Publié le 10 Nov 2016 - 16:16
PRESIDENTIELLE AMERICAINE

Le Trump nouveau est arrivé

 

Surprise pour les uns, choc pour les autres, victoire de la démocratie pour d’aucuns, l’élection du candidat républicain Donald John Trump à la présidence des Etats-Unis déclenche des réactions diverses dans le monde.

 

Les Etats-Unis viennent de démontrer qu’ils ne sont jamais à bout quand il s’agit de surprendre son monde. Huit ans après avoir porté au pinacle un Africain-américain à la Maison Blanche, signe d’un progressisme surprenant de la société américaine, les électeurs ont fait un choix tout à fait à l’extrême dans la nuit d’avant-hier, mardi.

Le candidat républicain Donald Trump est le successeur de Barack Obama. Tenant d’un discours musclé, à la droite de la droite, il a surmonté tous les handicaps pour devenir en théorie l’homme le plus influent du monde. Les critiques acerbes contre ses prises de position, le désaveu des cadres républicains (George Bush a voté blanc), les accusations de viol de ses anciennes employées dans les derniers jours de campagne, les prévisions d’instituts de sondage sur la victoire d’Hillary Clinton, la pression des mass media, n’y feront rien. Non seulement le parti de l’éléphant revient à la Maison Blanche, mais conserve en même temps sa majorité à la Chambre des représentants.

Autant dire que l’âne démocrate n’aura qu’à se consoler du symbole historique incarné par le président sortant. Pour le journaliste et diplomé de littérature et civilisations américaines, du département d’Anglais de l’Ucad, Mamadou Thior, la stratégie de la peur dans la campagne de Trump a parfaitement bien fonctionné. ‘‘C’est comme un désaveu. Des minorités comme les Africains-américains ou les Latinos qui s’opposaient à l’électorat blanc ont commencé à perdre leur majorité. Il y a eu cette peur de perdre cette Amérique créée par les WHASP (Ndlr : blancs, anglo-saxons, protestants). Il y a eu une forte mobilisation des blancs pour aller voter Trump. En Obama, ils n’ont pas vu un noir mais un homme politique très fûté, talentueux. Le critère racial est passé en second. L’électorat a fait preuve d’une ouverture remarquable. Ç’aurait été bien d’élire la première femme après avoir élu le  premier noir’’, déclare-t-il.

Mais à côté de ce sursaut de la majorité silencieuse blanche, la rivale du président élu n’est pas exempte de tout reproche, selon M. Thior. ‘‘Hillary Clinton est malhonnête. Elle n’était pas une bonne candidate. Face à Bernie Sanders, lors des primaires, elle a eu beaucoup de mal. Elle n’a gagné que grâce aux super délégués du parti démocrate. Cela aurait dû être une alerte pour elle. Ensuite, il y a un problème de perception qui fait que les Clinton sont vus comme des gens qui pensent que la Maison Blanche est faite pour eux’’, explique-t-il. Un mélange qui s’est avéré contre-productif pour celle qui, bonne perdante, a demandé aux électeurs d’accorder à Trump le bénéfice du doute.

Les dirigeants africains prudents

Après la surprise générale, les réactions se sont enchaînées pour féliciter le 45ème président des Etats-Unis d’Amérique. Les leaders du continent noir ont pratiquement tous tweeté pour féliciter Donald Trump. ‘‘Je félicite Donald Trump président élu des Etats-Unis. Le Sénégal entend poursuivre sa relation privilégiée avec les Usa’’, peut-on voir sur le compte twitter du président Macky Sall. ‘‘Je félicite Donald Trump pour son élection en tant que président des USA. J’espère travailler avec lui comme ça a été le cas avec ses prédécesseurs’’, déclare le président ougandais Yoweri Museveni âgé de 72 ans, dont trente ans passés au pouvoir. Le discours de Donald Trump sur les immigrés a nourri de grandes appréhensions dans le continent.

Mais d’après le journaliste Mamadou Thior, diplômé de l’Ucad en études de langues et civilisations américaines, le candidat Trump n’est pas le président. ‘‘C’était un discours électoraliste car son speech de victoire a été beaucoup plus accommodant que celui qu’il avait l’habitude de tenir. Il a appelé à l’unité toutes confessions confondues. Il a dit que le pays était divisé. Cela veut dire qu’il est conscient du mal qu’il a infligé au peuple américain’’, dissèque l’homme des médias. Ce qui ressemble à un dédoublement de personnalité entre Trump-candidat et le Trump du discours victorieux, n’est en fait qu’une stratégie. Lequel croire ? ‘‘Il faut croire le président élu, le Donald Trump électoral, c’est terminé ! Le système est bien huilé aux USA. Quelles que soient vos excentricités, il y a un noyau à Washington pour vous préparer à assumer votre charge présidentielle’’, poursuit-il.

