Publié le 5 Feb 2013 - 22:07
TECHNIQUES D'INSÉMINATION ARTIFICIELLE

Les bébés éprouvettes arrivent au Sénégal !

 

C'est une révolution médicale silencieuse qui a pris son élan depuis 2007 dans notre pays. Aujourd'hui, pour peu qu'ils en aient les moyens financiers, qu'ils s'astreignent à quelques sacrifices sur leur confort personnel et avec un brin de baraka, avoir un bébé par insémination artificielle est désormais du domaine du possible grâce au recours à des techniques aussi nouvelles que pointues. De fait, les bébés éprouvettes ont fait leur entrée dans l'univers de la famille sénégalaise moderne et ont cessé d'être l'apanage des Occidentaux. Des Sénégalais qui ont tenté et réussi l’expérience racontent à EnQuête les péripéties de leurs aventures après des années de galère, de solitude et, souvent, de découragement.

 

«Derrière chaque combat, il y a une victoire, il suffit juste d’y croire.» Ces paroles d’Aminata Fall (nom d’emprunt), une jeune cadre d’une trentaine d’années, ne sont pas que des vains mots. Elles sont le résumé d'un combat personnel qu'elle a mené et gagné, selon elle. Femme rendue infertile par la nature, elle a fini par savourer les délices de la maternité après plusieurs années de vie de couple stressantes et presque dévalorisantes, dans son entendement.

 

Aminata Fall, une femme stérile

 

«Pendant des années, j’étais là à me poser des questions sur les raisons pour lesquelles je n’arrivais pas à avoir un enfant, puis un autre, puis encore un autre... J’étais jalouse de ces femmes qui tenaient leur bébé dans leurs bras ! Je suis allée jusqu’en France pour y suivre un traitement. Sans succès. Les multiples tentatives se sont avérées vaines. Je me devais de me rendre à l'évidence : j’avais les trompes bouchées, donc je ne pouvais enfanter.» Les résultats des analyses médicales successives n’ont jamais dissipé ses peines. La sentence tombait, chaque fois, tel un couperet. Mais Aminata, soutenue par ses proches, et surtout par sa belle famille, n'a jamais désespéré. «Ma belle mère priait toujours pour moi et m’offrait des concoctions à cet effet. Grâce au soutien moral et affectif de tous, j’avais toutes les raisons de ne pas stresser.» Toutefois, il y a des moments où elle était forcément seule. «Je n’avais personne à qui communiquer ma détresse, dans ces moments de solitude. Car j’avoue que j’étais dans une totale solitude.»

 

Par miracle, l’espoir allait venir d'une de ses amies qui l'a mise en contact avec un certain Dr. Rokhaya Thiam Ba. Une gynécologue qui, disait-on, offrait aux femmes atteintes de stérilité et d'infertilité des chances de pouvoir enfanter. «C’était en 2009. J’ai suivi les conseils de cette amie, sachant qu'une autre gynécologue française qui me consultait à Paris m’avait déjà parlé du Dr Bâ.» Cette rencontre allait changer sa vie.

«Dès les premiers jours, elle m’a rassurée, c’est une femme forte... Mais il me fallait convaincre mon mari car lui aussi devait subir des tests sur son sperme. C’est au couple de suivre le traitement...» . En 2010, Aminata tente l’expérience du bébé éprouvette. Les inséminations artificielles lui sont faites. Elle est tenue de prendre une injection chaque jour, pendant deux mois, au travers d'un calendrier contraignant : des analyses médicales onéreuses tous les trois jours, un rendez-vous hebdomadaire dans un cabinet de la place chaque dimanche. «Ce jour était quasi-sacré pour moi, mais j’étais obligée de faire ce sacrifice.»

 

En novembre 2010, après deux mois de traitement, Aminata tombe enceinte. Un bonheur fou l'envahit, supérieur au million de francs Cfa qu'elle a dû débourser pour acheter les ordonnances prescrites. Mais comblée de sentir un bébé lui lancer enfin des bourrades. Un jour, une grosse alerte l'émeut alors que sa grossesse suit son cours normal. «Lors d’un voyage à Paris, j’ai été victime d’une secousse, j’ai saigné abondamment. Mais par la grâce de Dieu je n’ai pas perdu le bébé. Un mois après, de retour à Dakar, j’ai vu mes règles suite à une petite chute.» Plus de peur que de mal ! Par la suite, la grossesse s'est déroulée normalement, sans nausées, ni vomissements. Et en fin de compte, un accouchement sans douleur. «J’ai accouché par césarienne d’une mignonne fille qui était le fruit d’un marathon mais aussi le fruit de notre semence, mon mari et moi.»

