Publié le 26 Mar 2025 - 15:56
RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE - FONTE DES GLACIERS

Le Sénégal risque de perdre 55 à 86 km2 de plages

 

Selon l’Organisation météorologique mondiale (OMM), durant l’année 2023, les glaciers ont perdu plus de 600 milliards de tonnes d'eau, soit la plus grande perte de masse enregistrée en 50 ans. Stockant près de 70 % de l’eau douce mondiale, il urge de prendre des mesures concrètes pour préserver ces réservoirs de vie pour l’humanité. Au Sénégal, cette fonte des glaciers a des conséquences sur les zones côtières et sur les sols arables, entre autres.

 

"Préservation des glaciers" : c’est le thème de la Journée mondiale de l'eau qui a été célébrée ce 22 mars. Au Sénégal, la cérémonie a été présidée par les ministres de l'Hydraulique et de l'Assainissement, Cheikh Tidiane Dièye, et de l'Environnement et de la Transition écologique, Pr. Daouda Ngom.

Prenant la parole, le ministre de  l'Environnement et de la Transition écologique a convoqué le rapport spécial du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) produit en 2019, qui rappelle notre dépendance aux océans. Ils recouvrent, d'après le Pr. Daouda Ngom, 71 % du globe et représentent 97 % des réserves d'eau sur Terre. Ces espaces, à ses yeux, sont indispensables dans bien des domaines, non seulement nécessaires à nos activités de transport et de tourisme, ils captent, également, 20 à 30 % des émissions de CO2 et permettent de réguler la température sur Terre.

‘’En modifiant les océans, le réchauffement climatique modifie tout le cycle de l'eau, l'intensité et la fréquence des précipitations, mais surtout les événements océaniques extrêmes (tels que les raz-de-marée). Alors qu'ils avaient lieu historiquement une fois par siècle, ils devraient désormais se produire au moins une fois par an. De même, la cryosphère, constituée par l'ensemble des glaciers, occupe 10 % de la planète et est l'habitat d’une biodiversité spécifique. La fonte de la cryosphère du fait du réchauffement climatique est le principal facteur d'élévation sans précédent du niveau de la mer’’.

Le ministre Daouda Ngom informe qu’entre 2006 et 2015, le niveau de la mer a augmenté en moyenne de 3,6 mm par an, soit deux fois plus rapidement qu'entre 1900 et 1990. Il affirme que cette tendance va se poursuivre jusqu'en 2050 et au-delà, quel que soit le scénario retenu.

‘’En effet, explique-t-il, le pouvoir réchauffant des gaz déjà présents dans l'atmosphère fait fondre la cryosphère et l'ampleur du phénomène est fonction du volume mondial de nos émissions. C'est pourquoi l'élévation du niveau de la mer représente un réel danger pour les 680 millions de personnes vivant en zone côtière à moins de 10 m d'altitude. À la fois touchées par l'érosion des côtes, les conséquences pourraient être dramatiques, notamment en termes de déplacement de populations, de perte de terres agricoles, de disponibilité en eau potable, d'infrastructures et de patrimoine culturel surtout dans la zone côtière’’.

Le ministre de souligner que les impacts sont déjà visibles au Sénégal. ‘’Les études réalisées dans le cadre de la contribution déterminée au niveau national, confirme en moyenne une augmentation du niveau de la mer de 1,4 mm par an et un taux de recul moyen du trait de côte entre 1 et 1,30 m/an. Les tendances futures de projection sur l'ensemble des côtes sénégalaises prévoient que 55 à 86 km2 de plages disparaîtront. Cela nous conscientise davantage sur les défis auxquels nous sommes confrontés face aux changements climatiques, car ils auront une incidence importante sur notre pays en raison de sa grande vulnérabilité", indique le ministre.

De ce fait, le Pr. Ngom soutient, par ailleurs, que la contribution déterminée au niveau national (CDN), opérationnalisée par les plans d'actions sectorielles, inclut des objectifs en matière d'atténuation, mais également d'adaptation dans huit secteurs particulièrement vulnérables, parmi lesquels le secteur des ressources en eau, des inondations et celui de la zone côtière.

S’agissant de la protection côtière, informe-t-il, des actions ont été menées à travers le pays, notamment à Rufisque, aux îles du Saloum, à Saint-Louis, sur la Petite Côte, en Casamance et sur l'île de Gorée. Mais il reste beaucoup à faire, le Sénégal ayant 718 km de côtes.

Les glaciers ont perdu 600 milliards de tonnes d'eau en 2023

Le docteur Cheikh Tidiane Dièye a, lui, invité à prendre conscience de l’importance cruciale de l’eau et à militer pour une gestion durable de cette ressource vitale. ‘’L’ambition qui transparait derrière cette symbolique est de lutter contre la crise mondiale de l'eau, en appui à l'Objectif de développement durable (ODD) 6 : eau et assainissement pour tous d'ici 2030. En décembre 2022, l'Assemblée générale des Nations Unies a adopté une résolution pour déclarer 2025, Année internationale de la préservation des glaciers et proclamé le 21 mars de chaque année Journée mondiale des glaciers à partir de 2025’’, a-t-il révélé.

Ces initiatives, souligne-t-il, visent à sensibiliser tout un chacun sur le rôle capital que jouent les glaciers, la neige et la glace dans le système climatique et le cycle de l'eau, et à mettre en évidence les impacts économiques, sociaux et environnementaux des changements intervenant dans la cryosphère.

