Publié le 12 Nov 2020 - 22:50
SECTEUR DES PECHES

Le Sénégal à l’épreuve de la transparence

 

Comment mettre en place une gestion durable des pêches au Sénégal, par le biais de la transparence et de la participation multipartite ? Une question à laquelle des journalistes ont été sensibilisés hier, lors d’un atelier sur les standards de l’initiative Fiti (Initiative pour la transparence des pêches). 

 

Le secteur de la pêche suscite de plus en plus d’intérêt au Sénégal. Toutefois, les informations de base qui le concernent restent souvent hors du domaine public. Sur l’état des stocks halieutiques et des écosystèmes marins, les conditions liées aux autorisations de pêche, les accords de pêche signés entre les nations de pêche et les États côtiers ou encore la quantité de poissons prélevée dans l’océan, c’est le flou total.

Pour inverser la tendance, le Forum civil et le PRCM (Partenariat régional pour la conservation de la zone côtière et marine en Afrique de l’Ouest) ont organisé, hier, un atelier de sensibilisation sur les standards de l’initiative Fiti (Initiative pour la transparence des pêches). Un moyen d’outiller ces vecteurs de l’information sur les éléments dont le secteur de la pêche a besoin pour assoir une transparence et une gouvernance responsable des pêches. Dans un contexte de rareté des ressources, d’émigration clandestine, d’un besoin d’emplois de la jeunesse, ce secteur a beaucoup plus à offrir, s’il est mieux géré.    

Les standards Fiti sont le fruit d’une initiative unique complétant et soutenant d’autres efforts nationaux, régionaux et mondiaux dont l’objectif est de renforcer la transparence et la participation dans la gouvernance des pêches, pour une gestion plus durable des pêches maritimes.

Loin d’être un ‘’luxe’’ pour un pays comme le Sénégal, l’adhésion à une approche pareille constitue une nécessité, selon Ahmed Senhoury. ‘’Le secteur de la pêche est vital. Son importance mérite qu’il y ait de la transparence, encore plus que dans celui des industries extractives, vu les recettes que le gouvernement en tire et son apport sur la vie des populations’’, justifie le directeur exécutif du PRCM.

A titre comparatif, le secteur de la pêche a généré 241 milliards de francs CFA, en termes de recettes en 2014, contre 126 milliards pour le secteur des industries extractives. Pourtant, le Sénégal a adhéré à l’ITIE (Initiative pour la transparence dans les industries extractives du Sénégal) et tarde à le faire sur les standards de l’initiative Fiti.

Le président de la République doit poser d’autres actes pour concrétiser l’adhésion du Sénégal 

Pour changer cela, le coordonnateur du Forum civil invite le président de la République à concrétiser la volonté qu’il avait affichée à Nouakchott en 2016. Macky Sall avait publiquement déclaré sa volonté de faire adhérer le Sénégal à l’initiative Fiti. ‘’Cette sortie était certes importante, reconnait Birahime Seck, mais insuffisante, au vu des standards Fiti. Il doit poser d’autres actes pour concrétiser l’adhésion du Sénégal’’.

En effet, un pays doit remplir six étapes d’adhésion et soumettre une demande de candidature au Conseil d’administration international de la Fiti. Si le Sénégal en a rempli deux (déclaration publique de volonté d’adhésion du président de la République, un environnement propice à la participation des parties prenantes), quatre autres ne le sont toujours pas. Les deux plus importantes que l’initiative attend depuis deux ans, sont la désignation du ministère de tutelle de la Fiti et du haut responsable de la Fiti. Raison pour laquelle Birahime Seck invite le ministère des Pêches et de l’Economie maritime à travailler en ce sens, ‘’mais également le président de la République à poursuivre les actes qu’il a posés pour terminer ce processus’’.

L’intérêt d’intégrer ces normes de transparence sont multiples et concernent toutes les parties prenantes. En rendant la gestion des pêches plus transparente et plus inclusive, la Fiti génère des bénéfices et permet de s’attaquer à d’autres enjeux qui concernent tous les acteurs du secteur de la pêche. Cela, par la contribution à la sécurité alimentaire et à la nutrition ainsi qu’à la stabilité sociale. Mais également en aidant à assurer la durabilité des écosystèmes marins et en soutenant la lutte contre la corruption et la pêche illégale non déclarée et non réglementée.

Les Sénégalais invités à s’approprier la lutte pour la transparence dans les pêches

La publication de toutes les informations sur la pêche sénégalaise permettra, par exemple, d’identifier des politiques contradictoires du gouvernement (subventions de moteurs de pirogue en même temps effectuer des efforts de limitation de la pression sur la ressource). Cela permettra aussi de connaître les débarquements exacts sur les quantités pêchées dans les eaux sénégalaises et celles dans les eaux d’autres pays de la sous-région. Ainsi, l’accroissement des prises ou leur chute pourrait être établie scientifiquement.

D’autres enjeux concernent la propriété effective des navires industriels déclarés, les destinataires de subventions, etc.

Autant de points qui amènent le coordonnateur du Forum civil à inviter les Sénégalais à s’approprier le combat de la transparence dans le secteur de la pêche, comme cela avait été fait pour le pétrole. ‘’L’exploitation du pétrole emploiera, selon les estimations, 500 personnes. La pêche fait vivre des millions de Sénégalais, entre les activités créées dans la chaine. Nous invitons l’ensemble des acteurs de la pêche et les populations à savoir que l’intérêt de la pêche est dans la transparence : celle dans l’accès et la diffusion de l’information sur la ressource, dans les bateaux qui pêchent dans les eaux sénégalaises, dans la ressource humaine, le matériel, etc.’’, conseille Birahime Seck.

Représentant du ministère des Pêches et de l’Economie maritime, Mamadou Habib Diagne s’est réjoui de l’organisation de cet atelier. Pour le 1er conseiller technique du ministre, son département ‘’suit particulièrement l’ensemble des initiatives qui lui permettent de faciliter l’administration de ce secteur, car il est primordial pour le Sénégal’’.

Seulement, ses explications sur la raréfaction de la ressource se fondent sur la migration des poissons vers les pôles, les changements climatiques, les marées noires, les catastrophes naturelles, entre autres éléments à prendre en compte.

LAMINE DIOUF

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