Pourquoi ce totalitarisme ?
Si elle est confirmée par les autorités administratives de la région de Dakar, la mesure d’interdiction de toutes manifestations sur le territoire de la capitale serait un grand coup de massue sur les libertés individuelles et collectives en République démocratique du Sénégal, pour ne pas dire du Gondwana, pour paraphraser l’humoriste Mamane sur Rfi…
Si cette interdiction est confirmée, elle n’aura que deux statuts : le dérisoire et l’arrogance, et elle sera sanctionnée par la seule posture qui vaille : inacceptable. Sommes-nous dans une République ? Oui, jusqu’à preuve du contraire. Sommes-nous en démocratie ? Oui, jusqu’à preuve du contraire. Les citoyens ont-ils le droit de marcher et de se rassembler en toute responsabilité ? Sans doute, et toujours jusqu’à preuve du contraire. Le pouvoir politique actuel a-t-il une ou des raisons justes d’interdire une manifestation comme celle envisagée par le Parti démocratique sénégalais le 21 novembre 2014 ? Non, jusqu’à preuve du contraire. Alors, il faut se résoudre à affronter la réalité : cette mesure est inacceptable car elle est illégale, dangereuse et finalement bête.
La loi est un instrument de pouvoir qu’il ne sied pas toujours d’avaliser sous ses formes et coutures les plus perverses. Pour des raisons politiques inavouables, il lui arrive d’être totalement illégale en bafouant les droits élémentaires des individus, a fortiori dans une société censée avoir été organisée de telle sorte que ces droits-là s’accommodent du maximum de responsabilités, toutes acceptées et assumées.
Il arrive un moment où il faut dire stop et niet. Dire stop et niet car ce pouvoir-là, issu de la déliquescence du régime précédent, ne peut nous écrire une «fin de l’histoire» à la Fukuyama dans laquelle son chef – le président de la République - serait notre «dernier homme», celui qui décréterait le bien et le mal pour la nation entière. C’est le peuple qui est souverain, jusqu’à preuve du contraire.
Ce que l’on attendait de Macky Sall – à moins qu’il ait été débordé sur ses flancs par des groupuscules totalitaires face aux libertés – c’est l’approfondissement de la démocratie sénégalaise et la consolidation des libertés individuelles et collectives engrangées depuis plusieurs décennies. Pas cette frilosité politicienne aux soubassements partisans destinée à endiguer des droits civils réels qui dépassent son propre pouvoir, ses propres ambitions et son futur personnel. Il est temps que la démocratie sénégalaise entre dans la modernité des peuples, du temps et de l’avenir.
Maladroite, l’interdiction envisagée de la manifestation du Pds ne peut que profiter aux libéraux et à leurs alliés, affaiblir l’autorité et la légitimité du pouvoir et prolonger d’autant l’état de tension qui sévit dans notre pays. Il faut alors que les organisations démocratiques, des syndicats aux partis politiques en passant par les mouvements citoyens s’opposent à ce totalitarisme archaïque qui semble vouloir faire son nid sur le dos des combats républicains et pacifiques qui ont été menés contre les tentations de l’ancien régime.