Au Grand bal du désordre et du spectacle
C’est à croire que tout Dakar s’était donné rendez-vous au Grand bal de Youssou Ndour. Mais des gens venus faire la fête et qui avaient déjà payé leurs tickets étaient obligés de rebrousser chemin, car n’ayant pu accéder au Cices, lieu du spectacle. Et ceux qui ont pu le faire ont souffert. Mais à l’arrivée, le show a été assuré par le roi du Mbalax et son orchestre.
Une longue file de voitures, du rond-point principal du quartier Nord-Ford à celui de la Cité Sipres. Un embouteillage monstre sur la voie de dégagement nord (VDN) de 22h à 4h du matin. Des embouteillages, il y en avait aussi sur la voierie. Ceux qui avaient pris des taxis en sont descendus pour marcher. You a vraiment ‘’fermé’’ la VDN comme il l’avait promis. Une foule immense a répondu à l’appel du roi incontestable du ‘’mbalax’’. Ce qui a rendu difficile voire impossible l’accès au lieu du spectacle. Tous tenaient quand même à y être, ticket à la main. Certains ont carrément défoncé les barrières de sécurité, à leurs risques et périls, pour entrer. D’autres ont escaladé les murs. On ne faisait plus la différence entre hommes et femmes, grandes dames et demoiselles, grands messieurs et ‘’bad boys’’, détenteurs de tickets Vip et de tickets simples. Tous s’y sont mis.
Les préposés à la sécurité étaient débordés. Ils n’ont rien pu faire pour contenir la meute qui était devant eux. Personne ne pouvait retenir la foule. Ainsi a commencé une série de bousculades, de disputes, de bagarres, etc. Face à cette situation, d’aucuns ont préféré rentrer chez eux, très déçus et très en colère. ‘’Je préfère revendre mon ticket et rentrer, c’est trop ça. Je ne pense même pas continuer. J’avais même du mal à ressortir du Cices’’, dit un spectateur sur un ton dépité.
Certains sont rentrés en revendant leurs billets. Des tickets de 10 000 F Cfa revendus à 15 000 F et des billets de 20 000 F Cfa cédés entre 25 000 et 30 000 F. Ceux qui achetaient à cette heure-là étaient véritablement courageux et sont des inconditionnels de You. Ils avaient en fait espoir que la foule se disperse pour qu’ils fassent leur entrée. ‘’J’ai revendu mon ticket à 15 000 ; là, je vais à la soirée de Wally Seck. Si ce n’est pas Jean, c’est Paul. C’est l’ambiance qui compte pour moi’’, dit une jeune fille sur un ton taquin. Elle n’a pas été la seule d’ailleurs car beaucoup de personnes ont quitté le Cices pour aller se défouler ailleurs.
‘’Yousou Ndour doit éviter ce genre de situations. Ce n’est pas la première fois qu’il organise son grand bal. Il savait bien que tout le monde n’allait pas y accéder. Il a vendu des milliers de tickets tout en étant conscient que l’espace aménagé était trop petit pour accueillir tout le monde. Ceux qui n’ont pas pu y accéder et qui ont leurs tickets sont beaucoup plus nombreux que ceux qui étaient déjà à l’intérieur‘’, rouspète Oumy Cissé accompagné de ses deux sœurs. ‘’Il n’a qu’à changer de lieu pour la tenue du Grand bal. Il peut le faire au stade mais pas à ici’’, fulmine une spectatrice désespérée. Mais de l’avis de Ndèye Awa Guèye, il est impensable de faire le Grand bal au stade car c’est trop grand et il y a certaines personnes qui ne pourront pas y aller. Ce qu’il devrait faire, c’est plutôt limiter le nombre de billets mis en vente. C’est mieux que de nous faire vivre cette situation. Ce n’est pas intéressant en fin de compte’’, a-t-elle suggéré.
