Mamour Diallo, Alioune Ndoye, Diop Sy, ces gros bonnets épinglés
L’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac) a publié les rapports des trois dernières années. Des faits de corruption et de fraude continuent de marquer grandement la gestion des affaires publiques.
Une commission d’enquête parlementaire avait établi, en décembre 2019, que ‘’les griefs qui sont reprochés à Mamour Diallo par le député Ousmane Sonko sont dénués de tout fondement objectif et sérieux, et semblent plutôt relever de l’acharnement politique et médiatique’’. Par contre, les spécialistes de la vérification des affaires publiques ont pris le chemin inverse. La publication des rapports 2019, 2020 et 2021 de l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption nous apprend que dans cette affaire, l’Ofnac, à l’issue des missions d’enquête menées ou clôturées en 2019, a recommandé ‘’de suspendre sans délai et de façon effective les paiements en faveur de Sofico et CFU, dans le cadre de l’indemnisation, suite à l’expropriation concernant le TF 1451/R jusqu’à ce que la justice en décide autrement’’.
Ce feuilleton médiatico-judiciaire tient en haleine le Sénégal depuis les accusations proférées par le député Ousmane Sonko, candidat à la Présidentielle 2019, contre l'ex-directeur des Domaines Mamour Diallo. Dans sa plainte déposée le 10 avril 2018 à l’Ofnac, le leader de Pastef dénonçait des faits supposés de ‘’transactions immobilières irrégulières et de détournements de deniers publics’’ portant sur un montant de 94 783 159 000 F CFA. Et comme annoncé par le parlementaire, les vérificateurs soutiennent avoir relevé des entorses à la procédure régulière qui ‘’pourraient faire penser à une volonté inavouée des fonctionnaires concernés de tirer le maximum de profit pour Sofico et Cfu dans une seconde procédure d’indemnisation, tout en sachant qu’il y a eu un premier cas d’expropriation ayant abouti à une indemnisation portant sur le montant de 605 853 850 F CFA’’.
Camouflet pour l’enquête parlementaire des députés de Benno
Le camouflet est cinglant pour la commission parlementaire composée de députés de la majorité. Car la suite du rapport est sans équivoque, assurant que les infractions suivantes devraient être retenues contre Mamour Diallo, Tahirou Sarr et Cie : ’’Association de malfaiteurs, fait prévu et réprimé par les articles 238 à 240 du Code pénal ; escroquerie portant sur des deniers publics, fait prévu et réprimé par les articles 152 à 154 du Code pénal ; tentative d’escroquerie portant sur des deniers publics ; complicité d’escroquerie portant sur les deniers publics.’’ D’ailleurs, le dossier a été transmis au procureur.
Malgré l’adoption de la loi sur la déclaration de patrimoine, beaucoup d’agents du public rechignent toujours autant à partager avec l’Ofnac l’état de leurs avoirs. Dans les trois rapports qui ont été publiés, tous évoquent un gros pourcentage de personnes assujetties à ce devoir qui ne s’y sont pas pliées. En 2021, ce chiffre était de 39 %. Au 31 décembre dernier, la population totale des assujettis recensés par l’office était de 1 256, dont 851 considérés comme actifs. Depuis 2014, seuls 767 agents ont effectivement déclaré leur patrimoine. Malgré 185 lettres de relance à des assujettis défaillants l’année dernière, dont 35 par exploit d’huissier et 30 correspondances aux autorités de tutelle ou de nomination (président de la République ou ministres) pour leur signaler l’inobservation, par certains assujettis, de leurs obligations déclaratives, rien n’y fait.
Des licences de contournement par Alioune Ndoye ?
Ce rapport de 2021 s’est penché sur l’affaire des licences de pêche accordées à des bateaux étrangers. Une accusation collective introduite par l’Upames, le Conipas et le Gaipes a dénoncé le 23 décembre 2019, la délivrance, par le ministère des Pêches, de licences de pêche, en violation du Code de la pêche maritime. Mais les investigations de l’Ofnac n’ont pas permis de relever des ‘’indices susceptibles de confirmer les allégations des dénonciateurs sur des faits de concussion ou de corruption concernant les licences de pêche’’. A noter que ces dénonciations ont également été formulées par l’ONG Greenpeace.
Sans preuve de l’existence de ces nouvelles licences pour navires étrangers, les vérificateurs ont constaté, dans certains cas, la délivrance d’une lettre de garantie dite ‘’promesse de licence de pêche’’ à des navires en phase de naturalisation. Et, relèvent-ils, cette pratique n’est prévue ni par le Code de la pêche maritime ni par une disposition réglementaire habilitant l’autorité concernée à procéder de la sorte.
Les enquêteurs ont, en outre, constaté l’attribution de la ‘’licence de pêche démersale profonde, option ‘’chalutiers poissonniers et céphalopodiers’’ à des bateaux. Pourtant, cela s’est fait en totale ‘’violation de la loi par le ministre de la Pêche et de l’Économie maritime dans la période 2014-2019, car cette catégorie de licence n’existe pas encore’’. Sans mettre en cause ces licences, une commission paritaire d’enquête a ‘’préconisé d’attendre que celles-ci arrivent à expiration avant de procéder à la régularisation par le changement de l’option’’, rapporte le document de l’Ofnac.
Le rapport 2021 a épinglé plusieurs maires dont ceux de Sindia, Thierno Diagne et de Faoune, Ibrahima Ba, pour faute de gestion, faux et usage de faux, détournement de deniers publics, entre autres.
Diop Sy dispose d’un marché à travers une société déclarée en faillite
Des dénonciations de l’activiste Guy Marius Sagna et de Babacar Diop, Secrétaire général du parti politique FDS ont amené l’Ofnac à enquêter sur l’attribution du marché de riz, dans la cadre de la Force-Covid-19. Si ‘’des présomptions de faux en écritures privées et de complicité’’ peuvent être retenues contre Rayan Hachem qui a bénéficié du marché de fournitures de riz à travers ses sociétés Avanti Suarl et Afri & Co Suarl, le député Demba Diop Sy a, dans le cadre du marché en question, exercé la fonction de directeur général de UDE, en violation d’une disposition réglementaire, en l’occurrence le règlement intérieur de l’Assemblée nationale.
Plus grave, il est ressorti des investigations de l’Ofnac que M. Diop Sy et sa fille Marième Diop, ‘’auraient usé de manœuvres frauduleuses (dissimulation, au moment de la soumission, du véritable statut de la société pourtant déclarée en faillite et objet d’une liquidation judiciaire prononcée le 19 avril 2019 par la Chambre des procédures collectives du tribunal de commerce hors classe de Dakar (jugement n°577/19). Ces faits révèlent des présomptions d’escroquerie portant sur des deniers publics (article 153 du Code pénal)’’.
Lamine Diouf