Le gouvernement dévoile sa stratégie
Face à la presse, hier, le gouvernement du Sénégal a fait connaitre les tenants et aboutissants du Programme d’urgence pour l’emploi des jeunes. A terme, il devrait générer 200 000 emplois repartis dans tous les départements du Sénégal.
Depuis les événements de mars 2021 (liés à l’affaire Sweet beauté), la problématique de l’emploi des jeunes semble être au cœur de l’agenda gouvernemental. Le 22 avril, le Président Macky Sall a lancé un Programme d’urgence pour l’emploi et l’insertion socio-économique des jeunes, dont la mise en œuvre a été détaillée, hier, par les deux ministères impliqués. L’un des ‘’neuf commandements’’ de ce programme consiste à revaloriser la convention Etat - employeurs qui passe d’un milliard à 15 milliards de francs CFA. L’objectif étant de garantir un premier emploi à 200 000 jeunes sénégalais diplômés en quête de qualification ou d’expérience professionnelle.
‘’Nous avons une population très jeune et beaucoup parmi ces jeunes n’arrivent pas à avoir un stage, après leurs études, parce que les entreprises rechignent à payer les stagiaires soutenant qu’ils n’ont pas d’expérience. Alors, l’Etat a mis en place cet outil pour permettre au jeune sénégalais diplômé d’aller dans une entreprise et de travailler. Et l’Etat contribue à la rémunération de ce jeune, la convention permet de faire passer les jeunes, d’un stage à un CDD avec des traitements qui iront jusqu’à couvrir les charges de sécurité sociale. Ce ne sont plus des contrats de stage, en fonction des besoins de l’entreprise qui sont signés, mais, des contrats à durée déterminée de deux ans renouvelables, une fois. Je pense que c’est une avancée majeure et il faut remercier et féliciter le patronat pour cet acte patriotique’’, explique le ministre de la Formation professionnelle, de l’Apprentissage et de l’Insertion.
Une autre des mesures phares de ce plan d’urgence n’est autre que le recrutement massif de 65 000 jeunes dans les domaines du cadre de vie, du reboisement, du tourisme et de l’accompagnement régional du système sanitaire. Selon Dame Diop, ces options de recrutement ne sont pas ‘’ex nihilo’’, mais découlent d’un processus entamé à la base. Cela, à travers la tenue de Conseils départementaux de développement (CDD), ensuite, de Conseils régionaux de développement, regroupant populations et autorités décentralisés, afin de déterminer les besoins des collectivités territoriales. Les recrutés signeront un contrat à durée déterminée de deux ans renouvelable une fois.
Un volet réservé aux non diplômés
Au Sénégal, on estime à 1 500 000 le nombre de jeunes absents, à la fois du dispositif d’éducation, de la formation et de l’emploi. Par ce programme, l’Etat veut enrôler dans cette catégorie 30 000 jeunes sénégalais. ‘’Dans le programme d’urgence, annonce le ministre, il y a un important volet réservé à la formation et l’accompagnement. Si la convention Etat - employeurs permet d’enrôler des jeunes diplômés, il se trouve que nous avons une importante masse de jeunes qui sont des déscolarisés précoces, des sortants de daaras (école coranique), des apprentis. Ils sont dans notre dispositif de formation et il est prévu l’enrôlement de 30 000 jeunes qui vont aller suivre une formation dans les ateliers de leurs quartiers et en alternance une formation professionnelle, dans un centre de formation de leur localité. Cela permet à ces jeunes qui jusqu’ici n’avaient pas de possibilités de continuer leur formation, d’avoir une compétence et de se faire former au niveau des ateliers artisanaux’’.
En outre, ces jeunes sortis précocement de l’école bénéficieront de qualifications transversales, en lecture, calcul et informatique, en guise de complément à leur formation professionnelle. Cette formation en alternance durera au moins 18 mois. Dame Diop renseigne qu’‘’in fine, l’objectif est également de les booster à monter un projet qui va être financé. En somme, ils auront un métier, une compétence supplémentaire et un projet bancable qui va être financé’’.
Par ailleurs 20 000 jeunes bénéficieront de bons de formation professionnelle. L’entrepreneuriat, selon la tutelle, est une porte de sortie évidente, qui requiert cependant des qualifications. Chose que l’Etat veut offrir à sa jeunesse pour lui permettre d’entreprendre. Vu les multiples accidents de la route et tenant compte des besoins révélés par les CDD et CRD, le gouvernement prévoit la formation de 20 000 jeunes qui débouchera sur l’obtention d’un permis de conduire.
