Publié le 11 Oct 2022 - 22:46
RÉVISION DE SON PROCÈS

Karim Wade mène le même combat que la famille de Valdiodio Ndiaye 

 

Karim Wade mène le même combat que la famille de Valdiodio Ndiaye Avant de bénéficier d’une amnistie avec ses co-accusés, l’ancien maire de Kaolack a été condamné pour une tentative de coup d’Etat lors de la crise de 1962. Malgré beaucoup d’éléments allant dans le sens de son innocence, sa famille peine à obtenir une révision de ce procès. Une chose complexe à laquelle risque de se heurter le fils de l’ancien président de la République Abdoulaye Wade.  

 

‘’Il faut rappeler que c’est une voie de droit exceptionnel. Parce qu’il faut que certaines conditions soient réunies. Il faut des éléments nouveaux qui montrent qu’il y a eu des erreurs dans le premier procès. Deuxièmement, c’est à l’initiative du Garde des sceaux, de la partie intéressée ou des ayant droits. Objectivement, je n’ai pas à ma disposition des éléments qui permettent d’envisager une révision.’’ S’exprimant sur les réclamations de Karim Wade concernant son procès, vidé devant toutes les juridictions sénégalaises, le ministre de la Justice a signifié la complexité de la demande du fils de l’ancien président de la République Abdoulaye Wade. Ismaïla Madior Fall a rappelé au possible candidat à la présidentielle 2024 que sa meilleure chance, s’il veut réellement participer, est d’amener le groupe parlementaire dirigé par le parti démocratique sénégalais (PDS) à voter le projet de loi d’amnistie annoncé par le président de la République Macky Sall.   

Il n’y a pas jamais eu, dans l’histoire du Sénégal, la révision d’un procès. Pourtant, la volonté de l’ancien ministre d’Etat, ministre de la Coopération internationale, de l’Aménagement du territoire, des Transports aériens et des Infrastructures est à l’image d’un combat que mènent d’autres Sénégalais, depuis plusieurs années. Parmi eux, Amina Ndiaye Leclerc, fille de l’ancien maire de Kaolack, Valdiodio Ndiaye, héros de l’indépendance du Sénégal. Malgré le fait qu’il y ait beaucoup de nouveaux éléments en faveur de l’innocence de celui qui fut victime d’un complot politique en 1962, sa famille court derrière la révision de ce procès déjà promise par l’ancien président de la République Abdoulaye Wade.

Sur les éléments nouveaux, Amina Ndiaye Leclerc a même réalisé un documentaire publié en 2021. Lors d’une séance de projection à la place du souvenir africain, elle a déclaré qu’à travers son film documentaire, elle tente ‘’de réparer une injustice’’, en réhabilitant la vérité des faits sur ‘’l’accusation de tentative de coup d’Etat’’ dont ont été victimes Mamadou Dia, Valdiodio Ndiaye et les autres compagnons, lors de la crise politique de 1962. Lors de cet épisode, le président du Conseil, Mamadou Dia, incarnait le sommet de l’État dans un régime parlementaire bicéphale (la politique économique et intérieure pour lui ; la politique extérieure pour le Président de la République).

‘’Couvrir du manteau de la légalité une exécution sommaire déjà programmée’’

Lors d’un discours prononcé le 8 décembre 1962, il prônait le ‘’rejet révolutionnaire des anciennes structures’’ et une ‘’mutation totale qui substitue à la société coloniale et à l’économie de traite une société libre et une économie de développement’’ et revendiquait une sortie planifiée de l'économie arachidière. Déjà en mal avec le président Senghor, celui-ci profita de la mise à mal des intérêts français de cette déclaration, ainsi que des inquiétudes des puissants marabouts intervenant dans le marché de l’arachide, pour demander à ses amis députés de déposer une motion de censure contre le gouvernement.