 

Aujourd'hui «femme épanouie» et «maman comblée», Aminata ne cesse de couvrir de câlins sa petite fille qui a déjà bouclé deux bougies. A l’en croire, rien ne différencie son bébé éprouvette des autres bébés. «Elle est juste précoce et intelligente, elle est un cadeau divin, j’essaie de la couvrir au maximum de ma chaleur, assure-t-elle. Il m’arrive de la déshabiller et de la porter sur moi, tant je l’adore.» Des projets ? Aminata dit en avoir, du même genre. «Je compte faire un autre bébé dans un an, s’il plaît à Dieu.»

Mais comme d’autres avant elle, elle garde jalousement le secret : mis à part son mari, personne ne sait que sa fille est née suite à une insémination…

 

Modou Gaye, un homme infertile

 

Le nom est d'emprunt. Comme Aminata, Modou est lui aussi un cadre contraint de porter le manteau opaque de la confidentialité sur le parcours ayant conduit à la naissance de son garçon. Il venait de fêter plus de 6 ans de mariage. Il y a dix mois, il a pu célébrer, avec fastes, la naissance de son bébé...éprouvette.

Quand il en parle, ses yeux luisent d’un éclat qui traduit un bonheur d'être papa... à nouveau. «J’étais étudiant il y a une vingtaine d’années et j'avais pourtant eu un garçon. Par la suite, je me suis marié tardivement avec une femme qui a eu des enfants de son précédent mariage. C'est avec elle que je me suis rendu compte de mon infertilité, une résultante d’une infection que plusieurs opérations chirurgicales n’ont pu guérir.» Dans son couple, Modou et sa compagne font le choix de la raison. «On a essayé de vivre cette expérience de manière positive…»

 

Son trait de caractère dominant : une confiance qui frise l’arrogance, aux yeux de son entourage. Du coup, l’infertilité n’a jamais été un fardeau pour lui-même s’il a été habité au fil des ans par une forte envie de satisfaire un désir de son épouse. «Elle souhaitait tellement porter mon bébé !» An de grâce 2010, le déclic. «Je venais de faire la connaissance du Dr. Rokhaya Thiam Bâ par le biais du laboratoire où elle exerçait et où j’effectuais une analyse sur la qualité de mon sperme suite à une opération chirurgicale. Grâce à la dextérité et à la rigueur de cette dame, ma femme a pu mettre au monde un garçon. C'était un vendredi.» Le mal dont il souffrait et qui bloquait tout ? «J’avais des varicocèles bilatérales, les canaux étaient bouchés, ils ont pu me les enlever.» Ses phrases sont entrecoupées par des mots de gratitude envers Allah qui, dit-il, lui a également donné les moyens financiers de subir cette opération. Un regard étincelant jaillit de ses yeux quand il conte cette «merveilleuse expérience».

 

Malgré tout, Modou Gaye, tout heureux d'être parvenu à redevenir père d'un bébé, garde encore en travers de la gorge une pratique indispensable dont dépendait le succès de l'opération. «La seule chose que j’ai regrettée durant cette expérience, c’est le fait qu’on m'ait exigé de me masturber jusqu’à éjaculation. Car c’est sur la base du prélèvement de mon sperme qu’ils ont effectué ce travail. Ils l’ont mis dans une éprouvette et attendu que mon épouse soit en période d’ovulation pour le lui injecter.» Aujourd’hui, son fils a 10 mois alors que le papa a dépassé la cinquantaine. «L’enfant est mon portrait craché, il a pris tous mes traits, dit-il avec fierté. Ce qui est normal vu qu’ils choisissent lors de cette insémination, les meilleurs spermatozoïdes. On peut s’attendre à ce que ces bébés deviennent des génies. Mon garçon est si calme, avec un tel caractère…»

 

MATEL BOCOUM

 

 

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