Pour s’excuser du désagrément causé ou pour se racheter, Youssou Ndour donne rendez-vous à ses aficionados samedi prochain au même lieu pour un autre Grand bal. Comme pour dire à ceux qui ont raté la soirée du 1er janvier qu’ils auront le temps de se rattraper. ‘’Ce n’est pas pour rien qu’il propose de jouer samedi prochain. Comment peut-on acheter un billet à 10 000 F CFA ou à 20 000F CFA, se sacrifier pour venir et qu’on te dise que c’est plein. Rien que pour notre sécurité, on ne va pas entrer avec cette bousculade’’, dit un fan sur un air désolant.
Show assuré
Ceux qui ont pu accéder à l’espace où se tenait le concert ne l’ont pas regretté. Car le chanteur et par ailleurs ministre conseiller a assuré du début à la fin de la soirée, comme à ses habitudes, aux côtés de son jumeau Mbaye Dièye Faye. ‘’Birima’’, ‘’Amitié’’, ‘’Africa’’, ‘’Song Daan’’, ‘’Ndakarou’’, ‘’Xadialo’’, ‘’Money money’’, ‘’I love you’’, ‘’Mbeuguel’’, entre autres chansons résonnaient dans tout le Cices. Youssou Ndour était en pleine forme. Le public a aussi dansé sur les rythmes endiablés du Super étoile. ‘’Malgré la souffrance que j’ai endurée aujourd’hui, je serai encore là si c’est à refaire. Je suis un mélomane. J’ai assisté à beaucoup de concerts d’artistes ici au Sénégal mais ce que j’ai vu aujourd’hui, je ne l’ai jamais vu. Et malgré tout ce monde qui est là, chacun se défoule à sa façon et c’est comme si Youssou Ndour ne chantait que pour toi. C’est extraordinaire’’, nous dit un spectateur sur un ton sérieux. Lui fait partie des chanceux. Il était non loin de la scène. Ceux qui étaient derrière n’ont pu faire la fête comme lui. De la désolation ou du dégoût se lisait sur bien de visages. En effet, au moment où certains se laissaient aller sur la scène, d’autres ruminaient leur colère. Toutes les personnes qui étaient derrière, un peu loin de la scène, n’ont pu voir ni le spectacle ni profiter des écrans géants qui étaient placés dans certains coins du Cices.
La ‘’bonne affaire’’ des vendeurs de sandales et des voleurs Sapées comme jamais et hautes comme des girafes en arrivant ce 1er janvier au Grand Bal de Youssou Ndour, bien des femmes sont sorties du Cices avec des centimètres en moins. Il s’agit de celles qui ont oublié que des ballerines sont plus confortables lors d’évènements de ce genre. Certaines d’entre elles ont perdu un talon avant même d’accéder à l’esplanade du Cices où se tenait le premier grand spectacle de 2017. D’autres étaient fatiguées de voir leurs pieds pétris par leurs chaussures. Elles ont alors vite oublié leurs fioritures. La coquetterie, elles n’en avaient cure. Elles ont commencé à enlever leurs chaussures. Mais marcher pieds nus n’est ni sain ni sûr. Heureusement qu’il y avait des vendeurs de sandales à côté. Des tapettes chèrement payées. La bonne affaire pour les businessmen. Profitant de la détresse de ces jeunes filles, ils leur ont vendu des sandales coûtant habituellement 500 F à 1 500 F Cfa ou même 2 000 F CFA. D’autres que la bousculade et le nombre incalculable de personnes présentes au Cices ont ravi, ce sont les voleurs. Les téléphones portables et les porte-monnaies ne leur suffisaient plus. Ils repéraient les filles qui portaient des perruques et cheveux naturels pour les agresser. Il fallait voir le spectacle. Les perruques volaient comme par magie et des cris de détresse fusaient de partout. On passait de miss monde à la reine des moches en une fraction de secondes. Mais le Grand Bal de Youssou Ndour vaut bien plus qu’une messe. |
HABIBATOU WAGNE