Publié le 3 Oct 2012 - 14:58
PROFIL... COACH DES U18, BIRAHIM GAYE

Appelez moi "Birou" l’alchimiste

 

 

Birahim Gaye est le sélectionneur qui a offert au Sénégal son second titre de champion d'Afrique à l'issue de la 12e édition de l'Afrobasket féminin U18 bouclée samedi dernier à Dakar.

 

 

Il s'est fait un nom depuis samedi dernier. Resté pratiquement inconnu du grand public, malgré ses trois titres majeurs sur le plan national, Birahim Gaye va désormais s'associer au sacre des Lioncelles lors de la 12e édition de l'Afrobasket U18. Car c'est bien lui qui a redonné le sourire au Sénégal qui attendait son second titre depuis 27 ans. Et pour y arriver, le technicien sénégalais, en fin stratège, a ébloui son monde. Même ses adversaires de l’Afrobasket sont restés sous le charme de cet homme très rusé. ''Le coach sénégalais est imprévisible'', souligne le sélectionneur égyptien Hayssam Eid. Mais quelle est cette stratégie qui a fait tant mal à ses pairs ? ''Je joue toujours de façon inattendue, j’aime surprendre mes adversaires en brouillant les pistes ; et pour cela, il faut prendre des risques'', avoue-t-il. Et il a su le faire avec intelligence au point de changer le sort de certains matches qui semblaient perdus pour lui. Et ce ne sont pas les Maliens qui diront le contraire.

 

Avec une expérience de 35 ans dans le basket, Birahim Gaye ne se décrit pas comme un juste entraîneur, mais plutôt comme ''un formateur''. ''Je me suis inspiré de mes maîtres : Doudou Fama Fall, Pa Alé Fall, Lafomp Ndiaye…'', dit-il. Et quand il se place derrière une joueuse sans rien dire, c’est très mauvais signe. ''Il faut être rigoureux avec les filles quand il le faut. Le coach est à l’image de l’équipe. Quand il est faible et tapette, son équipe l’est aussi''. Adepte du basket moderne, le champion d'Afrique s'est mué en véritable ''alchimiste''. Il combine le basket moderne et traditionnel comme le lui a enseigné son idole, Pape Moussa Touré, l’actuel sélectionneur des Lionnes. ''Il a fait de moi tout ce que je suis devenu aujourd’hui'', confesse-t-il.

 

Pourtant, Birahim Gaye, 49 ans, est entré par accident dans le basket. ''Je suis allé au basket parce je contractais souvent des blessures au football. Une double fracture à la jambe droite m’a fait quitter le foot pour embrasser le basket. Un choix guidé aussi par ma taille'', informe l’ancien coéquipier du grand attaquant de la Linguère, Pape Bocar Mbaye. C'est ainsi que ''Birou'', comme l'appellent ses proches et amis, a embrassé cette discipline en intégrant d'abord les petites catégories de l'équipe saint-louisienne de Diambar en 1976, avant de rejoindre la Linguère où il devient plus tard entraîneur-joueur en 1983.

 

La malédiction des finales

 

Samedi restera sans doute l'un de ses plus beaux souvenirs sportifs. Mais l’ancien coach de Saint-Louis basket Club (SLBC) n’a pas eu que des beaux soirs dans son parcours de coach. Coach de la Linguère avant la fusion avec Réveil qui a donné naissance au Saint-Louis basket Club (SLBC), Birahim Gaye a remporté la finale de la Coupe du Sénégal junior avec la Linguère en 1985. Après ce titre, ce sera la traversée du désert pour le Saint-Louisien. Un manque de réussite qui va le pousser, entre 2007 et 2011, à valser entre les deux clubs nordistes : le Saint-Louis basket club (SLBC) et l’Université Gaston Berger (UGB). Des clubs avec lesquels il va disputer des finales. Mais ''Birou'' était presque ''maudit''. Il va perdre quatre finales de suite avec ces deux clubs chez les hommes avec l’UGB et les dames avec SLBC. Avec les Étudiants de Sanar, le longiligne technicien a perdu deux finales consécutives du championnat du Sénégal, notamment face au Dakar Université Club (DUC) et à la Douane en 2008 et 2009. Avec les Coumba-Ndar du SLBC, il perdit l’année suivant deux finales contre le DUC. ''J’ai pris beaucoup de risques dans ces finales, comme à mon habitude'', justifie-t-il.

