Mystère sur les 100 milliards de dollars
Alors que Paris 2023 se réjouit d’avoir pu atteindre des engagements sécurisés pour la réallocation des 100 milliards de dollars de DTS comme promis, les pays africains, eux, se plaignent de n’avoir jusque-là rien vu.
Où sont passés les 100 milliards de DTS que les pays développés ont accepté de réallouer aux pays pauvres ? Quelle est la clé de répartition qui a été retenue ? Où en est le Fonds monétaire international dans la mise en œuvre de cette grande décision issue du sommet de Paris, tenu il y a deux ans ?
Une chose est sûre : des engagements fermes ont déjà été pris et sécurisés, selon le président Emmanuel Macron. Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette question soulève pas mal d’interrogations auprès des chefs d’État africains.
À la suite de Macky Sall qui regrettait avant-hier les retards dans la mise à disposition de ces fonds, le président ghanéen, hier, n’a pas fait dans la langue de bois, en levant un coin du voile de pudeur qui enveloppait cette question. A l’entendre parler, c’est comme si le processus manque de transparence. ‘’L’idée était que les pays africains aient la plus grande part. Cela ne s’est pas fait, malheureusement. Et l’enseignement que l’on peut en tirer dans le cadre de nos présents échanges, c’est que, quelles que soient les propositions, il faut les détailler pour faciliter la mise en œuvre dans le futur. Malheureusement, on a repris les formules traditionnelles et je crains que cela génère les résultats que l’on a connus jusque-là’’, a averti Nana Akufo Addo, malgré les assurances de Macron et des dirigeants des institutions de Bretton Woods.
Face à cette interpellation, Emmanuel Macron n’a pas hésité à donner la parole à Kristalina Georgieva pour apporter des éclairages. Prenant la parole, cette dernière a réitéré que la mise à exécution est non seulement en bonne voie, mais aussi que sept pays ont déjà eu le bonheur d’en bénéficier. Pour le moment, le ratio des pays de l’Afrique subsaharienne qui en ont profité est très faible, pour ne pas dire nul. ‘’Les choses fonctionnent, mais surtout pour des financements dans le cadre de la lutte contre le changement climatique. À ce jour, nous sommes à sept pays bénéficiaires, parce qu’il faut aussi y aller de manière prudente, pour une utilisation efficace de ces DTS. Il ne faut pas se précipiter’’.
Sur les 100 milliards, les 61 déjà à la disposition du FMI
Aujourd’hui, se félicitera le président français, sur les 100 milliards promis, 61 sont déjà dans les caisses du FMI, les 39 autres sur lesquels il y a des engagements fermes et sécurisés le seront dans les prochains mois. Ce qui l’amène à dire que l’appel de Paris a été bien été entendu et est en train d’être mis en œuvre. ‘’Le travail se poursuit pour que les 39 milliards restants sur lesquels des engagements ont été faits arrivent dans les caisses du FMI. Dix projets ont été négociés et dix autres le seront dans les prochaines semaines. Nous mettons en place ce cadre permettant d’utiliser ces DTS ou équivalents, pour renforcer les fonds propres des banques de développement’’, soulignera Macron comme complément de réponse.
Malgré ces réponses, le président Ramaphosa de l’Afrique Sud est venu enfoncer le clou. À l’instar de celui de son homologue ghanéen, il ressort de son récit un défaut de satisfaction manifeste. Malgré les assurances données. ‘’Le problème avec les DTS, dénonce-t-il, c’est qu’on nous dit que ce sont les égales. Soit vous avez 0, soit 50… Nous, nous pensons que ça ne doit pas être un jeu à somme nulle. Il nous faut des réformes pour plus d’équité dans le système international… Il (Nana Akufu Addo) a dit qu’il ne l’a pas encore vu. Nous sommes nombreux à pouvoir en dire autant. Et je pense qu’il faut en parler. Très souvent, dans des rencontres comme ça, on parle, mais on ne voit rien. Je pense que dans le nouveau départ que nous voulons entamer, il faut en tenir compte’’.