Pour éviter cela, Mamadou Dia tenta d'empêcher son examen par l'Assemblée nationale, avec l’aide de la gendarmerie. Ce qui fut qualifié de ‘’tentative de coup d'État’’ par le président Senghor. Mamadou Dia et Valdiodio Ndiaye furent arrêtés, le 18 décembre, par un détachement de paras-commandos, avec trois autres ministres, Ibrahima Sarr, Joseph Mbaye et Alioune Tall. Ils furent traduits devant la Haute Cour de justice du Sénégal, du 9 au 13 mai 1963. Alors que le procureur général ne requit aucune peine, le président du Conseil fut condamné à la prison à perpétuité, tandis que Valdiodio Ndiaye et les autres ministres coaccusés furent condamnés à 20 ans d'emprisonnement. Ils furent détenus au centre spécial de détention de Kédougou.

Eléments nouveaux ?

Parmi les éléments nouveaux brandis par la famille de l’ancien maire de Kaolack, pour réclamer une révision du procès, une déclaration du procureur général de l'époque. En effet, Ousmane Camara, revient sur le déroulement du procès dans son autobiographie publiée en 2010 : ‘’Je sais que cette haute cour de justice, par essence et par sa composition, (ndlr : on y retrouve des députés ayant voté la motion de censure), a déjà prononcé sa sentence, avant même l’ouverture du procès (...) La participation de magistrats que sont le Président (Ousmane Goundiam), le juge d’instruction (Abdoulaye Diop) et le procureur général ne sert qu’à couvrir du manteau de la légalité une exécution sommaire déjà programmée ».

Aussi, le documentaire réalisé par Amina Ndiaye Leclerc est-il un ensemble d’archives et de témoignages de personnalités politiques et acteurs directs de la crise politique de 1962, comme l’ancien président de la République de Sénégal, Abdoulaye Wade, Robert Badinter, un des avocats lors du procès, entre autres.

Rapportée à la situation de Karim Wade, y a-t-il des éléments nouveaux pouvant justifier la révision du procès ? Selon le ministre de la Justice, la réponse est négative. Toutefois, depuis la condamnation prononcée par la CREI (cour de répression de l’enrichissement illicite), en avril 2015, confirmée quatre mois plus tard par la Cour suprême, l’État du Sénégal a subi une longue série de déconvenues dans ses différentes tentatives de faire exécuter à l’international les décisions de la CREI.

Série de déconvenues à l’international

En mars 2018, la cour d’appel de Paris s’était déjà opposée à la demande de confiscation des biens de Karim Wade et de Bibo Bourgi en France. Le groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire, en avril 2015, ainsi que le Comité des droits de l’Homme de l’Onu, en octobre 2018, ont eux aussi désavoués, au cours des dernières années, la conduite de la procédure pour enrichissement illicite ayant abouti à la condamnation du fils de l’ancien chef de l’État. En 2019, la commission de l’Onu pour le droit commercial international avait, quant à elle, ‘’constaté le caractère illicite de l’arrêt de la CREI, engageant la responsabilité de l’État du Sénégal et l’obligeant à réparer le dommage subi par Ibrahim Aboukhalil’’.

Le dernier épisode de cette série a été ‘’diffusé’’ le 14 octobre 2021, lorsque la Cour de révision – la plus haute juridiction monégasque – a débouté définitivement l’État sénégalais de sa demande visant à obtenir la saisie des sommes contenues sur les comptes bancaires de Karim Wade et de Ibrahim Aboukhalil, alias Bibo Bourgi, logés dans la principauté. Dans tous les jugements de première instance en arrêts d’appel, au civil comme au pénal, les magistrats de Monaco ont infligé au Sénégal plusieurs revers, le déboutant de sa requête principale pour divers motifs procéduraux et de fond. 

Ces décisions de justice peuvent-elles être considérées comme des éléments suffisants pour justifier une révision du procès de Karim Wade ? Malgré les témoignages irréfutables sur le procès de Valdiodio Ndiaye, rassemblés par sa fille, les autorités sénégalaises ont préféré une loi d’amnistie pour réparer le tort causé à des héros des indépendances.

Pour être pionnier dans la révision des procès au Sénégal, Karim Wade devra peut-être attendre un éventuel nouveau régime au pouvoir.

Lamine Diouf

 

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