Publié le 10 Feb 2022 - 21:49
RETOMBEES POLITIQUES ET SOCIALES DE LA VICTOIRE DES LIONS

Un air de détente !

 

Menacé jusque dans les flancs de son parti avec des velléités de rébellion qui couvent jusque dans son ‘’titre foncier’’ du Fouta, le président de la République, Macky Sall, peut profiter du répit occasionné par la victoire des Lions à la Coupe d’Afrique des nations.

 

C’était impensable, il y a quelques jours. On venait juste de sortir des élections territoriales, âprement disputées le 23 janvier 2022, en pleine Coupe d’Afrique des nations. Chaque camp criait victoire. Aucun n’avait véritablement tort. Sur bien des localités, l’atmosphère restait encore un peu tendue, avec des recours à n’en plus finir, des manipulations de résultats venant de toutes parts. Et puis est arrivée la qualification en finale des Lions de la Teranga, ensuite leur victoire historique face à l’Egypte. Et l’on ne parle plus que de l’équipe nationale. C’est le temps de l’unité. Même les adversaires les plus farouches se sont vus contraints de taire leurs divergences.

Pour Moussa Diakhaté, responsable à Bokk Gis Gis, cet évènement exceptionnel est tout simplement une belle occasion de se remobiliser autour de l’intérêt national. Il déclare : ‘’Il faut savoir que le Sénégal est au-dessus de nous tous. Il y a des moments où les gens doivent se retrouver pour discuter, s’entendre sur certaines questions qui transcendent nos clivages et nos positions. A mon avis, des évènements comme celui que nous sommes en train de vivre sont là pour nous le rappeler. Il nous faut les saisir pour assoir davantage cette unité nationale qui fait la fierté de notre peuple.’’

En tout cas, voilà presque une semaine - depuis la demi-finale - que le pays bat au rythme de l’équipe nationale et de ses brillantes victoires. Toutes les couleurs sont ainsi rangées. Les seules qui vaillent, c’est le vert, le jaune et le rouge. Rarement, la notion de citoyenneté et d’unité n’ont été aussi mises en avant dans la société sénégalaise. Elles l’ont davantage été à l’occasion de l’accueil populaire des héros de la nation.

Saisissant, en effet, cette opportunité, le président Sall invite toutes les obédiences de la classe politique pour fêter ensemble ce qu’il dit considérer comme une victoire du peuple. L’opposition saisit la balle au bond et répond à l’appel, d’abord à Léopold Sédar Senghor, ensuite lors de la remise des décorations au palais de la République. Présenté comme l’un des plus farouches opposants au régime, le nouveau maire élu de Dakar, Barthélemy Dias, n’avait pas manqué de saluer et de magnifier cet élan d’unité. Il invitait tout de même l’Etat central et les collectivités territoriales à travailler ensemble pour offrir aux populations davantage d’infrastructures sportives.

Pour une fois, tous les leaders politiques ou presque ont parlé le même langage. Rarement, l’unité nationale n’a été aussi exaltée, surtout dans le champ politique. Et personne ne semble vouloir briser cette dynamique. Quitte même à donner des airs d’hypocrisie ou d’opportunisme politique parfois. Mais à en croire l’ancien ministre des Affaires étrangères et député à l’Assemblée nationale Cheikh Tidiane Gadio, il ne faut surtout pas penser à de l’hypocrisie. Il disait au salon d’honneur de l’aéroport militaire : ‘’Ici, il n’y a pas d’hypocrisie. Les gens croient en ce qu’ils disent. Nous prions que ça aille de l’avant pour l’intérêt du Sénégal. J’ai l’habitude de dire que nous avons une richesse immense qu’il faut préserver. Cela ne doit pas être le fait d’un jour, grâce à une victoire de l’équipe nationale, cela doit se vérifier tous les jours.’’ Pour Gadio, les hommes politiques passent, le Sénégal demeure. Il faut donc œuvrer pour préserver la concorde nationale. A ce propos, il estime que les footballeurs leur ont administré une belle leçon. 