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TRANSFORMATION DES RESSOURCES NATURELLES EN AFRIQUE
Le chancelier allemand Olav Scholz en renfort
La transformation des ressources naturelles africaines en terre africaine était une thématique jusque-là portée par les organisations non gouvernementales et de la société civile. Depuis hier, ces dernières ont un nouvel allié. Et ce n’est pas n’importe lequel. Il s’agit du chancelier allemand Olav Scholz. Selon lui, les ressources naturelles ou une partie doivent être traitées dans les pays où elles sont extraites. ‘’Il y a un grand besoin de changement dans les politiques commerciales et notre manière de procéder, notamment dans les industries extractives. Nous les extrayions et nous les amenons dans nos pays pour les transformer. Il faut travailler à transformer ces ressources là où elles se trouvent d’abord’’, a-t-il préconisé à l’occasion de la cérémonie de clôture du Sommet sur le nouveau pacte financier mondial.
De l’avis du chef du gouvernement allemand, si l’on veut aider les pays en développement à sortir de la pauvreté, il faudrait non seulement les aider à s’industrialiser, à pouvoir transformer les ressources, mais aussi en investissant dans l’agriculture. ‘’Il y a très peu de pays qui produisent aujourd’hui les engrais dont nous avons besoin. Dans les pays asiatiques comme en Afrique, il y a des possibilités de produire ces engrais. Il faut des usines dans le monde entier pour que les richesses puissent profiter à tout le monde’’, renchérit M. Scholz.
Une déclaration fortement appuyée par les dirigeants africains, notamment le président sud-africain. ‘’C’est l’une des meilleures propositions que j’ai entendues depuis le début de ce sommet’’, s’est-il réjoui. Dans la même veine, il a plaidé pour la construction d’infrastructures de qualité et à fort impact dans le continent. ‘’Le président Sassou l’a dit hier. L’Afrique a besoin d’actions concrètes sur les infrastructures. Travaillons sur les mégaprojets pour avoir de l’impact sur les populations. Que le barrage de Dinga (au Congo) soit financé et réalisé... Si on y arrive, il y aura de quoi être fier, montrer de manière concrète pourquoi ces sommets sont utiles, contrairement à ce que beaucoup pensent’’, a plaidé M. Ramaphosa, non sans signaler un projet ferroviaire reliant le Cap au Caire et sur lequel il travaille avec le président Sissi depuis plusieurs mois.
CAPACITÉ DE FINANCEMENTS DES BMD
L’enveloppe en hausse de 200 milliards de dollars
Lutter contre la pauvreté et le changement climatique : voilà les deux sujets au cœur des discussions du sommet de Paris ces deux derniers jours. Au terme de ce conclave, pas mal de consensus ont été actés. ‘’Nous avons identifié quatre principes directeurs pour atteindre cet objectif. D’abord, aucun pays ne doit avoir à choisir entre lutte contre la pauvreté et protection de la planète. Ensuite, l’appropriation des stratégies de transition doit être faite par les pays. Il y a des besoins différents ; les pays peuvent suivre des voies différentes’’, a déclaré Emmanuel Macron lors de la cérémonie de clôture.
Pour lui, les pays ont acté un consensus fort sur la nécessité d’augmenter les financements aussi bien publics que privés pour les pays en développement et les pays émergents.
Pour être plus efficace, souligne Macron, un consensus s’est dégagé pour dire que chaque dollar de prêt des banques multilatérales de développement (BMD) devrait être accompagné par au moins un dollar de prêt du secteur privé. ‘’Sur cette base, nous attendons qu’elles mobilisent au moins 100 milliards de dollars de fonds privés chaque année dans les pays en développement et émergents’’.
Dans le même sillage, Macron et Jellen sont revenus sur une augmentation globale de 200 milliards de dollars de la capacité de prêt des BMD. Ces fonds, si l’on en croit le président français, devraient permettre de financer les besoins en infrastructures qui ont été évoqués par la plupart des intervenants africains à ce sommet.
Pour le président français, une liste de ces infrastructures susceptibles d’être accompagnées va devoir être élaborée et adjointe au document final.
Par ailleurs, à la suite du Tchad et de la Zambie qui ont déjà eu à bénéficier du cadre commun de traitement de la dette, les pays ont pris l’engagement d’en faire bénéficier d’autres pays, dont le Ghana.
MOR AMAR (ENVOYE SPÉCIAL)