De l’artiste au public
L’importance ou l’effet de la parole sur le public. C’est le sujet autour duquel ont échangé, avant-hier, étudiants, universitaires, artistes et paroliers à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar.
La parole dans la musique était, avant-hier, l’une des thématiques autour de laquelle ont échangé les participants à la deuxième session du séminaire sur l’esthétique de la parole. Elle s’est tenue à l’Ucad 2, sur initiative du Département de philosophie de la faculté des Lettres et sciences humaines. Parmi les invités des étudiants, l’éminent parolier et poète Birame Ndeck Ndiaye.
Il analysait le rapport entre l’artiste et le public. Pour lui, il y a l’auteur, c’est-à-dire l’artiste, et le récepteur, le public. Avant d’arriver à ce dernier, il y a tout un processus. ‘’Il y a l’inspiration au début. On peut s’inspirer de faits de tous les jours, de l’actualité, etc.’’, a-t-il déclaré. Donc, la muse peut être tout, partout et n’importe où. Seulement, comme il l’a souligné, ‘’l’inspiration est une chose, la technique est autre’’. Ce que confirme le slameur Oumar Niang dit ‘’Minuss’’.
‘’C’est l’artiste qui décide de ce qu’il va donner au public, dans quelle émotion le plonger et non le contraire’’, affirme-t-il. ‘’Qu’on le veuille ou pas, l’artiste pense à lui avant tout, partage son émotion et se dit comment les gens vont réagir quand ils entendront ce que moi j’ai à leur dire’’, a-t-il explicité. Pour cela, il faut de la technicité, entre autres choses, pour y arriver, surtout qu’on prévoit de passer de la plume à la scène. Il y a donc le fond et la forme. Par exemple, faire des rimes simples ou croisés, de l’assonance ou de l’allitération. Il ne faut pas aller croire que cela n’est possible qu’avec les langues étrangères. Ecoutez les rappeurs débiter leurs textes ou encore les slameurs et même certains de nos ‘’mbalaxmen’’, vous vous rendrez compte que c’est fort possible dans nos langues locales.
Birame Ndeck Ndiaye, qui est l’auteur de beaucoup de textes de Youssou Ndour dont ‘’Less Waxul’’, l’a d’ailleurs démontré hier. Pour lui, le wolof est très riche et il y a tout dans cette langue. Il a repris, à cet effet, le texte chanté en 2002 par les Lions du football, ‘’Ca Kanam’’, pour montrer toutes les rimes qu’il y avait. Il a déclamé un poème en français, après pour montrer que tout ce qu’on peut faire avec la langue de Molière, on peut le faire avec celle de Kocc Barma. Donc, on peut avoir l’esthétique, la technicité, la sensibilité, la créativité et un combat de fond et de forme, comme le souhaite Minuss. La première, c’est pour rendre beau et appréciable son texte. La sensibilité est considérée ici comme ce qui fait parler la muse de l’artiste. La créativité peut résider dans l’originalité de l’artiste. Et la musique ne serait là que pour embellir davantage ces paroles.
Quoi qu’il en soit, pensent le parolier et le slameur, ‘’il est bien de parler, mais il est encore meilleur d’être entendu’’, c’est-à-dire compris. Quand c’est le cas, l’artiste peut être vu comme un sage, un panafricaniste. C’est ce que Minuss appelle ‘’un combat de fond et de forme’’. Il serait dommage de parler pendant un certain temps sans que nul ne vous comprenne ou ne retienne ce que vous dites. Pour lui, ce texte n’aurait pas beaucoup d’utilité.
BIGUE BOB