Les chiffres d’un secteur en quête de renouveau

Le ministre de l'Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l'Innovation a évoqué, avant-hier, plusieurs thématiques liées à son secteur : bourses, enseignements universitaires, infrastructures, BAC, etc. Toutes ces thématiques seront discutées lors des concertations sur le secteur.
« Un étudiant coûte 1 178 742 FCFA à l’État » (2024), a indiqué, ce mardi, le ministre de l'Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l'Innovation. Dr Abdourahmane Diouf a fait face à la presse pour se prononcer sur les enjeux liés au secteur, annonçant la tenue de concertations ou assises. D'après lui, ce même étudiant, sur les dépenses sociales, fait débourser à l’État 636 040 FCFA. « Il coûte plus cher à l’État du Sénégal sur le plan social que sur le plan pédagogique », indique le ministre, soulignant que le côté pédagogique est plus important.
84 milliards 440 millions 850 mille 960 FCFA de bourses par année
Sur la question des bourses, renseigne le ministre, il y a 153 334 boursiers dont 2 330 dans le privé. Au-delà des bourses, il y en a qui ont des allocations (aides). Globalement, le taux d'allocation est de 70 %. Ainsi, pour les bourses nationales, l’État paie 76 894 401 700 FCFA par an. Pour les boursiers à l'étranger, l’État débourse 7 546 850 559 FCFA. L'addition des deux sommes donne 84 440 850 960 FCFA de bourses par année. Selon Abdourahmane Diouf, si l'État du Sénégal applique dans toute sa rigueur le décret qui définit les critères pour obtenir une bourse, on passerait de 83 milliards à 42 milliards. Par ailleurs, un enseignant encadre 50 étudiants. Au même moment, il y a 6 000 vacataires.
Par rapport aux infrastructures, dans les universités, il y a des chantiers qui ne sont pas terminés. D'où la grève des étudiants à Saint-Louis, Thiès, à Ziguinchor. Il s'est voulu rassurant quant à leur finalisation.
Au sujet des résultats du BAC de cette année, ils sont très mitigés. Le taux est de 42,85 % alors que l’on se plaignait des 50 % de l'année dernière. Une différence entre 79 000 et 78 000 admis. « Un étudiant moyen passe avec 10/20. Même si vous avez 9,50/20, je crois, on vous repêche. Quand le résultat de l'examen n'est pas bon, il faut se poser des questions sur un certain nombre de choses. Dans un système qui fonctionne normalement, un étudiant moyen passe », indique Dr Abdourahmane Diouf.
Il constate que presque chaque année, au premier tour, le résultat est entre 24 % et 23 %. « Le premier tour, ce sont ceux qui ont 10/20 de moyenne qui passent. Cela veut dire que moi, un professeur, je mets en place un dispositif pendant toute l'année. Je fais un examen, il n'y en a que deux qui ont plus que 10/20. Cela veut dire qu'il y a un problème du système », déplore-t-il. Dr Abdourahmane Diouf souligne qu’à travers les concertations à venir, il faudra réfléchir sur ce système pour qu’il n’y ait pas que deux étudiants qui comprennent les cours. Il s’agira de réfléchir à un plan de réforme pour plus d'efficience.
Innovation sur les orientations
En avril 2024, lorsque l’actuel ministre venait de s’installer, les orientations des bacheliers de 2023 venaient d'être terminées au mois de janvier. Ceux qui ont eu le bac en juillet étaient orientés au mois de janvier. « Nous sommes les premiers à le voir. Il faut qu'on règle ce problème d'orientation. Dans un pays normal, quand les élèves ont le bac, dans un délai record, on doit pouvoir les orienter », a-t-il déclaré, soulignant que non seulement ils sont orientés tardivement, mais aussi que l'année académique tarde à démarrer. Le ministre note que d’avril jusqu'en juillet 2024, il y a des étudiants qui commençaient le premier jour de cours : Bac juillet 2023 ; premier jour de cours juillet 2024. Une année d’attente.
