Les 21 suspendus à la décision du Conseil
Malgré leur réussite à la vérification des parrainages, les 21 candidats à la candidature restent suspendus à la décision du Conseil constitutionnel attendue au plus tard 35 jours avant le scrutin.
C’est la dernière ligne droite. D’ici quelques jours, au plus tard le 20 janvier, le Conseil constitutionnel va publier la liste des candidats retenus pour participer à l’élection présidentielle du 25 février 2024. Au départ, au moment du retrait des fiches de parrainage au niveau de la Direction générale des Élections, ils étaient plus de 200. Au moment de passer à la Caisse des dépôts et consignations pour déposer le montant du cautionnement fixé à 30 millions F CFA et de satisfaire aux dispositions sur le parrainage, il n’en restait plus que 87. Aujourd’hui, à l’issue des vérifications des parrainages devant le Conseil constitutionnel, seules 21 personnes sont encore dans les starting-blocks, sous réserve des réclamations faites par certains candidats déclarés. Rarement, pour ne pas dire jamais, une élection présidentielle au Sénégal n’a connu autant de candidats. Poussant d’ailleurs certains à se demander à quoi a donc servi le parrainage ? D’autres vont sans doute répondre : qu’en serait-il s’il n’y avait pas la loi sur le parrainage ?
Cela dit, contrairement à ce que certains pourraient penser, passer l’étape des parrainages ne signifie pas être définitivement candidat.
En effet, aux termes de l’article L125 du Code électoral, ‘’pour s’assurer de la validité des candidatures déposées et du consentement des candidats, le Conseil constitutionnel fait procéder à toute vérification qu’il juge utile’’. En 2019, Khalifa Ababacar Sall et Karim Wade avaient réussi à passer le cap des parrainages, mais ont été par la suite rattrapés par leur passé carcéral.
Mais sur quoi portent ces vérifications ? Qui sont les candidats encore sous la menace d’une exclusion du processus ? La liste des candidats sera-t-elle encore réduite par le Conseil constitutionnel ? Voilà pas mal de questions que se posent les Sénégalais.
En ce qui concerne la première question, relative à l’objet même des vérifications supplémentaires susceptibles d’être faites par la haute juridiction, il faut se référer à l’article 28 de la Constitution. Lequel fixe un certain nombre de conditions pour être candidat à la présidence de la République.
Selon la loi, en sus du respect des dispositions sur le parrainage, ‘’tout candidat à la présidence de la République doit être exclusivement de nationalité sénégalaise, jouir de ses droits civils et politiques, être âgé de 35 ans au moins et de 75 ans au plus le jour du scrutin, savoir écrire, lire et parler couramment la langue officielle’’.
Pour s’assurer de la validité des candidatures, le Conseil fait procéder à toute vérification qu’il juge utile
L’article L121 du Code électoral est revenu sur les différentes pièces à présenter pour être candidat. Il s’agit, en sus de la déclaration de candidature, de : un certificat de nationalité ; une photocopie légalisée de la carte nationale d’identité biométrique faisant office de carte d’électeur ; un extrait d’acte de naissance datant de moins de six mois ; un bulletin du casier judiciaire de moins de trois mois ; une attestation par laquelle un parti, une coalition de partis ou une entité regroupant des personnes indépendantes a investi l’intéressé en qualité de candidat ; une déclaration sur l’honneur par laquelle le candidat atteste que sa candidature est conforme aux dispositions des articles 4 et 28 de la Constitution, qu’il a exclusivement la nationalité sénégalaise et qu’il sait écrire, lire et parler couramment la langue officielle ; une déclaration sur l’honneur par laquelle il atteste être en règle avec la législation fiscale ; enfin une quittance confirmée par une attestation du DG de la Caisse des dépôts et consignations attestant du dépôt du cautionnement.
Comme nous l’avons déjà souligné, le Conseil constitutionnel peut procéder ou faire procéder à toutes vérifications qu’il juge utiles, ‘’pour s’assurer de la validité des candidatures déposées’’. Par exemple, en ce qui concerne la déclaration sur l’honneur par laquelle le candidat atteste que sa candidature est conforme aux dispositions des articles 4 et 28 de la Constitution, qu’il a exclusivement la nationalité sénégalaise et qu’il sait écrire, lire et parler couramment la langue officielle, le Conseil peut se fier à la déclaration ou procéder à des vérifications supplémentaires. Idem pour la déclaration sur l’honneur par laquelle le candidat atteste qu’il est en phase avec la législation fiscale.
