Un système cruel !
Si la nécessité de rationaliser les candidatures aux différentes élections est admise chez la plupart des observateurs, de plus en plus des voix s’élèvent pour s’interroger sur le système de parrainage en vigueur. Alors que certaines accusations semblent justifiées, d’autres sont plus politiciennes que techniques.
C’est devenu une sorte de bouc émissaire parfait. Tous les candidats recalés se défauchent comme pas possible sur le système de contrôle des parrainages. Parfois, les arguments mis sur la table ne reposent sur aucun fondement solide. Ainsi, pour le mandataire de Bougane Gueye Dani, les choses sont simples. On a retenu les candidats de l’antisystème, et on a laissé les candidats insignifiants du système. Dans la foulée, le candidat lui-même est monté au créneau pour protester. ‘’Macky Sall veut faire croire aux gens qu’il est possible de rester chez soi et de voir toutes ses affaires marcher. Nous nous voulons faire comprendre aux Sénégalais que seul le travail paie. Nous qui étions sur le terrain, on nous dit que vous ne pouvez rien avoir. Mais ceux qui étaient chez eux en train de dormir, eux ils passent le parrainage. Ce n’est pas grave. Nous serons sur le terrain et nous allons combattre cette injustice’’, avertit-il, jurant qu’il est plus que jamais déterminé à dégager ce système et tous les hommes qui l’incarnent.
Pour sa part, Aminata Touré, elle, a estimé qu’elle paie son engagement dans la lutte contre la troisième candidature du président de la République. Lequel combat avait fini par porter ses fruits et lui vaut aujourd’hui cet acharnement contre sa personne. ‘’C’est le contraire qui nous aurait étonné. Dès le départ, il y a eu une volonté affichée par Macky Sall de nous éliminer de la course. Mais je ne suis pas la seule. C’est le moment pour moi d’exprimer ma pensée solidaire envers un candidat qui aurait dû être là avant tout le monde, c’est Ousmane Sonko. Je ne me ferai donc aucune illusion… Dès le début, on nous a volé tous les parrains de Saint-Louis. Le président Macky Sall tenait à prendre sa revanche contre le troisième mandat, mais je tiens à le dire à tous les responsables que nous sommes déterminés pour le changement. Plus jamais qu’on ne vive cette situation où on tire le président de la République….’’
Au-delà des accusations à caractère politicien, d’autres s’appuient sur des raisons plus ou moins techniques, avec des arguments qui nécessitent parfois des réponses de la part du Conseil constitutionnel. C’est le cas par exemple de Bassirou Diomaye Faye, dont les informaticiens, au premier tour, sont allés jusqu’à accuser le Conseil constitutionnel d’avoir ouvert leur dossier en l’absence de leur mandataire et d’avoir tripatouillé leurs données pour parvenir à l’invalidation de leur parrainage. Une accusation gravissime qui mérite une enquête sérieuse pour situer les responsabilités. S’agit-il d’accusations de mauvais perdants qui refusaient tout simplement d’assumer leur responsabilité dans ce demi-échec ? Le système est-il si poreux pour permettre au Conseil de manipuler à sa guise les dossiers des candidats ? Pour la transparence du jeu électoral, les sages ont tout intérêt à ouvrir une enquête ou à tout le moins faire une communication pour édifier l’opinion sur ces accusations très graves.
A la suite de la publication des résultats du 2e tour, le mandataire qui est censé être le seul interlocuteur de la Commission, a encore été interpellé pour savoir s’il confirme les dires de son équipe technique, il a répondu : ‘’Ce qui est sûr et certain, c’est que tout le monde, même des candidats anciens ministres ont vu leurs noms disparaitre du fichier. C’est quelque chose qu’on ne peut nier. La vérité est qu’il faut que le fichier soit disponible’’, a-t-il répondu.
‘’Il a été dit que votre dossier a été ouvert par le Conseil constitutionnel, en tant que mandataire, pouvez-vous le confirmer ?’’ Réponse : ‘’Non, non, non, n’allez pas trop vite en besogne. Ce qui est sûr et certain, c’est que les 12 000 personnes, quand le Conseil nous a remis notre clé, nous l’avons analysé, nous avons constaté que les 12 000 personnes qui sont déclarées inconnues du fichier, en réalité leurs données personnelles ont été changées. Soit une lettre sur le prénom qui a été enlevée, soit la date de naissance qui est légèrement modifiée, ou le NIN…’’
Est-ce que c’est le Conseil qui l’a fait, comme les informaticiens… ‘’Ne nous faites pas dire ce qu’on n’a pas dit. Nous nous disons que nos données ont été changées et on peut apporter la preuve, parce qu’on a une copie du fichier qu’on a déposé. Cette étape étant passé, nous nous tournons vers le futur, en espérant qu’il n’y aura plus de problème pour la suite.’’
La problématique des parrains introuvables
Au-delà de cette question, il y a eu la problématique des parrains introuvables sur le fichier, les clés inexploitables, sans parler de la lancinante question des doublons externes. En ce qui concerne la question des clés défectueuses, Charles Ciss est largement revenu sur son cas. Il impute la responsabilité de l’inexploitabilité de sa clé aux informaticiens du Conseil. Pour lui, c’est en copiant les données sur sa clé pour lui créer un dossier que les numéros d’ordre ont sauté. Hélas, il aurait été écarté pour cette raison.
Si certaines accusations peuvent être fondées et méritent des réponses, d’autres sont purement subjectives et sont l’œuvre de mauvais perdants.
Il faut rappeler que le parrainage a été institué à la suite des élections législatives de 2017 qui avait vu la participation de 47 listes de candidats. Ce qui avait poussé à modifier la loi électorale pour permettre à tous les électeurs de pouvoir voter dans les délais impartis. Depuis lors, à chaque scrutin, la question pollue le débat public. Aujourd’hui, même si la plupart des observateurs s’accordent à dire que le filtre est nécessaire, certains demandent, exigent son évaluation pour en corriger les dysfonctionnements.
Il convient aussi de souligner que la plupart des adversaires sérieux du régime, en tout cas les adversaires les plus significatifs, n’ont pas été écartés par le système de contrôle. Même les dissidents du régime qui sont les principales menaces pour Amadou Ba ont réussi à passer le cap des parrainages et sont encore dans la course pour participer à la prochaine présidentielle. Le système a toutefois été à l’origine de l’invalidation de profils assez intéressants.
Mor AMAR