Publié le 21 Nov 2012 - 18:25
RÉFORME DU CODE DE JUSTICE MILITAIRE

Magistrats et hommes de tenue statuent sur leurs divergences

 

‘’Faut-il réformer le Code de justice militaire (CJM) ?’’. Le débat a été posé hier, lors d’un séminaire organisé au Palais de Justice Lat Dior, par la cour d’Appel de Dakar. Alors que les magistrats préconisent des réformes, le Commandant Abdoul Birane Wane renvoie ceux-ci à l’école.

 

Le ratage de la seconde session de la Cour d’assises militaire, avec les annulations de procédures concernant le douanier Serigne MBaye Fall et le gendarme Gora Diop inculpés chacun de meurtre, ainsi que les interprétations divergentes dans l’application du Code de justice militaire (CJM) aux corps paramilitaires et aux officiers de police, ont poussé la cour d’Appel de Dakar à sortir des tiroirs ledit code. En effet, au cours d’un séminaire organisé hier, au Palais de justice Lat Dior, sous la présidence de Demba Kandj, premier président de la cour d’Appel, les magistrats ont fait une étude critique du CJM.

 

Selon le substitut général Madiaw Diaw, ‘’sur beaucoup de points, le Cjm demande à être réformé’’. Car, argue-t-il, ‘’le CJM donne beaucoup de pouvoirs à l’autorité militaire’’. ‘’Il y a une absence totale de la Cour suprême’’, se désole-t-il. Or renseigne le magistrat, l’article 1 du CJM dispose en son article 1er : ‘’ La justice militaire est rendue sous le contrôle de la Cour de cassation (devenue Cour suprême) en temps de paix comme en temps de guerre par les juridictions ordinaires formation spéciale’’.

 

D’après l’analyse du juge Madiaw Diaw, l’immixtion de l’autorité exécutive se constate plus durant la phase de l’exécution de l’arrêt de condamnation en matière criminelle. ‘’Il est permis à l’autorité militaire, sur simple décision sans motif à lui demander, de procéder à la suspension de l’arrêt de condamnation, sans aucune intervention possible de la Cour suprême’’, dénonce le juge. Selon lui, ‘’cela est attentatoire au regard de l’article 1 du CJM’’.

 

L’autre réforme qu’il estime nécessaire concerne la phase de poursuite. ‘’On ne peut pas comprendre que le procureur qui reçoit une procédure, ne puisse enclencher des poursuites que s’il reçoit un ordre de poursuite délivrée par l’autorité’’, se désole le juge. Or, poursuit-il, ‘’Si l’autorité ne délivre pas cet ordre de poursuite, aucune sanction n’est prévue’’. ''Ce refus pourrait conduire à une impunité’’, ajoute le substitut général.Sur sa lancée, le juge Diaw décernera un satisfecit aux militaires. ''Dans la pratique, dit-il, il faut remarquer, concernant les forces armées, à chaque fois qu’une requête leur est adressée, elles ont toujours répondu favorablement et au moment opportun. Mais, il en est autrement concernant les paramilitaires''.

 

Pour la phase de jugement, le magistrat milite en revanche pour un maintien de l’ancien système. Notamment, la présence du jury (NDLR : le jury populaire a été supprimé ) devant assister le président de la Cour d’assises militaires. ‘’Les questions militaires sont particulières et très spéciales, il est normal que ceux qui connaissent ce corps puisse édifier le magistrat professionnel’’, argue Madiaw Diaw.

 

 ‘’Un problème de maîtrise’’ selon le Commandant Wane

 

Alors que ce séminaire concerne les hommes de tenue, l’un d’eux, le Commandant Abdoul Birame Wane du Groupement national des Sapeurs-pompiers, ne semble pas en être enthousiasmé. ‘’ Ce qui a hâté ce séminaire, c’est qu’il y a eu des ratés et beaucoup de dossiers militaires au niveau de la Chambre d’accusation de la cour d’Appel de Dakar’’, soutient le défenseur des hommes de tenue. Selon lui, ‘’ Le Code doit être réformé, certes’’ mais le véritable problème, affirme-t-il, ‘’c’est que les magistrats ne le maîtrisent pas’’. Pour étayer ses propos, il dira que ‘’même les parquetiers ne parlent pas le même langage’’. A ce propos, il a cité l’exemple d’un lieutenant des Douanes devant être jugé le 30 novembre prochain devant le tribunal militaire. Or poursuit-il, les deux gabelous arrêtés dans l’affaire Luc Nicolaï ont été renvoyés par le Parquet, devant une juridiction ordinaire.

 

''C'est dangereux''

 

Soulignant au passage qu’ils ont engagé la réflexion depuis deux ans, Commandant Wane d’ajouter : ‘’Le CMJ est une loi spéciale qui déroge à la loi générale. Depuis l’indépendance, c’est à la 52e année que les magistrats se rendent compte que le code a des failles. C'’est dangereux’’. Aussi l’homme en tenue s’est-il insurgé contre la proposition du substitut général Diaw préconisant la possibilité au procureur de la République de pouvoir déclencher l’action judiciaire, sans ordre de poursuite. ‘’Le Commandant ou le Colonel n’est pas un vulgaire apprenti qu’on peut arrêter n’importe comment’’, fulmine-t-il. Outre l’impératif d’un ordre de poursuite, ‘’l’avocat des hommes de tenue’’ n’est pas en phase avec les magistrats sur la question de l’exécution de l’arrêt de condamnation.

 

Il a évoqué des raisons de sécurité, pour justifier la possibilité donnée à l’autorité de suspendre celle-ci. ‘’Imaginez qu’un chiffreur soit emprisonné et qu’on a besoin d’information. Le Cemga demande la suspension de l’arrêt pour des raisons de défense, mais cela n’efface pas la peine’’, explique-t-il. Insistant sur la non maîtrise du code par les juges, il suggère que celui-ci soit enseigné comme module au niveau de l’École nationale d’administration (ENA).

 

FATOU SY

 

 

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