Publié le 18 Oct 2022 - 16:36
OUROSSOGUI - 20 MOIS DE CRISE

L’hôpital suffoque et s’enlise

 

Vingt mois que la quiétude de l’hôpital de Ourossogui est perturbée par un conflit entre le directeur et une partie de ses travailleurs. Le directeur utilise désormais la méthode forte pour interdire la tenue de sit-in dans l’enceinte de l’hôpital. Le dernier en date a été dispersé par les forces de l’ordre.

 

‘’Je ne compatis pas à la peine des agents de santé embarqués de force par les forces de l’ordre’’. Tels sont les mots, dénués de toute ambiguïté, lâchés par le directeur de l’hôpital de Ourossogui, Dr Ousmane Guèye, quelques heures après l’intervention musclée des éléments de la gendarmerie pour déloger des membres du Sutsas en sit-in dans la structure hospitalière. Le bras de fer entre une partie des travailleurs de l’hôpital et le directeur repousse toujours les limites du temps. Plus d’un an que les deux parties ne parlent plus le même langage ; plus de 20 mois que les deux positions se sont radicalisées.

Tout est parti de l’augmentation des primes du directeur de l’hôpital validée par le conseil d’administration. Primes passées de 600 mille à un million. Et selon le secrétaire général régional du syndicat du Sutsas, Amadou Lamine Sano, ce même directeur a catégoriquement refusé une augmentation relative aux autres agents de l’hôpital. Ce qui constituerait la pomme de discorde. ‘’Nous ne nous opposons pas à l’augmentation des primes du directeur ; nous demandons simplement que cette augmentation soit généralisée pour que tous les autres agents puissent en bénéficier, chacun selon statut. Mais il refuse cette proposition et nous aussi, on s’est levé pour combattre cette augmentation exclusive et unilatérale’’, martèle celui qui était, par ailleurs, chef de service des soins infirmiers de ladite structure hospitalière sise à Ourossogui.

Sur les faits, il y a bien une augmentation des émoluments du directeur du centre hospitalier régional de Ourossogui qui ont été revus à la hausse de plus de 400 000 F. Mais le directeur précise que la version des syndicalistes n’est pas conforme à la vérité. ‘’La première précision à apporter est que le directeur ne peut pas augmenter ses primes. C’est seul le conseil d’administration qui est habilité à acter une augmentation. Ensuite, je ne suis pas demandeur de cette augmentation. C’est le conseil, tout souverain qu’il est, qui a proposé et validé l’augmentation. C’est pour corriger une injustice que cette décision a été prise. On a remarqué que, de tous les directeurs d’hôpitaux de même niveau, celui de Ourossogui est de loin le moins bien payé. Voilà les arguments qui justifient cette hausse des primes’’, explique le Dr Ousmane Guèye.

Le chirurgien, qui n’hésite pas, de temps à autre, à arborer sa blouse pour faire valoir la dextérité de ses mains dans la salle d’opération, ajoute avoir consenti de gros efforts pour améliorer les conditions de travail des agents, en augmentant considérablement leur nombre.

25 stagiaires recrutés, primes supplémentaires pour 13 surveillants de service en 2021

‘’Je suis arrivé dans cet hôpital, le 6 janvier 2021. La première décision que j’ai prise, le 31 mars 2021, a été d’introduire, dans les primes de motivation, le personnel stagiaire qui était laissé en rade. Actuellement, ils sont au nombre de 25 et tous bénéficient de la prime de motivation. Pour renforcer les services, rien qu’en 2021, j’ai recruté 25 stagiaires rémunérés. J’avais aussi trouvé des revendications de primes de logement pour 13 surveillants de service. On n’arrivait pas à trouver des logements pour les héberger, alors, ils ont demandé à ce qu’ils soient payés en numéraire, à raison de 60 000 F. J’ai accédé à leur demande. J’avais aussi trouvé des revendications de prime de garde et d’astreinte. Cela aussi nous a coûté 20 millions’’, fait-il noter.

