Publié le 20 Apr 2016 - 21:01
PARACHUTAGE POLITIQUE A L’APR

Les commandos de la massification

 

Le phénomène n’est pas nouveau mais il est devenu récurrent. Depuis quelque temps, des cadres de l’actuel régime sont parachutés dans certaines localités du pays pour permettre à l’Alliance pour la République de gagner davantage de terrain et mieux préparer l’élection présidentielle de 2019. Cependant, ces ‘’parachutés’' font souvent face aux critiques des populations et politiciens de ces différentes localités.

 

Fondé le 1er décembre 2008, le parti au pouvoir (Alliance pour la République) est une jeune formation politique qui peine à s’implanter dans certaines localités du pays. A la différence du Parti socialiste (Ps) ou du Parti démocratique sénégalais (Pds) qui ont  fini d’étaler leurs tentacules sur toute l’étendue du territoire national, l’APR se cherche. Pourtant, ce parti a remporté le deuxième tour de la présidentielle de 2012 avec 65,8%. Et ce, grâce à la coalition Benno Bokk Yaakaar. Mais cette coalition va-t-elle tenir jusqu’à la prochaine présidentielle de 2019 ? Certaines formations politiques membres de cette structure ne présenteront-elles pas de candidats à la prochaine échéance électorale ? Autant de questions sans réponses précises !

Pour parer à ces différentes éventualités, la prairie marron-beige a choisi de parachuter certains de ses (nouveaux) cadres dans des zones stratégiques du pays. En politique, le parachutage peut être défini comme ‘’une candidature à un scrutin local ou régional sans que le candidat n'ait beaucoup d'attaches au mandat électif visé. Le parachutage émane également d'une décision politique d'une instance nationale (un parti politique) ou d'une personnalité politique majeure, qui veut privilégier une candidature personnelle, aux dépens des candidatures locales. Les parachutés se défendent habituellement d'un ancrage profond dans leur zone de chute, et ont en général à cœur de trouver une justification autre que stratégique à leur arrivée : des racines familiales ou un passé vécu, une demande de la part de militants locaux’’.

 A l’Alliance pour la République, certains  cadres comme Aliou Sall, Amadou Ba, Mansour Faye, Moustapha Cissé Lo, Aminata Touré, Adama Sall sont dans cette situation.

Aliou Sall, le frangin

Le maire de Guédiawaye constitue le cas emblématique de ces commandos de l’APR, lâchés d’en haut pour venir occuper le terrain politique. En décembre 2013, ce natif de Fatick, frère du président de la République, annonce sa candidature pour la mairie de Guédiawaye. Inconnu de la population de cette banlieue de Dakar, il a très vite été rejeté par des personnalités populaires dans cette zone.  Le rappeur Fou malade, par ailleurs membre  du mouvement citoyen Y’en à marre, est l’un des premiers à s’opposer à lui.

‘’Aliou Sall n’est pas de Guédiawaye, il n’a pas une histoire avec la ville et il n’y a jamais payé d’impôts. Ces raisons sont largement suffisantes pour le disqualifier de la course pour la conquête de la mairie’’, déclare le rappeur qui l’accuse aussi d’achat de conscience.

Mais Malal Talla de son vari nom n’est pas le seul. Le maire Cheikh Sarr a aussi rappelé à Aliou Sall qu’il n’est pas du milieu, le qualifiant de ‘’produit importé’’. D’ailleurs après sa victoire à l’issue des Locales, le frangin du Président n’a pas manqué de lui envoyer une pique en lançant à son encontre. ‘’Les produits importés se vendent bien. J’en ai fait la preuve’’, ironise-t-il.

Quant à Babacar Mbaye Ngaraff, il s’était dit prêt à lui barrer la route au prix de sa vie. ‘’Nous n’accepterons jamais d’être dirigés par Aliou Sall, le frère du chef de l’État. Nous refusons cet impérialisme comme cela se passait avec les colons venus envahir les territoires sénégalais.’’