‘’Le sens du thème de la Journée mondiale de l’eau 2025 semble éloigné de nos réalités et préoccupations vu qu'il n'y a pas de glaciers au Sénégal. Cependant, avoir une telle conception traduirait une méconnaissance des questions environnementales, car il suffit d’une petite promenade sur nos côtes pour se rendre compte que le thème de cette année concerne hautement notre pays. En effet, au Sénégal et dans d’autres pays côtiers, il est observé déjà des conséquences directes tels que l’élévation du niveau de la mer, menaçant les infrastructures côtières, entrainant la salinisation des terres et l’intrusion saline dans les nappes phréatiques, tout en réduisant la disponibilité en eau potable et agricole’’, dit-il.

En effet, selon l’Organisation météorologique mondiale (OMM), durant l’année 2023, les glaciers ont perdu plus de 600 milliards de tonnes d'eau, soit la plus grande perte de masse enregistrée en 50 ans. D’ailleurs, le ministre fait remarquer que, sur les rochers, sur la grande côte atlantique Nord, de Kayar à Saint-Louis, en passant par Fass Boye, Diogo, Lompoul-sur-Mer, sur la côte atlantique Sud de Hann à Diembéring, en passant par Thiaroye, Mbao, Bargny, Séndou, Palmarin, Kafountine, le constat est effarant. "Le trait de côte recule considérablement, mettant en péril nos habitats, nos cultures, nos infrastructures, nos sols et nos ressources en eau’’, prévient-il.

Les glaciers stockent près de 70 % de l’eau douce mondiale

Cheikh Tidiane Dièye souligne que l’évolution récente du climat ne se traduit pas seulement par un réchauffement global, mais aussi par des modifications profondes des cycles de l’eau, avec des précipitations plus irrégulières, accentuant les inondations et une répartition inégale des ressources. Ainsi, souligne-t-il, ‘’ce déséquilibre crée un stress hydrique croissant, attise les tensions sur l’accès à l’eau et menace directement la stabilité socioéconomique et la paix dans de nombreuses régions du monde, particulièrement dans l’espace ouest-africain’’.

Or, il est communément admis que les glaciers stockent près de 70 % de l’eau douce mondiale. Le ministre de prévenir : ‘’Leur fonte accélérée, due au changement climatique, ne menace pas uniquement les régions montagneuses. Elle bouleverse le cycle hydrologique global, impactant les écosystèmes, les espaces marins et côtiers, l’agriculture, l’approvisionnement en eau potable et la sécurité alimentaire à l’échelle planétaire. D’ailleurs, près de 2 milliards de personnes dépendent de leur eau de fonte et du ruissellement des montagnes pour la boisson, l'agriculture, la production d'énergie et la santé des écosystèmes."

En effet, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) note que la fonte accrue des glaciers contribue de manière significative à l'élévation du niveau de la mer à l'échelle mondiale, lequel dépasse aujourd'hui d'environ 20 cm le niveau de 1900. À cela s’ajoute le fait que les glaciers réfléchissent une bonne partie des rayonnements solaires dans l’espace nous protégeant ainsi contre une chaleur insupportable pour la vie humaine.

Dès lors, il urge selon lui, de prendre des mesures concrètes pour préserver ces réservoirs de vie pour l’humanité. ‘’La réduction des émissions de gaz à effet de serre est la solution principale pour ralentir le recul des glaciers. En réduisant le réchauffement climatique, on peut agir efficacement sur la fonte des glaciers et stabiliser le cycle de l’eau. Ces changements ne sont pas des projections lointaines, car affectant déjà de nombreuses collectivités et écosystèmes à travers le monde’’, souligne le ministre.

Il note aussi que le gouvernement vise, à travers le référentiel Sénégal 2050, notre souveraineté environnementale. ‘’Il y est bien mentionné que ‘notre programme de conservation de 30 % de notre territoire terrestre, marin et de nos eaux douces contribuera à l’atteinte de la souveraineté environnementale, de même que les règles de gestion durable dans les différents secteurs économiques primaires et d’économie circulaire’. Plus qu’une simple ressource naturelle, l’eau est aujourd’hui un enjeu géostratégique majeur, surtout que les inégalités dans l’accès pourraient devenir s’il ne l’est déjà pas, l’une des sources principales de tensions et de conflits, rendant impérative une gestion partagée et apaisée des ressources hydriques. Le Sénégal, en tant que pionnier dans le domaine de l’hydrodiplomatie, joue un rôle clé sur la scène internationale’’, affirme le ministre.

Il rappelle que le pays a accueilli avec succès le 9e Forum mondial de l’eau et reste sur la même dynamique en tant que co-hôte de la Conférence des Nations Unies sur l’eau de 2026 et dépositaire de la présidence du Conseil des ministres africains sur l’eau (l’AMCOW).

À ses yeux, à travers ces engagements, son département œuvre à renforcer la coopération transfrontalière pour une gestion équitable et durable des ressources en eau. Il déclare : ‘’Nous agissons pour stimuler les investissements dans l’innovation et les infrastructures hydriques adaptées aux défis climatiques".

Le ministre Dièye d’ajouter que le Sénégal a fait de la gestion durable de l’eau une priorité nationale. Un fait qui se traduit par le développement de nouvelles solutions d’approvisionnement en eau, telles que les grands transferts de l’eau à travers les autoroutes de l’eau, le dessalement d’eau de mer, le suivi et la protection des nappes phréatiques, mais également par l’adoption de politiques de gestion de l’eau basées sur les évidences, intégrant les impacts du changement climatique et les besoins actuels et futurs des populations.

CHEIKH THIAM

Section: 
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