“Vos propos sont des orientations données au juge d’instruction”
Ousmane Sonko n’a pas tardé à réagir à la sortie du président de l’Union des magistrats sénégalais, Chimère Diouf. Le leader du Pastef estime que la sortie du Président de l’UMS, Chimère Diouf, dénote est partialité dans le dossier l’opposant à Adji Sarr.
Le leader du Pastef, Ousmane Sonko, n’a pas attendu pour répondre au président de l’Union des magistrats sénégalais, 24 heures après sa conférence de presse pour le recadrer. La veille, Chimère Diouf déclarait, entre autres : ‘’La recherche de populisme n’est pas l’office du juge, et qu’il nous appartient de faire abstraction de tout commentaire extérieur, de la vox populi, dans notre prise de décision, et tient à préciser, contrairement à une idée répandue de mauvaise foi, que les magistrats ne peuvent servir de bras armé utilisé pour la liquidation d’adversaires politiques. Il appartient à tout citoyen poursuivi de se défendre librement et de ne pas croire cependant que la politique est une cause d’irresponsabilité pénale.’’
Hier, le leader du Pastef-Les patriotes, placé sous contrôle judiciaire, suite à l’affaire l’opposant à la masseuse Adji Sarr, est revenu à la charge. ‘’J’imagine la pression que vous avez dû subir de certains de vos collègues, depuis quatre jours, les plus anciens certainement. Vous n’avez pas parlé pour le droit et la justice, encore moins pour l’institution ; mais uniquement émis un signal positif à la chancellerie. Mais vos propos d’hier (avant-hier) sont une intrusion inacceptable dans le dossier et même, en filigrane, des orientations données au juge d’instruction. Nous en prenons cependant acte !’’, a-t-il sèchement répondu à Chimère Diouf à travers une publication.
Sonko estime que ce dernier est gagné par une certaine fébrilité. ‘’Monsieur le Président de l’UMS, le manque de sincérité qui ressort de vos propos trahit d’emblée votre parti-pris flagrant et la frilosité qui caractérise désormais votre organisation syndicale’’, assène le nouveau maire de Ziguinchor.
En effet, n’ayant pas apprécié les critiques portées à l’endroit de l’institution judicaire, Chimère Diouf déclarait, la veille : ‘’Certaines personnes ne comprennent pas le fonctionnement de la justice... Avant de critiquer la justice, il faut connaitre comment elle fonctionne. Il ne faut pas se focaliser sur ses propres intérêts pour critiquer l’institution sans connaître ses règles de fonctionnement. On fait croire que la justice est là pour servir. Il faut que les gens acceptent de perdre et de gagner en toute bonne foi et en toute logique.’’
De plus, le juge ajoutait que le statut politique du leader du Pastef ne le mettait pas au-dessus de la loi et qu’il a défié l’institution judiciaire.
A ce propos, Ousmane Sonko répond qu’il n’a fait aucune attaque contre l’institution judiciaire. ‘’J’ai dénoncé la gestion de ce dossier par quelques magistrats’’, précise-t-il.
‘’Un déni flagrant de justice’’
Interrogé sur la sortie de la partie civile (Adji Sarr) dans les médias étrangers, le juge Chimère Diouf avait répondu aux journalistes qu’il n’a pas lu ce qu’elle a dit. Cela a eu le don d’outrer Ousmane Sonko qui fait remarquer que le juge a eu le temps d’écouter religieusement sa seule et unique sortie depuis un an sur l’affaire, mais refusé de se donner la peine d’en faire autant pour les innombrables sorties de la partie adverse. Il y voit un signe de ‘’partialité’’.
‘’Votre tentative de renvoyer les deux parties dos-à-dos est subtile et regrettable’’, peste M. Sonko.
Le leader du Pastef a ainsi listé toutes les sorties de la partie civile Adji Sarr, depuis un an : une sortie médiatique les 17 et 18 mars 2021 sur Leral TV, puis le 2 mars 2022 sur RFI, ‘’Le Monde’’ et ‘’Jeune Afrique’’. L’un de ses avocats, Me El Hadj Diouf, n’est pas en reste. Sonko renseigne qu’il a fait 11 sorties au moins sur le dossier. ‘’Durant tout ce temps, aucune sortie ni de moi ni de mes conseils, aucune réaction de l’UMS’’, ajoute-t-il.
