matière. Ce dossier nous a pris plus de deux ans. Il est temps qu’on en finisse. S’il y a des avocats qui viennent de se constituer, ce n’est pas notre ‘ceebu jen’, tonne l’avocat de la dame Adji Sarr qui, elle, était présente comme son ex-patronne Ndèye Khady Ndiaye. Il ne manquait donc à l’appel que l’accusé principal, en l’occurrence Ousmane Sonko.
Pour Me Diouf, il se ‘’cache’’. ‘’Monsieur le Président, enchaine-t-il, dans ce procès, il y a des gens qui se cachent, qui ont peur de faire face à Adji Sarr… Mais ‘wiri wiri, jaari ndaari’. Il faut qu’on en finisse, ‘ku men sa morom dumeu’’’.
Me El H. Diouf : ‘’Le dossier a duré plus de deux ans. Il est temps qu’on en finisse’’
À propos du délai écoulé depuis l’instruction, le défenseur de Sonko, Joseph Etienne Ndione, rétorque : ‘’Jusque-là, nous pouvions lire sur place, mais sans copier. Après l’enquête, c’est parti chez le procureur. Nos confères y ont été plusieurs fois pour voir le dossier, mais c’était impossible. On a même ironisé en disant qu’il la mis dans son coffre.’’ Quant à l’accusation selon laquelle c’est Sonko qui fuit le débat, les avocats de l’accusé principal bottent en touche. Pour eux, c’est seulement parce que les conditions pour lui garantir sa sécurité ne sont pas réunies. Maitre Camara de préciser : ‘’Notre client n’a reçu ni citation ni convocation. La loi dit que s’il reçoit une convocation, il doit venir la veille, assurer qu’il sera à l’audience demain. Aujourd’hui, on considère que le dossier n’est pas en état en ce qui le concerne. Le juge n’a d’ailleurs pas statué sur ce point.’’
À la question de savoir s’il va se présenter pour la prochaine audience, il peste : ‘’Tout dépendra de ce qu’il recevra. S’il reçoit sa convocation, nous ses avocats nous lui conseillerons de venir. Mais c’est lui qui va décider. Il a parlé de désobéissance civile parce qu’il y a une violation manifeste de ses droits. C’est une personne dont les droits sont bafoués à chaque fois qu’il se déplace. Voilà pourquoi il avait parlé de désobéissance.’’
Youssoupha Camara : ‘’S’il reçoit sa convocation, nous lui conseillerons de venir…’’
De l’avis de Maitre Khoureyssi Ba, il faut surtout voir du côté de l’État les raisons de la non-présence de son client. ‘’Quiconque aurait été dans sa situation, aurait pu réagir de la même manière, en parlant de résistance et de désobéissance. Il revient aux dirigeants de ce pays de faire en sorte que les droits de tous les citoyens soient respectés et ce n’est pas son cas. Le plus essentiel chez un homme, ce n’est pas de manger, de boire, de se coucher. Mais la liberté d’aller et de venir, la liberté d’expression et d’opinion, droit à un procès équitable. Notre client a été privé de tout ça. Tout le monde a vu comment il est traité, chaque fois qu’il doit répondre au tribunal. Donc, si Ousmane Sonko n’est pas venu, c’est la faute du gouvernement et des autorités.’’
À l’en croire, s’ils avaient assuré les conditions de sécurité, Sonko serait présent. Il ajoute : ‘’Il est le premier à être intéressé par ce procès. Au Sénégal, personne n’est au-dessus de la loi. C’est donc normal qu’Ousmane Sonko soit convoqué. Personne ne dit le contraire. Mais il doit venir en citoyen libre.’’
GENDARMERIE-POLICE Les démons de la division resurgissent Hier, policiers et gendarmes ont encore failli en venir aux mains. Tout est parti d’une banale affaire, selon les confrères témoins oculaires des faits. Sortie du tribunal à la fin de l’audience en compagnie de son avocat El Hadj Diouf et de son garde du corps, un élément de la Brigade d’intervention polyvalente de la police, Adji Sarr retourne d’un coup sur ses pas et se dirige vers le parking du palais de Justice, pour prendre certainement son véhicule. ‘’Naturellement, elle a été suivie par l’élément de la Bip, tandis que Me Diouf allait faire face à la presse. Arrivés au niveau du portail qui mène vers le parking, les gendarmes ont laissé entrer la dame, mais l’ont refusé au garde du corps qui a voulu forcer le passage. Par la suite, les policiers qui étaient à côté ont couru à la rescousse de leur collègue et les gendarmes en ont fait de même. Heureusement, la situation a été vite maitrisée. Il y a eu plus de peur que de mal’’, informe un des confrères. |
MAGUETTE NDAO ET MOR AMAR