Macky Sall et son ombre
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Attendue depuis plusieurs mois, la liste des membres de l'Office national contre la fraude et la corruption (OFNAC) a été publiée hier sur les antennes de la Télévision nationale. Cette seconde réplique du chef de l'Etat face aux impatiences manifestées par la présidente de l'Ofnac, Nafi Ngom, quant au démarrage effectif des missions à elle confiées, met donc fin à la première étape de l'accouchement difficile d'un organe censé prendre part à une entreprise nationale de salubrité publique.
Mais à partir de cette liste désormais complète de douze membres, on doit se demander si notre Président de la République est encore déterminé – comme à ses premières heures d'opposant ou de chef de l'Etat fraîchement élu - à lutter efficacement contre la corruption au Sénégal.
Autant il se dégage d'excellents profils de cette équipe anti-corruption, des hommes et des femmes intègres capables de porter et de supporter les défis fondamentaux de bonne gouvernance que le Sénégal post Abdoulaye Wade s'était engagés à relever à travers une structure forte et crédible, accroché aux standards internationaux en la matière.
Autant, on croit déceler avec la présence de certaines figures venues des secteurs politique (carrément du camp présidentiel), sécuritaire (impliqué dans quelque trafic) ou société civile (adepte des cumuls), des velléités à peine voilées de paralyser cet Office national qui fait ses premiers pas.
La lutte contre la corruption pour une gouvernance vertueuse n'est certes pas un métier qui forme des diplômés comme on peut l'attendre de la finance ou de la magistrature. Mais la sophistication extrême caractérisant aujourd'hui les «fonctions» lucratives qui se sont formées dans et autour des rapines et détournements de deniers publics, impose de choisir des profils d'expérience et d'intégrité au background incontestable.
A cet égard, personne n'est mieux placé que l'Etat sénégalais pour appréhender les obstacles divers qui, à travers le monde, sont en mesure de rendre vaine une traque de biens présumés mal acquis, en pensant seulement au dossier de Karim Wade.
On ne s'aventurera pas à soutenir que le Président Macky Sall serait en train de regretter son engagement à combattre la corruption à travers la mise en place de l'Ofnac. On se bornera simplement à constater que le moyen le plus sûr de rendre inutile un organe dédié à la promotion de la transparence et de la reddition des comptes est d'en faire un outil inefficace. Or, il appert que l'essentiel des membres de l'Ofnac, sont des novices dans la mission qui leur est confiée.
Il est donc prévisible qu'ils soient condamnés à devoir passer plusieurs mois à s'imprégner des arcanes de la corruption, ce qui n'a rien à voir avec leurs compétences spécifiques respectives. Encore que des encartés politiques revendiqués comme tels ne devaient rien avoir à faire dans cet organe.
On connaissait les raisons du retard à l'allumage dénoncé par Nafi Ngom : Macky Sall a subi des pressions dans son propre camp car l'Ofnac ainsi outillé en vraies prérogatives d'investigations et d'auto-saisine était déjà un «monstre» qu'il ne fallait pas engraisser davantage. C'est presque fait. Finalement, c'est Macky Sall qui craint vraiment son ombre !