Des positions qui ont amené le président de la République à déclarer, à l’occasion du baptême du fils d’Aliou Sall : "Sa malchance, c'est d’être le frère du chef de l'Etat". Une question reste cependant jusqu’ici sans réponse : Pourquoi Malick Gackou, maire sortant et plus connu dans la localité, a-t-il choisi de céder la place à un illustre inconnu ? Ne dites surtout pas que c’est parce qu’il est le frère de…

Aminata Touré, un pion pour damer Khalifa Sall

L’ancien Premier ministre également essaye de s’implanter dans le populeux quartier de Grand Yoff depuis les dernières élections locales. L’objectif est de permettre au parti de Macky Sall d’acquérir plus d’électorat dans cette zone, mais surtout de faire face au maire de Dakar. En effet, Khalifa  Sall est perçu comme une menace pour le pouvoir, car certains lui prêtent des ambitions présidentielles. Même si elle a réussi à faire imposer le OUI aux dernières consultations citoyennes dans le populeux quartier de Grand Yoff, Mimi Touré fait objet de rejet de la part des autochtones.

Toutefois, l’ancienne militante communiste qui avait perdu les élections municipales de 2014 ne rate jamais l’occasion de prouver son appartenance à cette agglomération. ‘’Je suis de Grand-Yoff. Car, j’ai un titre foncier dans cette localité depuis 23 ans. Donc, personne n’est plus que moi un riverain de cette zone’’, clame l’ancien Premier ministre. Mais pour certains observateurs, Aminata Touré est arrivée tardivement à Grand Yoff. ‘’On ne s’improvise pas politicien de quartier du jour au lendemain. Une élection ne se gagne pas parce qu’on est ministre ou député. Mais plutôt avec des idées et un programme’’, rétorquent ses détracteurs

Cependant, Aminata Touré ne sera pas l’unique  ‘’pion’’ de Macky Sall dans  ce grenier électoral.  Elle  sera secondée par le frère de la première dame. Et au dernier référendum, le frère de Marème Faye Sall  a travaillé main dans la main avec l’envoyée spéciale du Président pour faire triompher le OUI et davantage  consolider la base politique.

Cissé Lo, le repêché

A la différence d’Aminata Touré, Moustapha Cissé Lo a tourné le dos à sa base de Touba pour aller conquérir d’autres cieux. Après sa mésaventure au dernier référendum, il avait le choix entre retourner militer dans son Keur Mbarick natal (Louga) et la Patte d’Oie. Le président du Parlement de la Cedeao a opté pour le second choix pour mieux se consacrer à ses activités politiques. Mais Moustapha Cissé Lo ne serait pas un hôte dans la localité, car certains affirment que cela fait deux ans qu’il a élu domicile dans ladite commune.  Patte d’Oie compte donc sur le tonitruant parlementaire pour ‘’ vivre, de plus belle, une animation politique de grande envergure, une remobilisation des troupes’’. Plus chanceux que l’ancienne ministre de la justice, Moustapha Cissé est accueilli à bras ouvert par les membres de l’Alliance pour la République de Patte d’oie. ‘’Au vu de la dimension politique et sociale, des qualités humaines qu’on lui reconnaît, sa venue constitue une chance et un appui considérable pour les populations, d’une part, et les responsables de l’Alliance pour la République et Benno Bokk Yaakaar communal, d’autre part’’, ont fait savoir les membres de l’Apr.

