Publié le 9 Oct 2012 - 10:47
TENTATIVE DE SUICIDE

Quand la veuve refuse ''l’immolation'' de sa maison

 

Un litre d’essence a failli réduire en cendre Safiétou Ndiaye, en conflit avec la banque CBAO qu’elle accuse de spoliation.

 

10h 30mn, hier devant le siège de la Raddho (Rencontre africaine pour la défense des droits de l’Homme). Les commentaires vont bon train sur la tentative d’immolation de Safiétou Ndiaye. Le mur d’entrée noirci témoigne de l’ampleur du drame qui a pu être évité, grâce à la diligence des passants. Ils ont éteint les flammes dans lesquelles voulait se jeter la femme après s’être déshabillée.

 

Accueillie à l’intérieur du siège, Safiétou Ndiaye, la cinquantaine, veuve et mère de trois enfants, se remet de ses émotions. Le teint noir, la dame, drapée de son boubou traditionnel, vocifère contre la CBAO qu’elle accuse de l’avoir ''spoliée''. D’une voix cassée, un peu teintée d’émotion, elle raconte son différend avec la banque. «Tout ce que je veux, c’est récupérer ma maison de 3 étages qui a été illégalement saisie par la banque, à cause d’un prêt de 14 millions, pour 36 mois. J’ai demandé un prêt pour terminer les travaux sur le bâtiment. Mais, après avoir remboursée 2 millions, j’ai été obligée de me rendre aux États-Unis, où j’ai vécu 25 ans, pour me soigner. À mon retour au Sénégal, la banque a déclaré que le prêt s’étendait sur une échéance de 12 mois et à cause du retard dans le paiement, la maison a été vendue à 25 millions'', explique-t-elle.

 

Les incohérences du dossier

 

Nous sommes dans le bureau d'Omar Diallo, chargé de la protection au sein de l’ONG qui suit le dossier de Mme Safiétou Ndiaye, depuis sa première tentative d’immolation, il y a deux ans. ''Nous avons tenté un dialogue avec la banque, mais elle est restée sourde à nos requêtes de conciliation. Elle est bien décidée à poursuivre la procédure judiciaire, puisque durant le mois du Ramadan, le juge des référés de Dakar a émis un jugement d’expulsion à l’encontre de Mme Ndiaye», déclare Monsieur Omar Diallo. «Une injonction qu’elle n’a jamais reçue puisqu’elle réside toujours à la maison», ajoute-t-il. Pour dénoncer les incohérences du dossier, Mme Ndiaye tire d’un vieux classeur un document d’expertise de la valeur de la maison commandé par la Banque, qui estimait la maison de 3 étages à ''103 millions''. Ses lunettes blanches laissent transparaître des yeux brillants d’amertume et de colère, face à ce qu’elle considère comme ''une escroquerie de la banque''. ''Pendant que je cherchais des agences immobilières pour trouver des locataires, afin de rembourser le prêt, la banque m’appelle pour me dire qu’elle a déjà mis en vente la maison'', fulmine-t-elle.

 

Ainsi, ni la saisie d’avocats célèbres, comme maître El Hadj Diouf, qu’elle affirme avoir rémunéré à hauteur d’un million, ni les correspondances adressées au ministre de la Justice, datant du 27 septembre 2012, n’ont réussi à faire reculer la banque, déclare Madame Safiétou Ndiaye qui réclame la justice des hommes, car, dit-elle, la justice de Dieu s’est déjà manifestée. ''Les locataires du nouveau propriétaire Abdou Guèye (Directeur de l’Agrophytex), conscients de mon préjudice, ont préféré quitter la maison'', révèle-t-elle.

 

Intimidations et menaces

 

Pour Omar Diallo, le combat de Safiétou ne doit pas seulement être l’apanage de la Raddho, qui s’est saisie du dossier pour réparer ''l'injustice dont est victime Safiétou». Il lance un appel aux autorités et aux bonnes volontés pour rétablir Madame Ndiaye dans ses droits. Elle se dit victime d’intimidations et de menaces au téléphone depuis le début de cette histoire. Les tentatives pour joindre la CBAO et Monsieur Abdou Guèye sont restées vaines.

 

Mamadou Makhfouse NGOM

 

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