Marcus Miller et Lokua Kanza au summum de leur art
Il reste au moins 4 concerts avant la fin de la 25e session du Festival international de jazz de Saint-Louis. Mais il sera très difficile d’avoir un plateau aussi relevé que celui du mardi 25 coïncidant avec le deuxième jour de spectacles à la Place Faidherbe. Deux concertistes hors pair ont gratifié le public de belles notes de Jazz.
Qui disait donc que Marcus Miller est un grand artiste ? Il a dû manquer de vocabulaire pour s’en tenir à ce qualificatif. William Henry Marcus Miller Jr est phénoménal, majestueux, monumental… Cet homme a sûrement des doigts de fée. Les notes qui fusent de sa guitare sont magiques. Sa manière de jouer est également particulière. Par moment, on croit facilement qu’il est en pleine bataille avec sa basse insoumise. Il la caresse par moments ; parfois il la tapote. Dans les deux cas, il la dompte et sert aux férus de jazz des accents truculents. Ses notes de Jazz pénètrent même les âmes les plus insensibles et excitent celles qui possèdent une fibre musicale.
L’ancien secrétaire général du syndicat autonome des enseignants du Supérieur (Saes) Seydi Ababacar Ndiaye ne dira pas le contraire. Venu assister au show de cet artiste qui manie superbement basse, clarinette et saxophone soprano, l’enseignant a souvent crié de joie et même sauté. A la Place Faidherbe mardi soir, à l’occasion de la 25e édition du Festival international de jazz de Saint-Louis, il n’était pas le seul spectateur que la musique de l’auteur de ‘’Suddenly’’ (ndlr le 1er album solo de Miller sorti en 1983) a plongé dans un état second. Tous les festivaliers présents étaient émerveillés. Ceux qui connaissaient sa musique étaient enchantés de le voir sur scène. Ils ont vécu des moments intenses. Ceux qui ne la connaissaient pas ont fait une belle découverte et étaient béats.
Marcus Miller a fait oublier à ceux qui l’attendaient l’année dernière leur rendez-vous raté. C’est d’ailleurs peut-être pour se faire pardonner qu’il s’est facilement laissé convaincre par le public, à la fin du spectacle, pour jouer un dernier titre alors que le temps qui lui était imparti était fini. Après cela, il les a remerciés et leur a demandé s’ils étaient satisfaits. ‘’Oui !’’ ont-ils tous répondu. ‘’On en veut encore mais on sait que ce n’est plus possible. Même s’il passait toute la soirée à jouer pour nous, on n’en aurait pas assez de lui’’, a dit un touriste venu assister au concert.
En outre, une quinzaine de minutes après le concert, alors que Marcus n’était même plus à la Place Faidherbe, des concertistes étaient encore sur place à savourer leurs soirées. Ils chantaient pour eux-mêmes, dansaient encore et criaient tout seuls. Le compagnon de Miles Davis qui a d’ailleurs interprété ‘’Tutu’’ au cours de ce show, les a bien ensorcelés avec sa musique. Il a été aidé en cela par ses musiciens. Comme les superbes solos de son saxophoniste ou encore ceux de son batteur. Même si les solos en saxo de Marcus restent les meilleures et sont indicibles. C’était magique.
Le ‘’Bonheur’’ de Lokua Kanza
Les cris de ces fans de Miller et amoureux du jazz ressemblaient fort bien à ceux des fans de Lokua Kanza. Ils ont manifesté leur bonheur de voir leur idole sur scène au début de ce second plateau du Saint-Louis jazz 2017. Un public chaud que même le vent frais qui souffle sur la vieille ville n’a su refroidir. La mélancolie et la douceur des notes du chanteur congolais n’ont pas pu non plus les faire fléchir. Avec ‘’Nakozonga’’, il a dit bonsoir à tous ceux qui l’attendaient en général et la communauté congolaise en particulier. Avec une voix câline, à la limite indolente, il a bercé le public qu’il a plongé dans ‘’Bonheur’’. Un titre qu’il a composé en l’honneur d’un de ses amis qui, a-t-il confié, ne savait pas échanger. C’est-à-dire qu’il ne laissait rien transparaître de ses sentiments. Pourtant, est convaincu Lokua, un petit sourire peut changer beaucoup de choses chez l’autre.
Emmitouflé dans un boubou en basin bleu avec un jean assorti et des baskets, écharpe roulée autour du cou, il a offert une vraie ballade musicale. Avec des notes douces, il a entraîné le public vers des rythmes assez groove, dans la ferveur des soirées kinoises. Ce qui a eu le don de faire bouger quelques festivaliers qui ne se sont pas fait prier pour se trémousser. En sus, Lokua Kanza a su créer une certaine symbiose entre le public et lui. Entre deux chansons, en vrai patriarche, il discute un peu avec le public. En outre, le meilleur moment de son spectacle est sans nul doute l’instant ‘’Wapi yo’’. Une interprétation magistrale même si le chanteur reste convaincu que sa voix n’était pas au top avant-hier. D’ailleurs, il n’y a sûrement que lui qui l’a remarqué. ‘’Wapi yo’’ a marqué bien de spectateurs mardi alors que ce tube en demande beaucoup sur le plan vocal.
Assis sur une chaise, sa guitare sèche sur les cuisses, une lumière jaune sur lui, Lokua kanza nous a fait passer par toutes les émotions. Dans ce titre, il s’est fait ténor, alto et même baryton. Le tout aisément et au moment où l’on s’y attend le moins. Il a savamment tout orchestré, tout harmonisé. Ce qui donne une certaine classe à sa musique. Laquelle transparaît de tous ces titres, et particulièrement ce mardi dans ‘’On veut du soleil’’ (ndlr album Nkolo). Titre exquis.
Lokua Kanza comme Marcus Miller ont assuré leurs partitions. De bout en bout, le spectacle a été parfait malgré quelques problèmes techniques notés au début du spectacle du Kinois et un peu avant celui de Miller.
BIGUE BOB (envoyée spéciale à Saint-Louis)