Mansour Faye, le beau-frère

Il a été révélé à la population de Saint-Louis durant les élections municipales de juin 2014. Mansour Faye était parmi les candidats  qui convoitaient la mairie de la première capitale sénégalaise. Mais le successeur de Cheikh Bamba Dièye en a entendu des verts et des pas mûrs. Il était loin de faire l’unanimité et était sujet à des critiques acerbes  de la part même de ses frères de parti. L’actuel médiateur de la République était parmi ses détracteurs. Alioune Badara Cissé dénonçait un forcing de la part des responsables de l’Apr. ‘’On peut nous imposer un candidat, mais on ne peut pas nous forcer un maire’’, s’était insurgé Abc qui avait créé son mouvement politique dénommé ‘’Dëkk bi rek’’, en perspective d’un départ de l’Apr.

En outre, il  avait invité la population de la vieille ville à ‘’une insurrection démocratique’’ pour changer le destin de leur cité.  Un appel qui apparemment n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd, car  au cours d’un festival, le rappeur Niangass en toute complicité avec son public s’était sévèrement attaqué à l’édile de Saint-Louis. ‘’Tous les projets qui sont là sont lancés par le maire sortant Cheikh Bamba Dièye. Saint-Louis a besoin d'un maire que l'on connaît, un maire proche de la population’’, avait martelé le compagnon de Malal Talla.

Pour sa défense, Mansour Faye a toujours brandi ses compétences et son riche cursus. ‘’Je suis sénégalais comme tout le monde. Ce n’est pas parce que Macky Sall est mon beau-frère que je ne mérite pas d’être responsabilisé. Je mérite ce poste et je réussirai ma mission’’, a-t-il répliqué à l’endroit de ces pourfendeurs. L’avenir nous édifiera…

Amadou Ba, le novice

Il a toujours été taxé de technocrate. Amadou Ba a effectué récemment son entrée en politique aux Parcelles Assainies. Une façon pour l’argentier de l’Etat de conquérir cette vaste agglomération minée par l’ancien libéral Moussa Sy. Pour Amadou Ba, le choix des Parcelles Assainies n’est pas fortuit car c’est le  lieu abritant sa résidence familiale. En plus, il y a été élu conseiller municipal en  1998 sous la bannière socialiste. Toutefois, l’ancien patron de la DGID a effectué son baptême du feu lors du dernier référendum. Une entrée en scène bien réussie. Le MEF a surpris son monde en faisant triompher le OUI devant Moussa Sy. Une défaite que le maire des Parcelles Assainies qui était en coalition avec Khalifa Sall n’a pas réussi à gober. L’édile de PA avait accusé  Amadou Ba d’effectuer  des achats de conscience. Pis, l’ancien collaborateur de Wade soutient que  le ministre des Finances n’est pas un natif de la localité. ‘’Il a loué un hôtel pour abriter son siège’’, dit-il. De leurs côtés, les ‘’apéristes’’ des Parcelles Assainies invitent Amadou Bâ à passer par la ‘’porte légale du parti’’.

Un Mamadou pour ‘’Syer’’ la Racine de Aïssata Tall Sall

Autre exemple de parachutage, celui de Mamadou Racine Sy à Podor. Mais ce dernier est aussi  un fils de la région et même bien connu. Il a été d’ailleurs conseiller municipal. Mais sa rentrée politique est toute récente. Elle a eu lieu à la veille des Locales de 2014. D’ailleurs, nos confrères du journal L’As rapporte que la cérémonie officielle de l’édition 2014 du Gamou de Souima, tenu en mai 2014, a pris les allures d’un meeting politique. Racine Sy a été envoyé à Podor par l’APR pour contrer la socialiste Aïssata Tall Sall. Battu par sa rivale, il a été déclaré, malgré tout, vainqueur par la Cour d’appel de Saint-Louis avec à l’époque comme premier président TaÏfour Diop. L’avocate sera remise sur ses droits par la Cour suprême. Quant au juge Taïfour Diop, il sera muté et affecté à l’Administration centrale, au ministère de la justice, en octobre de la même année.  Au référendum du 20 mars 2016, le OUI dont il était le porteur à Podor a gagné. Mais son poids face à l’actuel maire reste à être confirmé.

HABIBATOU TRAORE

 

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