Sur la base de ces observations, ils sont nombreux à penser que certains candidats ayant réussi le parrainage pourraient être recalés dans cette ultime phase de qualification à la Présidentielle. Généralement, les griefs portent sur la nationalité, la jouissance des droits civils et politiques, la conformité avec le fisc, la qualité d’électeurs des uns et des autres, entre autres.
Le faux débat sur la nationalité de Karim Wade
Souvent, dans le débat sur les personnes qui pourraient être écartées de la course, il y a Karim Wade. La plupart font référence au fait que le fils de l’ancien président serait également français. À supposer que la loi française considère Karim Wade comme un Français et non un Sénégalais, il n’y a aucune chance de voir le juge constitutionnel sénégalais l’écarter de la course en raison de cette disposition d’un autre pays.
Il faut se référer, en effet, à l’article 849 du Code de la famille qui indique la solution en matière de conflit de lois sur la nationalité d’un individu. Ce texte est sans équivoque. ‘’Le Sénégalais est soumis à sa loi nationale, même s’il est considéré par un autre État comme ayant une autre nationalité’’.
Pour d’autres, Karim Wade ne saurait être éligible, parce qu’il a une amende à payer. Magistrat, directeur de la Formation et de la Communication à la Direction générale des Élections, Birame Sène avait été récemment interpellé sur la question. Pour lui, cela ne devrait pas non plus constituer un frein à la candidature du leader du Parti démocratique sénégalais.
Selon ses explications lues sur le site de Seneweb qui cite le journal ‘’Les Échos’’, il faut faire la distinction entre le quitus fiscal exigé et l’obligation de s’acquitter d’une amende prononcée par un tribunal. ‘’(…) Pour les personnes bénéficiant d’une mesure de grâce (cas de Karim Wade), l’inscription sur les listes électorales ne pourra intervenir qu’après l’expiration du délai correspondant à la durée de la peine prononcée par la juridiction de jugement, s’il s’agit d’une peine d’emprisonnement, ou (au bout) de trois ans, à compter de la date de grâce, s’il s’agit d’une condamnation à une peine d’amende’’, ajoutait le magistrat sur cette question.
Au-delà de ce cas Karim Wade, certains ont invoqué le cas Habib Sy qui aurait fait l’objet d’une condamnation par la Cour d’appel en 2022 pour escroquerie et abus de confiance, selon beaucoup de médias. La question qui se pose pour lui est de savoir si l’escroquerie et l’abus de confiance entrent dans le cadre des incriminations visées par l’article L29 du Code électoral. Le cas échéant, il s’agira de voir s’il avait écopé une peine de nature à l’écarter de la course et si cette peine était devenue définitive.
Autant de questions que le Conseil constitutionnel pourrait être amené à vérifier. Mais ça reste une simple faculté.
Rappel de quelques jurisprudences du Conseil En 2019, le Conseil constitutionnel, statuant sur la candidature de Karim Wade, disait : ‘’Considérant que l’extrait du casier judiciaire produit par Karim Meissa Wade mentionne qu’il a été condamné le 23 mars 2015 à six ans d’emprisonnement ferme pour enrichissement illicite par la Cour de répression de l’enrichissement illicite du Sénégal ; que, dès lors, Karim Meissa Wade n’a pas la qualité d’électeur au sens des articles L27 et L31 précités et, pour cette raison, ne peut faire acte de candidature.’’ Relativement à la qualité d’électeur, le Conseil disait : ‘’Considérant que la qualité d’électeur s’apprécie au regard de l’article L27 du Code électoral et de son complément nécessaire, l’article L31 du même code, l’électeur étant celui qui, remplissant les conditions requises pour s’inscrire sur les listes électorales ou y maintenir son inscription, peut se prévaloir du droit de figurer sur ces listes ; considérant qu’il résulte de la combinaison de ces deux articles que ne peut être considéré comme électeur celui qui est condamné à une peine d’emprisonnement sans sursis pour un délit passible d’une peine supérieure à cinq ans d’emprisonnement... Considérant, par ailleurs, que la déclaration de candidature de Karim Meissa Wade ne comporte pas le numéro de la carte d’électeur, mention exigée par l’article L115 du Code électoral ; qu’en l’absence dans le dossier de toute autre mention permettant de déterminer ce numéro, la déclaration de candidature n’est pas valable et l’acte déposé par le mandataire de la coalition Karim Président 2019 ne peut, par conséquent, produire les effets d’une déclaration de candidature…’’ |
Mor AMAR