Par contre, d’autres réactions sont on ne peut plus tendancieuses. Le président burundais Pierre Nkurunziza, dont les frictions avec l’administration Obama sur la question de la démocratie et de la bonne gouvernance étaient récurrentes, a eu un tweet plus chaleureux. ‘‘De la part du peuple burundais, nous vous congratulons chaleureusement. Votre victoire est celle du peuple américain’’, a-t-il laissé paraître sur la toile. Dans le même sillage, le ministre congolais des relations avec le Parlement, Tryphon Kin-Kiey Mulumba, a tenu à rappeler qu’il avait prévu cette élection depuis de longs mois. Son pays n’entretenait pas les meilleures relations avec les Usa sous Barack Obama. ‘‘J'avais prévu depuis plus d'un an l'élection de Donald #Trump comme celle de #Barack Obama, de #Bill Clinton et de #George W. Bush’’.

Malgré toutes ces réactions, Mamadou Thior estime qu’en ce qui concerne les relations bilatérales ou multilatérales africano-américaines, elles devraient suivre la logique de la realpolitik qui a toujours prévalu. ‘‘Pas grand-chose ne va changer. Barack Obama ne l’a pas fait en huit ans, comme tous ses prédécesseurs. Les présidents américains s’occupent des problèmes américains. Il y a tout de même des initiatives nobles comme l’Agoa, le Mca, Power Africa qui sont des programmes normés. Je ne vois pas le président élu revenir sur ça. Cela ne coûte absolument rien aux USA d’appliquer ces programmes en direction de l’Afrique’’, croit savoir le journaliste de la RTS.

L’extrême-droite européenne aux anges

Si beaucoup se consolent du fait que le discours électoraliste ne sera pas facile à concrétiser, c’est l’ébullition dans les états-majors de l’extrême-droite européenne. Après le Brexit en Grande Bretagne, ils considèrent le choix du peuple américain comme une suite logique de la désaffection que ressent la majorité face à une élite politicienne. ‘‘Ce qui s’est passé cette nuit aux Etats-Unis n’est pas la fin du monde mais la fin d’un monde’’, a déclaré la présidente du Front national (France), Marine Le Pen, en conférence de presse hier matin. Elle a donné le ton de la jubilation en appelant Donald Trump dans la nuit du mardi. ‘‘Les citoyens ont su s'affranchir d'une campagne où la peur et la condescendance ont voulu conditionner l'opinion’’, poursuit-elle. Le vice-président frontiste, Robert Ménard, invitait le président élu à venir visiter Béziers. Le Premier ministre hongrois Viktor Orban, populiste-nationaliste et antimigrants n’a pas boudé son plaisir sur Facebook. ‘‘Quelle excellente nouvelle ! La démocratie est toujours en vie’’, s’est-il réjoui sur le réseau social. Quant au populiste hollandais Geert Wilders, il a salué une victoire historique, sur tweeter. ‘‘Votre victoire est historique et elle l’est pour chacun de nous’’, lit-on sur sa page twitter.

Bye bye Obama

Les réformes du président sortant seront sujettes à supression ou à tout le moins à des retouches profondes qui devraient les dénaturer, selon Mamadou Thior. ‘‘Il faut avoir peur pour les acquis du président sortant. Pour l’Obamacare (Ndlr : système de santé mis en place par le président sortant qui permettait de prendre en charge sanitairement les plus démunis), il ne faut même pas se faire d’illusions. Au-delà de la victoire de Trump, les deux Chambres du Parlement sont acquises aux Républicains. Ils ont une majorité qui peut défaire tout ce qu’Obama a pu faire en huit ans. Il faut s’attendre à ce qu’ils reviennent sur cette loi. Peut-être pas en l’annulant complètement’’, prédit le journaliste. La loi sur l’homosexualité validée par la Cour suprême risque aussi de passer à la moulinette Trump. Ce dernier devra nommer un juge dès sa prise de fonction. Ce qui veut dire qu’il y aura cinq juges conservateurs, proches des républicains, sur les neuf qui vont siéger à la Cour suprême, explique Mamadou Thior. 

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