L’appel de Sérécounda, en Gambie !

Au-delà du vibrant hommage rendu à la femme rurale pour sa contribution dans l’économie locale et le développement communautaire, c’est un véritable appel au retour aux bonnes pratiques agricoles paysannes et au consommer local, ponctué de cris de cœur et de plaidoyers que les Associations des Femmes Rurales (AFR), leaders et membres du Mouvement Nous Sommes la Solution (NSS) de la Gambie, de la Guinée-Bissau et du Sénégal, ont lancé les 15 et 16 octobre 2024, à Sérécounda en Gambie, à l’occasion de la célébration de la Journée Internationale de la Femme Rurale (JIFR) et de la Journée Mondiale de l’Alimentation (JMA).
Après Ngaye Mekhé dans le département de Tivaouane (Sénégal) l’année dernière, c’est sous un soleil de plomb que se sont ouvertes et célébrées, conjointement à Sérécounda, la Journée Internationale de la Femme Rurale (JIFR) et la Journée Mondiale de l’Alimentation (JMA). En présence des autorités locales, administratives et gouvernementales de la Gambie, mais également de près de 600 participants, constitués principalement de femmes des Associations de Femmes Rurales (AFR) de la Gambie, de la Guinée-Bissau et du Sénégal.
Exposition-vente de productions locales, dégustation de plats préparés à base de produits agroécologiques et communications (panels) ont rythmé ces moments forts d'échanges et de sensibilisation sur la contribution, combien importante, de la femme paysanne dans la production et la promotion des produits alimentaires locaux et du consommer local.
Portée par le mouvement panafricain des femmes rurales - Nous Sommes la Solution (NSS) avec le soutien technique de l'ONG Fahamu Africa, la tenue combinée de ces deux événements est un rendez-vous annuel, une occasion pour les femmes rurales de la Sénégambie méridionale de rendre un hommage mérité à la femme rurale, de l'encourager et « de démontrer la place centrale qu'elle occupe dans le développement communautaire ». Un rôle qui, malheureusement, « est très peu valorisé », regrette Mariama Sonko, la présidente de Nous Sommes la Solution.
Au-delà de l’hommage à la femme rurale, NSS veut, à travers l’organisation de ces journées, porter un plaidoyer auprès des autorités locales, administratives et gouvernementales des trois pays pour que l’agroécologie paysanne soit non l’exception mais la règle dans les différentes politiques agricoles, condition sine qua non, selon NSS, pour l’atteinte de la souveraineté alimentaire en Afrique. « Oui, je dirai que c’est possible avec les femmes rurales, car le savoir et le savoir-faire paysan qui sous-tendent l’agroécologie nous permettent de retrouver notre patrimoine nourricier et notre sécurité alimentaire tout en préservant l’environnement », a soutenu Madame Sonko.
À l’en croire, les femmes rurales constituent des actrices incontournables en matière de production, de valorisation des produits locaux et de sécurisation alimentaire des ménages. Gardiennes de l’environnement et de la biodiversité, elles ont très vite appris à faire face et à s’adapter aux changements climatiques, en pratiquant une agriculture durable parce qu’en harmonie avec la nature, en optant pour des semences résistantes (paysannes) à la sécheresse, en employant des techniques écologiques de gestion des terres, entre autres.
La présidente de NSS demeure convaincue que la solution à la souveraineté alimentaire de l’Afrique ne viendra pas d’ailleurs mais des Africains eux-mêmes, qui se doivent de nourrir l’Afrique par le biais de systèmes de production paysans adaptés, respectueux de l’environnement et soucieux de la santé de la population africaine et de leur cadre de vie.
Les choix douteux des gouvernants
Cependant, elle regrette que malgré les efforts consentis dans la sensibilisation et le plaidoyer, nos gouvernants ont toujours opté pour des choix qui conduisent à la dépendance : dépendance en intrants agricoles, dépendance alimentaire qui prend en otage le consommateur et le citoyen vis-à-vis des produits importés faits de produits chimiques et d’Organismes Génétiquement Modifiés (OGM), dont l’une des conséquences maintenant connue est l’apparition de maladies « dites nouvelles », jadis méconnues en Afrique.
« Les femmes rurales cultivent une bonne nourriture pour toutes et tous » et le « droit aux aliments au service d’une vie et d’un avenir meilleurs » sont les thèmes respectifs de cette édition 2024 de la célébration de la Journée Internationale de la Femme Rurale et de la Journée Mondiale de l’Alimentation, à Sérécounda. « Notre objectif en venant en Gambie est de parler aux autorités mais également à la population locale pour qu’elle sache qu’elle a la possibilité de se faire nourrir, si nous exploitons bien nos terres, si nous utilisons nos ressources locales, si nous valorisons nos produits », a déclaré Mamadou Danfakha, le chargé de programme à Fahamu Africa, le partenaire technique du mouvement panafricain Nous Sommes la Solution.
Il estime, tirant le bilan de la rencontre, que la présence des autorités gambiennes (ministère de l’Agriculture, ministère de la Femme, présidence de la République) témoigne de l’intérêt qu’elles accordent à l’organisation de ces journées. « Fort heureusement, le gouvernement gambien a dit tout son engagement à accompagner les femmes en leur octroyant des terres cultivables, en les accompagnant dans le processus de production, de transformation et de valorisation des produits locaux », a relevé M. Danfakha, par ailleurs coordonnateur de NSS.
Pour rappel, le mouvement panafricain Nous Sommes la Solution ambitionne de construire une Afrique où, dans la solidarité, les femmes rurales impliquées dans la prise de décision, cultivent, transforment, consomment et vendent les produits des associations de femmes tout en préservant l'environnement en vue d'un développement durable. Le mouvement vise trois objectifs : la promotion des bonnes pratiques et savoir-faire agricoles connus et transmis pendant des générations en Afrique, qui ont longtemps préservé la sécurité alimentaire.
HUBERT SAGNA (ZIGUINCHOR, envoyé spécial)