Publié le 13 Dec 2018 - 21:21
PARTCOURS – GALERIE FAKHOURY

Cheikh Ndiaye tout en peinture

 

L’artiste plasticien, photographe, réalisateur… Cheikh Ndiaye est de retour à Dakar. Et c’est  pour exhiber ses peintures à l’exposition qu’accueille actuellement la Galerie Fakhoury, dans le cadre de la 7e édition du Partcours.

 

Ses dessins, vous les prendriez facilement pour des photographies retravaillées. Il n’en est rien. Ce premier sentiment que donnent ses œuvres attestent de son talent. La netteté s’explique, en outre, par le fait qu’avant de travailler sur un sujet, Cheikh Ndiaye tente de l’immortaliser. Il prend des photos de plusieurs scènes de vie avant de décider de laquelle il va mettre sur toile. Vous pouvez découvrir certaines d’entre elles en ce mois de décembre, dans le cadre du Partcours, à la Galerie Cécile Fakhoury, à Dakar. Elle accueille des tableaux de cet artiste sénégalais établi aux Usa depuis quelques années, jusqu’au 22 février 2019. Dans le travail mis en exergue, le plasticien met en avant différentes architectures urbaines. ‘’Poursuivant une approche documentaire qui lui est propre, Cheikh Ndiaye s’attarde sur ces lieux qui dessinent une géographie mémorielle et quotidienne des villes d’Afrique de l’Ouest’’, lit-on sur une note de présentation préparée par la galerie hôte.

Pour la plupart, elles sont celles d’anciennes salles de cinéma. Le titre de l’exhibition l’indique d’ailleurs : ‘’Vox Ouezzin’’. Vox était le nom de l’essentiel des salles de cinéma qui existaient dans les années 1960-1970 au Sénégal et Ouezzin est presque son équivalent à Abidjan. On reconnaît la devanture de la défunte salle de Saint-Louis du Sénégal. Il a entamé ce travail lors de la célébration du cinquantenaire des indépendances de certains Etats africains dont le Sénégal. A l’époque, raconte-t-il, il cherchait un ‘’objet témoin’’. Quelque chose qui était là à la veille des indépendances ou juste après. Cette recherche l’a mené vers les salles de cinéma. ‘’Elles étaient les images de l’Afrique moderne, l’Afrique qui se projette dans l’avenir’’, explique-t-il. 

Un travail qui a ouvert des perspectives. Il lui a permis de montrer ce que sont devenus ces endroits. ‘’Les cinémas m’ont amené à travailler sur les métiers de l’informel. Souvent, devant les anciennes salles de cinéma, il y a des gens qui développent des activités. C’est comme du plugin. Ils se connectent et développent leurs activités. C’est compréhensible, parce que les cinémas sont en général très bien placés dans la ville. Ce sont des carrefours et ça attirent tous les business de l’informel’’,  explique-t-il. C’est ainsi qu’au-delà de reproduire ce qui se passe devant ces lieux, Cheikh Ndiaye s’est intéressé à l’architecture d’ateliers mécaniques, de menuiserie, etc. L’occupation de l’espace est au cœur de ‘’Vox Ouezzin’’. Il s’est intéressé au décor de différents pays d’Afrique. ‘’En Afrique, ce qui est intéressant, c’est qu’il y a énormément de gens dont le travail est de pallier les manquements de l’Etat. Ce que l’Etat devrait faire et qu’il n’a pas les moyens de faire, ce sont eux qui le font. Ils sont souvent dans des endroits qui ne sont même pas les leurs. Ils ont une raison sociale. Ils réinventent l’Afrique au quotidien’’, défend-il. Il n’a pas tort de parler globalement du continent. Devant ses tableaux, on a du mal à situer géographiquement les décors présentés.  

Face à un tableau montrant la devanture d’un atelier de vulcanisateur à Abidjan, on se croirait devant un du genre au Sénégal. On y perçoit ainsi des manières de faire identiques. Comme pour dire que même si le colon a tracé ses frontières, ces dernières ne sont qu’imaginaires. Même si les stigmates de la colonisation sont là, bien visibles et poursuivent l’homme noir. Une rue de Cuba dessinée par Cheikh Ndiaye et dont le tableau fait partie de la collection montrée à la Galerie Fakhoury, pourrait être aisément prise pour une de Gorée ou de Saint-Louis. 

En outre, à travers ce choix, le plasticien développe un certain intérêt pour les lieux d’histoire. Même s’il ne semble pas totalement partager ce constat. ‘’J’ai grandi entre le Plateau, Hann, au sein d’une communauté léboue. J’ai eu la chance de beaucoup voyager dans le Sénégal des profondeurs, donc de côtoyer énormément de personnes. Je connais des rites et initiations de différentes communautés. Tout cela a fait que le regard que j’ai sur l’Afrique est guidé par le fait que j’ai certaines connaissances sur ce continent. Quand on parcourt l’Afrique, l’on se rend compte que partout la manière d’habiter est guidée par le sens des vents’’, fait-il savoir. Ces recherches menées il y a longtemps, comme il le fait savoir, lui permettaient de se faire sa propre idée sur sa culture africaine et de déconstruire certaines légendes.

‘’Vox Ouezzin’’, cet intérêt pour l’occupation de l’espace, a suscité chez lui un autre intérêt : le travail de certains ouvriers. Connu pour ses installations comme ce fut le cas lors de la dernière Biennale de Dakar, Cheikh Ndiaye en présente une dans le cadre de sa présente exhibition. En collaboration avec un menuisier dont il a peint la devanture d’atelier, il en a monté une. Elle est comme un prélude à une installation géante qu’il prévoit au mois de janvier au Musée Théodore Monod de l’Institut fondamental d’Afrique noire (Ifan).

BIGUE BOB

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