RÉFÉRENDUM AU MALI
Y a-t-il eu vote à Aguelhok et dans la région de Kidal ?
Dimanche, les autorités maliennes de transition organisaient un référendum pour tenter de faire adopter leur projet de nouvelle Constitution. Jugé illégitime par de nombreux partis d'opposition, ils appelaient à voter « non » ou à boycotter le scrutin. Ce référendum a été rejeté également par les groupes armés du Nord, signataires de l'accord de paix de 2015, contrôlant la région de Kidal. Le scrutin référendaire s'est-il tenu dans la région de Kidal et notamment dans la ville d'Aguelhok ?
Au soir du référendum, dimanche, la télévision d'État ORTM diffuse des images du vote à Aguelhok, région de Kidal. Des images floues filmées avec un téléphone portable – pourtant interdits dans les bureaux de vote –, où l'on voit une urne posée au sol au milieu de quelques hommes assis sur des nattes et accueillant une personne filmée avec son bulletin de vote en main.
« Les Maliens ont voté partout avec la même ferveur », « les opérations référendaires se sont déroulées sans incident à Tessalit et Aguelhok », commentent avec enthousiasme les journalistes en plateau.
Mascarade électorale
Mais, ces images ont suscité la colère de nombreux élus et notables d'Aguelhok, qui démentent la tenue du vote et dénoncent une « mascarade électorale ». Jointes par RFI, plusieurs notabilités locales expliquent que les groupes armés signataires de l'accord de paix ayant donné pour consigne de ne pas organiser le vote, l'Autorité indépendante de gestion des élections (Aige) a contourné la difficulté en remplaçant à la dernière minute, le jour même du scrutin, les membres de sa délégation locale par de nouvelles personnes acquises aux autorités de transition.
Et cela en dehors du cadre inclusif légal qui avait présidé, ces dernières semaines, à la nomination et à l'installation des représentants de l'Aige dans les régions et communes du Mali. « Ces nominations ne sont pas légales, les personnes désignées n'ont d'ailleurs pas prêté serment », précise l'une des sources expertes des questions électorales sollicitées par RFI.
Cet événement a suscité la colère des populations et même une manifestation de jeunes habitants d'Aguelhok qui ont encerclé la maison où se déroulait le « vote » ou le « simulacre de vote », selon les positions. D'après les témoignages, c'est la présence des casques bleus de la Minusma qui a permis à la situation de ne pas dégénérer. Détail cocasse : alors que les autorités maliennes de transition viennent d'exiger le départ de la mission onusienne du pays, certaines sources locales estiment que la Minusma, qui a facilité la logistique pour l'organisation du référendum, s'est montrée à Aguelhok complice des faits dénoncés.
L'Aige « réaffirme et confirme »
« Tentative de manipulation », « bourrage d'urnes », comme le dénoncent certaines sources ? Ou manière de permettre à ceux qui voulaient prendre part au vote, peut-être minoritaires, mais non moins légitimes, de ne pas être exclus du scrutin contre leur volonté ?
Les organisations d'observateurs électoraux déployés au Mali maintiennent en tout cas qu'aucun vote légal n'a eu lieu, ni à Aguelhok ni dans aucune localité de la région de Kidal.
Sollicitée sur les événements d'Aguelhok, l'Autorité indépendante de gestion des élections n'a pas apporté de précisions. L'Aige n'a toujours publié aucun résultat, elle a jusqu'à vendredi pour le faire, ni même aucun chiffre sur la participation, estimée à 28% par les observateurs électoraux. Mais dans un communiqué diffusé lundi 19 juin dans la soirée, le seul depuis que les bureaux de vote ont fermé dimanche soir, l'Aige « réaffirme et confirme que le scrutin du 18 juin 2023 a eu lieu dans la région de Kidal ».
L'enjeu est immense : des clarifications que pourront apporter les autorités dépend la crédibilité d'un scrutin déjà entaché d'accusations de fraude. En dépend également sa légalité, puisque le référendum doit, selon la Constitution actuellement en vigueur (articles 26 et 118), être organisé dans tout le pays pour que ses résultats soient valides.
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