‘’Vous étiez où, vous union des magistrats, face à ces violations flagrantes et ce piétinement de l’Institution judiciaire ?’’, poursuit le député-maire. Qui fait remarquer que l’UMS ne s’était pas prononcée, lorsque ‘’le juge d’instruction refusait de laisser entrer ses avocats pour assister leur client lors de la première audition, en violation des droits de la défense’’.
Toujours dénonçant ‘’un déni flagrant de justice’’, M. Sonko rappelle à l’UMS que depuis neuf mois maintenant, la justice ne répond pas aux courriers de ses avocats tendant à la levée de cette mesure de contrôle judiciaire. ‘’Vous étiez où lorsque le procureur Serigne Bassirou Guèye falsifiait le PV d’enquête de la gendarmerie nationale pour y inclure des images à caractère obscène, uniquement pour charger le dossier ? Où étiez-vous encore, lorsque le fonctionnement de la justice a été partiellement perturbé par le fait, inédit, que pendant huit mois, un doyen des juges n’avait été nommé, laissant en rade bon nombre de dossiers et violant les droits des justiciables à prétendre à une réponse judiciaire à leurs demandes ?’’, questionne-t-il.
‘’Les cas de violation politique des droits d’un justiciable sont nombreux, toujours avec l’instrumentalisation non pas de toute la justice, mais de quelques magistrats’’, précise cependant le leader du Pastef.
‘’Rien, ni personne ne peut m’empêcher de me défendre et de dénoncer l’entreprise de liquidation lancée contre ma personne’’
En effet, après avoir rappelé les cas de Khalifa Sall et de Karim Wade, Ousmane Sonko se demande pourquoi Chimère Diouf et Cie n’étaient pas montés au créneau, lorsqu’en 2014, Serigne Mbaye Thiam, alors ministre de l’Education nationale, ‘’défia’’ publiquement la justice, en annonçant son refus de se conformer à la décision rendue par la Cour suprême à propos des 690 élèves-maîtres. Il leur demande également pourquoi ils n’avaient pas fait de sorties médiatiques, ‘’lorsque des délinquants proches du régime sont pris en flagrant délit, puis libérés pour vaquer à leurs occupations, au moment où opposants politiques, activistes et autres contradicteurs du régime sont malmenés et embastillés sans fondement solide’’.
Ousmane Sonko poursuit son questionnement : ‘’Où étiez-vous lorsqu’un ministre éconduisait des magistrats de la Cour des comptes venus le contrôler et assumer publiquement cet acte de rébellion ? Lorsque des ministres, DG et autres sont épinglés par des rapports des corps de contrôle sans aucune suite ?’’
Cependant, Ousmane Sonko soutient qu’il n’a aucun problème avec la magistrature au sein de laquelle il compte ‘’énormément d’amis’’ de tous âges, fonctions et grades, et qu’il demeure convaincu que ‘’l’écrasante majorité d’entre eux font leur travail avec honneur, loyauté et dignité’’. Il enchaîne avec cette pique : ‘’N’oubliez pas que vous n’êtes pas la justice, ni l’institution judiciaire pour parler à son nom : vous êtes un ‘syndicat’, une association corporatiste qui défend des intérêts de ses membres. À ce titre, vous n’êtes point habilité à parler au nom de la justice et de toute la justice que votre corporation partage avec d’autres acteurs professionnels et les citoyens.’’
Le maire de Ziguinchor de marteler : ‘’Rien, ni personne ne peut m’empêcher de me défendre et de dénoncer l’entreprise de liquidation lancée contre ma personne, y compris dans son volet judiciaire.’’ Car, dit-il, ‘’toutes les entreprises de liquidation politique, de Mamadou Dia à ce jour, ont eu pour support le ‘pouvoir’ Judiciaire, qui s’est rarement comporté dans ce pays comme un vrai pouvoir, alors qu’il doit en être un’’.
BABACAR SY SEYE