 

Mais tel un phœnix, ''Birou'' renaît toujours de ses cendres. ''Ces finales perdues m’ont forgé et ont rendu ma peau dure'', philosophe-t-il. Une situation de malédiction des finales qui lui coûtera sa place à la tête de SLBC. Birahim vit sa plus grande déception dans le monde du basket. Il était assailli de toutes parts, sa famille qui ne cessait de lui demander d’arrêter le basket, parce que disait-elle, cela ne lui rapportait rien. Mais Birahim pouvait compter sur le soutien de sa mère qui croyait toujours en lui. ''Ton heure de gloire viendra'', lui avait-elle dit. Un soutien maternel qui le conforte dans ses ambitions.

 

Comme la prière d'une maman pour son enfant, ''Birou'' commence à voir la lumière. Il va prendre ainsi sa revanche sur la vie, le basket et les dirigeants Saint-Louisiens qui lui avaient demandé de quitter. Il revient à la tête du SLBC en 2011 et réalise le doublé (Coupe du Sénégal-Championnat). Mais il reste persuadé que sa gloire n’est pas à son apogée. Il se lance le défi en acceptant le poste de sélectionneur de l’équipe nationale féminine U18 de basket avec tous les problèmes qu’on connaît. Pour lui, dans la vie comme dans le basket, la seule formule magique de la réussite est : ''travail-rigueur-discipline''. Résultat ? Le titre continental conquis avec beaucoup de prises de risque tout au long du tournoi, notamment au cours des matches contre la Tunisie en demi-finale et le Mali en finale. ''Un coach qui n’est pas capable de prendre des risques doit rendre le tablier. Il faut être un bon compétiteur et savoir prendre des risques pour répondre présent et relever le défi'', conseille-t-il.

 

Leçons d'un père

 

Le technicien a su monter une vraie équipe basée sur des valeurs collectives pour remporter le trophée. ''C'est facile de composer une équipe de jeunes pour conquérir l’Afrique. Les gens oublient que je ne suis pas un entraîneur d’élite. Je prends le thé au terrain. Je suis tout le temps avec la petite catégorie et c’est facile de travailler avec elle'', explique-t-il. En peu temps, il a réussi à tisser un lien affectif avec son groupe. ''Avec les filles, il faut savoir être un père, un oncle, un grand frère et un ami. Il faut les sortir de leur torpeur, les pousser à s’exprimer et à montrer leurs vraies qualités'', dévoile-t-il. Pour faire comprendre sa philosophie aux filles, il a utilisé ses méthodes à lui. Birahim Gaye a simplement récité ses gammes de père de famille. ''Il faut savoir leur (filles) crier dessus, les récupérer, les motiver et les réconforter. Il faut savoir leur transmettre ta voix pour qu’elles la reconnaissent pour bien exécuter le plan.''

 

Loin donc de son visage fermé et sévère, il reste une personne sensible. ''Je suis un incompris. Les gens pensent que je suis rude mais c’est le contraire'', se défend-il. Et ses chaudes larmes versées au coup de sifflet final peuvent en témoigner. ''J’ai pleuré en pensant à ma mère. À ce qu’elle me disait : ''Ton heure de gloire va arriver''. ''Birou'' a aussi pensé à ces moments difficiles lors de la préparation : ''Quand j’ai vu toutes ses personnes, notamment les filles, sauter, pleurer de joie, alors que ces gens ne savaient rien sur ce qu’on a vécu, cela m’a touché''. Des émotions que le technicien veut faire revivre aux Sénégalais.

 

MAMADOU LAMINE SANÉ

 

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