Par ailleurs, Dr Abdourahmane Diouf entend mettre en place une stratégie pour régler ce problème des orientations. Il précise que l’année dernière, dès son arrivée, un dispositif a été mis en place permettant d’orienter tous les nouveaux bacheliers demandeurs mi-septembre. « Le bac se termine le 15 juillet. Mi-septembre, on a déjà orienté tout le monde en deux mois alors que ça se faisait en six mois minimum. Avec 71 456 bacheliers, nous avons orienté tous les bacheliers sénégalais qui l'ont demandé », a affirmé M. Diouf, qui compte faire mieux.
Aujourd'hui, les élèves de Terminale s’inscrivent sur la plateforme Campusen et choisissent leur orientation avant même la date de l’examen. « Jusqu'au dernier jour de l'orientation, par un simple clic, l'étudiant a toujours la possibilité de changer sa demande. Ainsi, un étudiant qui a fait une demande au mois de mai peut la modifier au mois de juin. Après l’obtention du bac, sur la base de ses notes, il peut encore, jusqu'à la fin du mois, ajuster sa demande », a détaillé le ministre.
Dans les 45 jours suivant mi-juillet, tous les étudiants sénégalais ayant obtenu le bac cette année et l’ayant demandé seront orientés, selon le ministre. Celui-ci révèle que l’année académique au Sénégal coûte 40 milliards par an à l’État. « Depuis notre arrivée, nous avons introduit une innovation majeure », a-t-il souligné. En effet, le ministère des Forces armées assure désormais l'acheminement des épreuves du bac sur tout le territoire national. « Auparavant, cela se faisait avec les voitures “War gaidé” », a rappelé le ministre. « Depuis les indépendances, cela fonctionnait ainsi », a-t-il commenté, mettant en avant cette nouveauté.
Dr Abdourahmane Diouf souligne que le Sénégal ne forme que 800 ingénieurs par an. Il préconise une réforme pour que les meilleurs élèves issus des classes préparatoires restent au Sénégal.
L’offre de formation n'est pas suffisamment connue au Sénégal, selon le ministre. C’est pourquoi l’Univers-Salon a été créé en partenariat avec le Cices. Cette initiative permet aux nouveaux bacheliers de s’immerger dans le monde universitaire. « Nous avons constaté des étudiants solliciter des filières méconnues 24 heures auparavant », a illustré Dr Abdourahmane Diouf, citant cette innovation parmi d’autres.
Un hub d’universités
Avec 297 établissements privés recensés, le pays affiche une dynamique éducative remarquable. « La bonne nouvelle, c'est que le Sénégal est désormais le hub de l'enseignement supérieur en Afrique noire francophone », se félicite le Dr Abdourahmane Diouf, conscient des enjeux stratégiques. « Ceux qui partaient en France ou au Maroc viennent majoritairement ici maintenant. Une avancée majeure pour notre diplomatie universitaire », appuie-t-il, tout en insistant sur le nécessaire contrôle étatique de la qualité.
Le ministre dénonce un paradoxe inacceptable : « Un parent investit dans la formation de son enfant pendant trois ans, pour se voir ensuite dire que le diplôme n'est pas reconnu. Cette garantie relève de la responsabilité de l'État. » Tout en tempérant : « Cela ne signifie pas que l'ensemble du secteur privé est défaillant. La grande majorité de ces universités respectent nos critères. »
Pour les récalcitrantes, une approche pragmatique a été adoptée. « Ces investissements (souvent sénégalais) génèrent des emplois. Fermer brutalement pénaliserait étudiants et promoteurs », explique le ministre, révélant que 86 établissements restent sous surveillance. « Nous tendons la main à ceux qui tardent à se conformer. »
L'Agenda national de transformation (2025-2030) prévoit des concertations historiques pour consolider le système. « Seules deux grandes consultations ont eu lieu depuis l'indépendance : en 1994 et 2013 », rappelle le ministre. Un comité pluridisciplinaire supervisera des commissions techniques dont les propositions seront soumises à la présidence. « L'objectif ? Produire des réformes opérationnelles et inclusives », précise-t-il, évoquant un calendrier serré.
BABACAR SY SEYE