Les réserves des artistes
Africulturban a donné la parole, hier, à différents acteurs culturels pour un échange ou partage d’expériences sur l’occupation ou non de lieux publics. Le faire vous rend-il autonome ou aliène-t-il votre indépendance ? Les réponses étaient mitigées.
‘’Est-ce une honte, pour un grand artiste, de ne pas avoir son lieu’’ ? Cette question a été posée, hier, à des promoteurs culturels prenant part au deuxième panel du Forum des cultures urbaines du Sud (Focus). Rencontre qu’accueille depuis hier la Maison des cultures urbaines à Ouakam. Pour le président de l’association Yaakaar et directeur d’Optimiste Production, Safouane Pindra, ‘’c’est une grande honte’’. Un grand artiste, pour lui, doit être indépendant et pouvoir faire ce qu’il veut quand il veut et comme il l’entend. Et cela ne serait possible que s’il a son lieu. Avis que partage le directeur des Arts Abdoulaye Koundoul. Pour lui, avoir une autonomie de ton requiert certains préalables. Parmi ces derniers, faire le maximum pour se donner les moyens de sa politique. Quand on n’a pas les moyens d’avoir ses propres locaux, par exemple, les artistes se tournent souvent vers les lieux publics qui hébergent leurs structures. Seulement, il n’est pas toujours aisé d’y loger. On peut y être délogé sans pouvoir résister, à n’importe quel moment.
Le président de l’association Africulturban, qui organise d’ailleurs ce Focus, Matador, en est la parfaite illustration. Logée au centre culturel de Pikine, Africulturban avait reçu un soutien d’une commune de Pikine. Le maire croyait mettre les rappeurs dans sa poche avec cette subvention. C’est pour cela qu’il n’a pas toléré le premier clash venant de Matador. La première occasion saisie lui a servi de prétexte pour les déguerpir des lieux.
Ce n’est pas donc tout le monde qui arrive à faire la différence entre la liberté d’expression de l’artiste et le devoir de financer certains projets utiles à la communauté. Ce qui entraine toujours des complications, même si Matador pense que malgré les péripéties, il faut continuer à occuper les lieux publics, parce que l’Etat c’est le peuple et les artistes font partie de ce dernier. Aujourd’hui, des artistes comme Simon ou une association culturelle comme Kay Fecc sont logés au centre culturel régional de Dakar Blaise Senghor. Gacirah Diagne, de l’association Kaay Fecc, assure qu’elle n’a pas de problèmes de liberté de ton. Pour elle, ‘’le lieu ne doit pas limiter les actions. Il doit juste être une plateforme’’.
Quoi qu’il en soit, le meilleur modèle serait peut-être celui du Festival sur le Niger. Les organisateurs de cette manifestation sont arrivés à un modèle assez abouti alliant social et business avec le centre culturel Korê qui se trouve à Ségou, tel que l’a expliqué hier Mohamed Doumbia de la fondation Festival sur le Niger. Cela leur permet de faire fonctionner l’espace grâce aux subventions, mais aussi grâce à des actions rapportant du profit. Indéniablement, il faudra, au Sénégal, qu’on ailler vers ces modèles. D’après Abdoulaye Koundoul, dans maximum deux ans, les subventions ne seront plus accordées comme elles le sont actuellement. Les artistes devront rendre compte de l’utilisation de l’argent qu’on leur donne. Mais également, ils ne recevront de l’argent que suivant le programme soumis. Safouane Pindra propose mieux : qu’on exige le remboursement. Il est pour que l’Etat se porte garant des acteurs culturels qui le souhaitent auprès de banques partenaires. De l’argent pourra alors leur être prêté à des taux vraiment bas. Ils pourraient être compris entre 2 et 5 %. En attendant de trouver la meilleure formule, les acteurs culturels doivent comprendre qu’il est temps pour eux de chercher les voies et moyens pour mieux se prendre en charge.
BIGUE BOB