Publié le 12 May 2025 - 14:48
Sénégal

Un Peuple, Deux Théâtres, Zéro Perspective

 

Nous prenons une fois de plus la plume pour exprimer notre préoccupation, dénoncer et alerter sur la situation critique que traversent nos deux institutions culturelles phares: le Théâtre National Daniel Sorano et le Grand Théâtre Doudou Ndiaye Rose. Leur seul point commun actuel semble être l'appellation de "Théâtre", tant leur réalité s'en éloigne.

Ces deux structures emblématiques souffrent de maux profonds : manque de vision et d'orientations claires, défauts de gestion persistants, politisation des actions entreprises, ignorance de leurs missions originelles et incapacité de management manifeste. Loin de tout esprit de confrontation ou d'acharnement, cette démarche est guidée par un devoir de vigilance et une inquiétude partagée par de nombreux acteurs du milieu culturel sénégalais.

Conçues initialement comme bien plus que de simples salles de spectacles ou d'événementiel, ces institutions devaient être de véritables phares culturels. Elles étaient destinées à promouvoir les arts vivants, en particulier le théâtre, et à devenir des espaces d'échanges artistiques féconds entre le Sénégal, l'Afrique et le reste du monde.

Aujourd'hui, la trajectoire actuelle de ces institutions nous alarme vivement. Le Théâtre Sorano, tout comme le Grand Théâtre, se sont dangereusement détournés de leurs missions fondatrices. L'objectif n'était pas seulement de doter le Sénégal d'infrastructures de qualité, modernes et prestigieuses, mais bien de créer un terreau fertile où la créativité sénégalaise et africaine, dans toute sa diversité, pourrait s'épanouir et rayonner. Malheureusement, nous assistons à une dérive préoccupante.

Ces institutions se réduisent de plus en plus à de simples vitrines pour des événements commerciaux, reléguant au second plan leur vocation première : soutenir et promouvoir activement les arts vivants, avec une emphase particulière sur le théâtre. Le théâtre, cet art essentiel qui raconte nos histoires, nos luttes et nos rêves, semble inexorablement marginalisé. La gestion actuelle privilégie une promotion des responsables au détriment d'une création artistique authentique et originale.

Il est impératif de rappeler que le Grand Théâtre a été pensé comme un foyer vibrant pour la création théâtrale et les arts vivants. Il devait offrir aux artistes sénégalais et africains un espace d'expression, de développement et de diffusion privilégié pour leurs œuvres. Quant au Théâtre Sorano, avec sa troupe dramatique, son ballet et son Ensemble Lyrique, il incarne une part essentielle du patrimoine culturel sénégalais. Or, force est de constater que ces valeurs sont aujourd'hui gravement compromises. Le théâtre et les autres disciplines artistiques n'occupent plus la place qu'ils méritent, mettant en péril une composante vitale de notre héritage artistique.

La question de la pertinence d'avoir deux théâtres de 1200 et 1800 places dans une même ville, à proximité l'un de l'autre, mérite d'être posée.

Le cas spécifique du Théâtre Sorano est particulièrement éloquent. Depuis des années, Sorano a perdu son prestige d'antan. Autrefois lieu privilégié des personnalités importantes, ses troupes accompagnaient régulièrement le Président-poète lors de ses tournées internationales. Aujourd'hui, son état actuel est méconnaissable. Sorano est devenu un théâtre où le théâtre est absent, victime d'une gestion désastreuse. À titre d'exemple, la Troupe Nationale Dramatique ne compte plus que cinq comédiens. Un audit de cette institution est urgent pour clarifier l'utilisation des ressources. Sorano dispose d'acteurs, d'une administration et d'une salle dont les recettes de location ne bénéficient plus au trésor public. Paradoxalement, malgré ces atouts, Sorano ne produit plus.

À l'instar du Directeur Général du Grand Théâtre, celui de Sorano semble dépassé par la tâche, et les raisons de cette situation sont éclairantes. L'actuel Directeur Général de Sorano était un proche de l'ancien Ministre de la Culture, Mbagnick Ndiaye, qui l'a propulsé à ce poste principalement en raison de leur collaboration antérieure à la mairie de Fatick. Pire encore, Mbagnick Ndiaye aurait demandé à un ancien Directeur Général de Sorano, sur le point de prendre sa retraite, de favoriser la promotion de l'actuel DG, assurant ainsi le maintien en poste du directeur sortant. Avec le JUB, JËËL, JUBANTI, de telles pratiques doivent cesser définitivement.

Entre 2021 et 2023, le Président Macky Sall a injecté un milliard cinq cents millions de francs CFA pour la rénovation de Sorano. La lumière doit impérativement être faite sur l'utilisation de cette manne financière, car elle n'a visiblement pas permis au théâtre de retrouver son essor.

Au Grand Théâtre, les décisions prises sont souvent inopportunes, insensées et dénuées de sens. Ajoutons à cela des opérations douteuses, tel le faux prix prétendument remporté à Abidjan, qui constitue un MENSONGE D'ÉTAT et porte un coup fatal à la crédibilité du PROJET.

Les autorités sont-elles réellement informées de ce qui se passe au sein de ces deux institutions ? Le mal est profond et ne se limite pas à une simple question de compétences individuelles. Il ne suffit pas de confier des responsabilités ; il est crucial de s'assurer de la bonne exécution des missions assignées.

Le Grand Théâtre et Sorano ont un besoin urgent de professionnels compétents, capables de les extirper du gouffre dans lequel ils s'enfoncent. Confier les rênes de l'équipe de football du Barça à Usain Bolt, aussi brillant soit-il en athlétisme, serait une aberration.

Un homme averti en vaut deux.

 

Papa Meissa Gueye

Comedien/Metteur en scene

Entrepreneur culturel

Acteur independant  engagé pour la culture

 

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