Le secteur de la couture devrait aussi tirer son épingle du jeu. ‘’Le Président de la République vient de décider que, dans nos écoles préscolaires et primaires, les élèves mettront des tenues scolaires et ce n’est pas moins de 2 250 000 enfants qui s’y trouvent. A raison de deux tenues par élève, cela fait 4 500 000 tenues à confectionner au niveau des territoires et l’Etat va, dans le cadre de ce programme, accompagner les couturiers des départements pour la confection des tenues des élèves en plus de fortement subventionner cela’’, déclare le ministre.
Dans le cadre de travaux d’intérêt communautaire ‘pavage, fermes agricoles, entretien routier), pas moins 4000 jeunes devraient être recrutés.
1000 volontaires pour le service civique national
Du côté du ministère de la Jeunesse, trois projets sont en cours d’exécution. Il s’agit du recrutement de 500 animateurs socio-éducatifs (Bfem minimum), sur l’ensemble du territoire national. ‘’C’est une mesure qui répond à une promesse du Président dans le PSE jeunes, à savoir construire dans chaque département une maison de la jeunesse et de la citoyenneté et, à côté de cela, il y aura un recrutement d’agents qui vont servir à l’animation socio-éducative. Ces maisons vont servir de relais entre les jeunes et les foyers de jeunesse, les espaces jeunes... Donc, l’animateur socio-éducatif est un technicien de jeunesse formé à l’éducation populaire qui va animer à la base, qui va bouger et qui sera un agent communautaire polyvalent servant de relais entre les jeunes et ces infrastructures qui leur sont dédiées’’, détaille la ministre Néné Fatoumata Tall.
Un deuxième projet consiste à recruter 1000 volontaires dans le service civique national. La loi sur le volontariat, adoptée en Conseil des ministres en avril, est en attente du vote de l’Assemblée nationale. Il sera aussi question de renforcer le service civique en moyens financiers et d’en faire ‘’la direction du volontariat’’. Enfin, la tutelle est chargée du ‘’déploiement stratégique’’ de l’Agence nationale pour la promotion de l’emploi des jeunes (Anpej) au niveau de chaque département, dans les smart services.
L’agence, selon la vision du chef de l’Etat, sera la porte d’entrée des guichets uniques. Sur le plan digital, ils seront hébergés par l’Agence de l’informatique d’Etat. A en croire la ministre, plusieurs jeunes diplômés seront recrutés, grâce au déploiement des structures telles que l’Anpej, la Direction générale à l’entrepreneuriat rapide et le Fonds de garantie des investissements prioritaires. L’ensemble de ces initiatives devraient, à terme, aboutir à 200 000 emplois et entreprenants, selon le gouvernement.
‘’Territorialisation, pragmatisme et transparence’’
Les craintes autour de ce projet tournent autour de la transparence, comme l’on fait savoir bon nombre d’experts et de citoyens lambda. Ils en veulent pour preuve, les résultats peu reluisants de toutes ces institutions chargées de l’emploi des jeunes, sans compter la polémique engendrée par la Der. Mais, le gouvernement rassure en insistant sur la territorialisation de ce programme qui va se dérouler dans ‘’en toute transparence’’. ‘’Nous allons vers une grande opération de recrutement qui ne s’est jamais faite au Sénégal. Ce recrutement repose sur trois piliers : la territorialisation, mais aussi le pragmatisme et la transparence dans les opérations. Toute la responsabilité du processus de recrutement est transférée aux pôles emploie-entrepreneuriat. Le pôle est dirigé par le préfet et les acteurs des collectivités territoriales et le Président a demandé que les représentants des jeunes, à savoir le Conseil national de la jeunesse (CNJS), y soient fortement représentés. Cela a un double objectif : rendre le recrutement transparent et à proximité des populations’’, précise le ministre Dame Diop. Qui insiste sur l’équité territoriale.
‘’Le montant de financement sera territorialisé au niveau des départements, au nom de l’équité territoriale et sociale. Ces emplois énumérés ont été répartis sur l’ensemble des départements, en fonction du poids de la population active de jeunes ayant entre 18 et 40 ans, du département. Cela permet de rester dans une logique d’équité territoriale et sociale. Chaque département va recevoir son quota de jeunes à recruter’’.
Ainsi, les comités de recrutement auront à leur tête des autorités décentralisés. ‘’La transparence est une instruction du Président, en plus de cela, la territorialisation des politiques publiques, notre démarche inclusive. Ce sont les préfets au niveau départemental et les gouverneurs au niveau régional qui vont organiser ces recrutements. La transparence est totalement garantie dans ce recrutement. Le ministère a l’obligation de travailler avec le CNJS, jusqu’à son renouvellement et la transparence, nous allons y veiller‘’, renchérit la ministre de la Jeunesse.
Compte tenu de certaines lourdeurs, ajoute-t-elle, dans le fonctionnement du CNJS, il est prévu des réformes. Son mandat sera renouvelé et sa subvention passe de 15 à 50 millions FCFA.
E. M. FAYE