Ce bilan aux allures élogieuses, présenté aux premières heures du magistère du Dr Ousmane Guèye, ne serait, aux yeux des meneurs syndicalistes, que ‘’l’arbre qui cacherait la forêt’’. Le SG régional croit même déceler une gestion peu catholique des fonds Covid alloués à l’hôpital pour la nourriture des patients. ‘’Nous ne sommes pas en train d’inventer des choses, mais c’est le directeur qui a avoué lui-même, je le cite : ‘J’ai utilisé une facture vierge pour justifier les fonds Covid.’ Cela montre clairement que ce directeur est venu ici pour se remplir les poches. Je rappelle que la maison qu’il occupe présentement a été entièrement équipée par les fonds de l’hôpital. Cela ne nous a pas dérangés, pourtant, car on estime qu’il doit être mis dans de bonnes conditions’’, révèle M. Sano.

Sano déchu de son poste de chef de service des soins infirmiers

Les divergences allant crescendo, les deux hommes ont laissé prospérer une certaine animosité autour de leurs positions, au point qu’ils ont failli en venir aux mains. Une plainte avait été déposée, puis retirée par le directeur contre Amadou Lamine Sano, pour propos offensants. Ensuite, le directeur, constatant une incompatibilité d’humeur, a finalement puisé dans son pouvoir discrétionnaire la décision de relever le SG régional du Sutsas de son poste de chef de service des soins infirmiers. Cette mesure actée a eu le mérite de braquer les syndicalistes qui, aussitôt, ont rajouté le retour de leur SG à son poste dans leur plateforme revendicative.

Depuis, les plans d’actions se multiplient les uns plus corsés que les autres. Entre sit-in, rétention d’informations sanitaires et boycott des vaccinations, le Sutsas explore toutes les formes de lutte pour faire plier l’administration.

Le directeur a décidé de renoncer à ses augmentations, mais cela ne semble pas calmer le camp d’en face. Ils exigent du directeur la réaffectation d’Amadou Lamine Sano à son poste de chef de service. Mais c’est sans compter avec l’intransigeance du Dr Guèye qui s’est déjà trouvé un autre chef de service des soins infirmiers.

La gendarmerie entre dans la danse avec des réquisitions

Malgré les tentatives de médiation entreprises par les autorités, dont le médecin-chef de région, aucun compromis n’a pu être trouvé. Jeudi dernier, le Sutsas tenait un sit-in dans les locaux de l’hôpital, mais le directeur avait déjà alerté la gendarmerie. Une manifestation dispersée par une intervention musclée des forces de l’ordre. Trois d’entre eux ont été embarqués de force, puis conduits à la brigade de gendarmerie de Ourossogui. D’où le courroux du secrétaire général régional du Sutsas : ‘’Nous nous attendions à des arguments pour nous convaincre, mais à la place, on nous a servi l’argument de la force. Le directeur nous a envoyé la gendarmerie pour interdire une manifestation pacifique. Maintenant, nous n’excluons plus de boycotter les vaccinations et de remettre au goût du jour la rétention d’informations sanitaires’’, menace le syndicaliste.

Des menaces qui ne semblent nullement ébranler le directeur qui veut rester droit dans ses bottes. ‘’Nous sommes dans un État de droit et si des citoyens veulent empêcher d’autres citoyens d’exercer leurs droits, c’est aux hommes de loi de les départager. Je ne compatis pas du tout, parce que ce qu’ils ont fait relève d’une indiscipline notoire. Je crois même qu’une mesure administrative devrait en suivre. Je ne peux pas comprendre que des agents, qui avaient été formés par l’État, puissent refuser de vacciner des enfants. Ce sont des criminels’’, réplique le patron de l’hôpital.

Les élus se rangent derrière le directeur

Un combat sans fin au sein de la structure hospitalière se poursuit aux dépens des populations. Les élus locaux regroupés autour d’un collectif, condamnent la position des syndicalistes et ‘’donnent entièrement raison au directeur’’ qu’ils ‘’soutiennent à 100 %’’. Dirigé par Ibrahima Ba dit ‘’Tépé’’, le collectif compte siffler la fin de la récréation qui ‘’n’a que trop duré’’. ‘’Nous exigeons la fin de cette grève qui n’est basée que sur des intérêts personnels. Nous avons bien consulté les revendications du Sutsas, mais il n’y a aucun point où il est question d’un intérêt pour les populations, relève Tépé. Nous savons que ce directeur est un travailleur. Nous n’accepterons pas qu’il soit relevé de cet hôpital à cause de fausses informations. Nous allons saisir toutes les autorités, à savoir le préfet et le gouverneur. Et s’il le faut, nous allons organiser une marche régionale pour arrêter ces agents grévistes’’, tonne le conseiller départemental de Matam.

Djibril Ba

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