L’initiation, le lien entre différentes communautés
Le musée Theodore Monod de l’Institut fondamental d’Afrique noire (Ifan) a accueilli un séminaire sur le patrimoine culturel immatériel. L’un des panélistes du jour, le socio-anthropologue Abdu Ndukur Kacc Ndao, est revenu sur un des aspects de ce patrimoine à savoir l’initiation.
‘’Nous avons un pays extrêmement diversifié au plan des groupes ethniques’’, constate le socio-anthropologue Abdou Ndukur Kacc Ndao. Il était l’un des conférenciers de la quatrième session en 2018 du séminaire sur les politiques culturelles initié par la Direction des arts et l’Institut fondamental d’Afrique noire (Ifan). Il a axé son exposé sur ‘’Mythes et croyances, quand le patrimoine culturel immatériel se nourrit de l’imaginaire’’.
Ainsi, il a analysé les rites et coutumes des peuples du sud-est du Sénégal dont les Bédiks, les Badianlanké, les Bassaris, etc., celui du centre du pays, avec le peuple sérère, et le peuple de la Basse-Casamance, notamment le peuple Ajamaat. Dans son analyse, est perçue une sorte de transversalité des espaces, des cultures et des groupes ethniques. Ainsi, des similitudes et des différences sont perçues çà et là. En outre, le lien commun - car il en existe un - est l’initiation. ‘’Tous ces peuples sont organisés autour de cours initiatiques’’, a indiqué M. Ndao. Seuls les noms changent. En Basse-Casamance, on dira ‘’boukout’’, alors qu’au Centre, chez les Sérères, par exemple, on dira ‘’lël’’. Le ‘’boukout’’ est une cérémonie pour circoncis et non de circoncision. D’ailleurs, il y a une procédure de vérification médicale qui est faite.
En outre, autant les noms que les manières de faire peuvent différer. ‘’Les systèmes sont différents de village en village, d’air culturel en air culturel. C’est pourquoi il ne faut pas généraliser’’, a dit Abdou Ndukur Kacc Ndao. Quoi qu’il en soit, l’initiation reste une donnée majeure dans la construction des hommes de ces différentes sociétés. ‘’Pour avoir sa place au sein de la société, il faut passer par cette étape. Les initiations vous ouvrent des espaces. Moins vous en faites, plus vous serez considéré comme un paria’’, selon le socio-anthropologue. Ce que confirme le philosophe Pr. Mamoussé Diagne. ‘’La logique de l’initiation, c’est de passer d’une frontière à une autre, moyennant des logiques. L’initiation est toujours un voyage. On part d’ici pour l’ailleurs’’, a-t-il expliqué. Ces séances sont comme des moments d’épuration. Et ‘’la purification consiste à laisser en soi ce qui nous permet d’accéder à l’essentiel’’, a déclaré le Pr. Mamoussé Diagne.
Aussi, l’importance de ces cérémonies réside dans le fait qu’elles constituent ‘’un ciment entre les communautés’’. Lorsqu’il y a ‘’boukout’’, musulmans, chrétiens et animistes y prennent part au même titre.
Par ailleurs, nul ne sait ce qui se dit lors de ces séances. Du moins les non initiés. ‘’L’initiation a ceci de fondamental : elle doit être structurée autour du secret. Il faut garder le secret parce que l’initiation, c’est le sacré et le sacré, c’est le secret. Si tout le monde sait comment cela se passe, ce n’est plus une initiation’’, défend Abdou Ndukur Kacc Ndao. ‘’Il ne faut pas les prendre comme des procédures d’exclusion. Les initiations sont, à la limite, dans le murmure avec sa classe d’âge’’, ajoute-t-il. C’est pour cela que les griots y sont souvent exclus. Comme l’a souligné l’historien le Pr. Lamane Mbaye, ‘’le griot, c’est la parole et l’initiation, c’est le silence’’.
BIGUE BOB