Publié le 30 Jun 2025 - 13:45
PLUS DE 10 000 MILLIARDS F CFA EN 2 ANS

À qui la faute ?

 

Autre sujet qui inquiète particulièrement TAS : la dette publique. Selon lui, 54 % du budget actuel est financé par emprunt. “On ne peut pas continuer ainsi. Il faut impérativement inverser cette tendance. Sur les deux dernières années, plus de 10 200 milliards ont été empruntés et je n’ai vu aucune mesure concrète visant à infléchir cette trajectoire”.

Embouchant la même trompette, le député Abdou Mbow a tenu à préciser que cette enveloppe de 10 200 milliards a été contractée en seulement 14 mois par les actuels dirigeants : 4 500 milliards pour l’exercice 2024 et 5 700 milliards déjà programmés pour 2025.

À titre de comparaison, M. Mbow rappelle qu’entre 2019 et 2024, sous le régime précédent, les besoins de financement cumulés sur cinq ans — malgré les chocs successifs comme la pandémie de Covid-19, la guerre en Ukraine ou encore la flambée des prix — s’élevaient à 10 150 milliards F CFA. “Cela incluait même la prétendue dette cachée, dont nous contestons l’existence”, ajoute-t-il.

D'habitude très calme, le ministre des Finances est cette fois sorti de ses gonds, rejetant toute la responsabilité sur l'ancien régime auquel appartient le député Mbow. “L’interpellation sur les 10 000 milliards n’est pas sérieuse. Il ne faut pas non plus nous entraîner à adopter un ton qui n’est pas le nôtre. Les chiffres avancés sont totalement erronés. La responsabilité de cette dette incombe au régime précédent. C'est la stricte vérité”, conteste-t-il, non sans souligner qu'il est prêt à en “débattre avec quiconque veut comprendre l’origine de chaque franc emprunté. Les besoins de financement sont documentés, traçables. Et la responsabilité en revient en grande partie au régime précédent. Il faut assumer”, fulmine l'argentier de l'État. 

Cheikh Diba sort de ses gonds et exprime son amertume

À ceux qui s'inquiètent de cette courbe de la dette, notamment des 5 700 milliards (besoins de financement pour l'année en cours, Cheikh Diba a tenu à rassurer. À l'en croire, la situation de la dette a fait l’objet d’un travail très sérieux et exhaustif. “On est même allé prendre un cabinet de renommée internationale. Nous pouvons aujourd'hui dire que notre dette bancaire locale est de combien, la dette du secteur parapublic, la dette extérieure et comment ces ressources ont été utilisées. Cela nous permet d'éviter demain de voir d’autres dettes qui n’ont pas été tracées ou de retomber dans les mêmes travers, avec toutes les conséquences”.

Cette réplique de Diba n'est pas de nature à rassurer. Pour Aissata Tall Sall, Diba a perdu sa sérénité et ne doit pas descendre à ce niveau. Rappelant que la tradition, au Sénégal, est d'avoir des ministres des Finances républicains et non partisans, il lui conseille de continuer dans cette dynamique et d'éviter de verser dans la politique.

“Vous avez répondu à Abdou Mbow comme un politique. Je vous demanderais de ne pas glisser sur ce terrain, même si on vous y encourage. Restez comme vous êtes et comme vous êtes ; sortez les chiffres. D'autant plus que c’est vous qui étiez là hier, c’est vous qui êtes là aujourd’hui. Ou bien vous l’avez oublié, Monsieur le Ministre ?”, l'apostrophe-t-elle sur un ton ironique. Elle enchaine : “Quand on parle de ces chiffres-là de notre temps, c’était bien avec vous. Vous savez très bien ce qui s’est passé, on ne vous le raconte pas. Moi, je ne nie pas qu’on s’est endetté, parce que c'est la vérité, parce que je sais que les États marchent comme ça. Disons-nous donc la vérité, mettons-nous d’accord et sortons de ces querelles stériles et puériles qui ne nous mènent nulle part.”

Aissata T. Sall : “Vous avez répondu comme un politique, restez comme vous êtes et n'oubliez pas que ces chiffres c'est avec vous.”

Le ministre des Finances a saisi l'opportunité pour réagir de manière imagée, face à cette accusation qui revient souvent sur sa responsabilité, en tant qu'agent au cœur de la programmation budgétaire pendant de nombreuses années.

À son avis, il était juste comme l'architecte, pas responsable des manquements dans la réalisation du plan qu'il avait mis en place. “Oui, j’étais là en tant que directeur de la Programmation budgétaire. Auparavant, j’étais le conseiller technique du directeur du Budget pendant trois ans et demi. Par la suite conseiller du ministre des Finances chargé du suivi des grands projets de l’État pendant trois ans et demi. Par la suite coordinateur du programme avec le FMI, avant d’être directeur de la Programmation budgétaire. Mais est-ce que cela fait de moi le responsable de ce qui est arrivé ?”, s'interroge-t-il, avant d'apporter lui-même la réponse : “C’est l’histoire de l’architecte qui, sur la base de la demande de son client, s'appuyant sur les informations fournies par ce dernier, lui fait un plan. Muni de ce plan, le client va voir un entrepreneur qui doit lui construire la maison. Il lui dit cependant qu'il n'a pas le budget qu'il avait communiqué à l'architecte. L'entrepreneur se débrouille pour lui faire une maison sans respecter le plan. Qui est responsable : l’architecte, l’entrepreneur ou le client ? En aucun cas, l’architecte ne peut être tenu responsable de quoi que ce soit. Il a travaillé sur la base de données très claires. La réalisation ne le concerne pas.”

Le ministre des Finances a cependant fait part de sa lassitude et un certain agacement face à certaines critiques, dans ce contexte plus que difficile. “Parfois, quand je suis seul, réfléchissant sur la situation, je me rends compte que c’est tellement compliqué. Ça l'est d’autant plus qu’on a l’impression d’être debout sur une calebasse, un ‘nda’ (grand vase en terre cuite) rempli d'eau sur la tête, avec des personnes qui te bousculent par-ci, par-là. C’est pourquoi j’ai dit en commission qu’il faut qu’on fasse très attention. Nous sommes dans une situation de précarité budgétaire et financière. Cette situation n’est pas critique, elle peut être gérée. Le risque, c’est que quand la personne arrive à se tenir debout sur une calebasse avec ce poids sur la tête, déjà il lui faut préserver cet équilibre. Si vous y ajoutez les bousculades, attention ! Il peut à tout moment perdre l'équilibre, renverser l'eau. Et cette eau, elle vous appartient. Donc, vous n'avez pas intérêt à le bousculer”, a-t-il philosophé. 

Mor AMAR

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