Troisième mandat, plus grand adversaire de l’unité nationale

Mais jusqu’à quand va encore durer cet élan d’unité nationale qui prévaut actuellement dans le landerneau politique ? Rien n’est moins sûr. A l’instar de Cheikh Tidiane Gadio, l’ancien président du Sénat, Pape Diop, Président de Bokk Gis Gis, estime qu’il faut réfléchir sur des modalités de s’entendre sur des sujets d’intérêt national. ‘’Le Sénégal, dit-il, nous appartient tous. On ne peut le partager. Tous les leaders sont là et ont pu montrer que nos personnes ne comptent pas. Ce qui compte, c’est le Sénégal. Aujourd’hui, c’est le football qui rassemble tout le monde. Mais demain, nous devons réfléchir sur quelque chose qui va rassembler tous les Sénégalais, pour l’intérêt de nos populations. Je pense que c’est le plus important.’’

Mais que doit-on entendre par cette recommandation du leader de Bokk Gis Gis ? Que comprendre par ‘’au-delà du football, il faut réfléchir sur quelque chose qui va rassembler tout le monde ?’’. Son poulain Moussa Diakhaté précise : ‘’Cela veut tout simplement dire qu’il y a des questions qui transcendent les clivages et sur lesquels nous devons tous nous entendre. Je peux citer par exemple : la souveraineté nationale, la situation de nos Jambaars et sur bien d’autres questions qui nous interpellent tous. Si tant est que nous sommes mus par cette volonté de défendre l’intérêt national, on peut ne pas être d’accord sur la manière de conduire certains projets, mais nous devons nous retrouver autour de l’essentiel’’.

La politique, selon le jeune leader, c’est des visions, des convictions... Il n’y a pas de place pour l’insolence ou la violence. ‘’Le débat doit surtout être hissé au niveau programmatique, au niveau des idées. Malheureusement, souvent, c’est des invectives, des insultes, de la violence, de l’arrogance… C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles j’ai toujours dit qu’il faut que ceux qui se ressemblent s’assemblent. Si nous arrivons à avoir deux ou trois blocs, les gens s’élèveraient et on discuterait plus des idées et des programmes. C’est la conviction que j’ai toujours défendue’’.

Il faut relever que cet élan d’unité intervient également dans un contexte très chargé sur le plan politique. Alors qu’on n’a pas fini d’analyser les résultats des élections territoriales passées, alors que les Législatives prévues en juillet se profilent à l’horizon, alors qu’on s’attendait que la tension monte d’un cran au niveau des états-majors, voilà que la victoire des Lions est venue jeter encore plus d’incertitudes sur les perspectives politiques des uns et des autres. Et la formation d’un nouveau gouvernement avec le retour du poste de Premier ministre n’est pas pour faciliter les choses. D’ailleurs, très prompts à commenter cette actualité politico-sportive, les leaders que nous avons joints restent muets comme des carpes sur la question du futur gouvernement, de peur de voir leurs propos être interprétés dans un sens ou dans un autre, et au risque de voir les coalitions voler en mille morceaux.

Du côté de Yewwi Askan Wi, des leaders que nous avons joints pour avoir leur position sur un possible gouvernement d’ouverture évitent aussi la question.

Pendant ce temps, le président de la République, Macky Sall, lui, peut remercier la Can de lui avoir offert un petit moment de répit, au moment où la principale force de l’opposition Yaw semblait requinquée par sa percée indéniable effectuée lors des dernières joutes électorales. Ayant toujours ‘’juré’’ de réduire l’opposition à sa plus faible expression, on peut s’attendre à ce qu’il profite du vent très favorable pour renforcer encore sa majorité, en affaiblissant davantage le camp d’en face, en vue d’aller aux Législatives sous de meilleurs auspices.

Par ailleurs, il faut également relever que le plus grand adversaire de cette unité nationale imposée par la victoire des Lions à la Coupe d’Afrique des nations, reste cette question du troisième mandat. Maintenant que le fichier semble susciter moins de polémiques, avec les dernières élections territoriales qui ont permis la victoire de l’opposition dans localités.

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