Publié le 20 Aug 2024 - 20:40
TERRORISME  

La menace s’approche de plus en plus 

 

Le 18 août 2024, la localité de Melgué, située dans la région de Kayes, a été le théâtre d'une attaque meurtrière perpétrée par la Katiba Macina, une faction du Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (JNIM). Cet assaut, qui a couté la vie à quatre soldats maliens, illustre la montée en puissance du groupe terroriste dans cette zone stratégique et relève les défis sécuritaires auxquels sont confrontés non seulement le Mali, mais aussi le Sénégal. Les récentes offensives djihadistes dans cette région soulignent la nécessité d'une réponse coordonnée et renforcée de la part des gouvernements et de leurs partenaires internationaux pour contrer la menace terroriste.

 

Le 18 août 2024, à l'aube, un poste avancé de l'armée malienne (Fama) situé à Melgué, dans la région de Kayes, a été la cible d'une attaque coordonnée par des combattants de la Katiba Macina, une faction du Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (JNIM). Cette localité, à proximité des frontières avec la Mauritanie et le Sénégal, a une nouvelle fois été le théâtre de violences extrémistes, soulignant la persistance de l'insécurité dans cette zone.

L'assaut, mené aux environs de 6 h, s'est soldé par la mort de quatre soldats maliens. Les assaillants ont également emporté plusieurs armes lourdes, des munitions et au moins cinq véhicules militaires. Un terroriste a été neutralisé lors de l'affrontement.

Peu après l'attaque, le JNIM a revendiqué la responsabilité et a diffusé des images de l'opération, mettant en avant leur butin et leur contrôle temporaire du site.

Cet incident n'est pas le premier du genre dans cette région. Le même poste avait été attaqué par la Katiba Macina en février dernier, occasionnant la mort de trois soldats et en blessant deux autres. Ces événements récents illustrent la montée en puissance du JNIM, qui continue de défier les forces de sécurité maliennes et leurs partenaires internationaux.

Parallèlement, le JNIM a également revendiqué une embuscade au Burkina Faso, près de Tougan, où ils affirment avoir tué 11 soldats. Le groupe a également mené une attaque contre les forces maliennes et les mercenaires russes de Wagner vers Yorosso, au nord-est de la région de Sikasso, soulignant ainsi leurs capacités à opérer sur plusieurs fronts simultanément.

Dans un communiqué, le groupe terroriste a appelé à la suspension des activités de toutes les organisations internationales dans l'État de Tombouctou, à l'exception de la Croix-Rouge internationale et de Médecins sans Frontières, témoignant de leur intention d'intensifier leur campagne de terreur dans la région.

Ousmane Dao : ‘’Aucun pays ne peut se permettre de se croire à l'abri…’’

Ces événements inquiétants soulignent la nécessité pour le gouvernement malien et ses partenaires internationaux de renforcer leurs efforts pour contrer la menace croissante que représente le JNIM.

Selon le chercheur malien Ousmane Dao, les activités terroristes pourraient connaître une recrudescence, en particulier dans les pays déjà confrontés à une grande insécurité, tels que le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Il est impératif que ces pays ajoutent de la valeur à leur alliance régionale pour faire face à cette menace, tout en demeurant coopératifs avec d'autres États, stratégiquement importants, afin de bâtir des partenariats solides dans la lutte contre les ennemis de la paix et du développement.

L'attaque de Melgué, proche de la frontière sénégalaise, démontre qu'aucun pays ne peut se permettre de se croire à l'abri ou de rester indifférent aux difficultés rencontrées par ses voisins. Melgué, située à seulement 67 km de Kidira, au Sénégal, est un rappel poignant de la menace tangible à laquelle le pays est confronté.

Pour faire face à cette menace, les autorités sénégalaises ont depuis longtemps renforcé les zones frontalières avec le Mali, le long de leurs 419 km de frontières communes. En juin 2024, selon un article d'’’Afrique Intelligence’’, l'État-major général des forces armées sénégalaises a sollicité environ 10 millions d'euros de l'Union européenne pour financer une douzaine de projets de sécurité y compris l'acquisition de drones de reconnaissance. Le général Mbaye Cissé a souligné l'importance de cette aide pour contrer les menaces des groupes armés maliens. Toutefois, ces mesures de sécurité n'ont pas été sans controverse. L'unité Garsi, financée par l'UE et destinée à lutter contre ces menaces, a été critiquée pour son utilisation lors de la répression de manifestations politiques internes, notamment celles organisées par l'opposant Ousmane Sonko.

La région de Kédougou demeure particulièrement exposée, en raison de son exploitation aurifère. Malgré ses richesses naturelles, Kédougou est la deuxième région la plus pauvre du pays, avec un taux de pauvreté de 61,9 %, selon les dernières études publiées cette année par l’Agence nationale de la statistique et de la démographie. L'exploitation minière y attire une diversité de plus de 20 nationalités, ce qui rend la région vulnérable non seulement aux tensions socioéconomiques, mais aussi aux incursions transfrontalières. La porosité des frontières dans cette zone constitue une menace majeure, accentuant les risques d'infiltration par des groupes armés et autres acteurs malveillants.

Un financement de l’UE avait permis de renforcer le contrôle le long de la frontière avec notamment l’acquisition de drones de reconnaissance

Jusqu'à présent épargné par les attentats qui ont frappé ses voisins, le Sénégal a néanmoins subi plusieurs incursions djihadistes sur son territoire. En 2021, quatre personnes liées à la Katiba Macina ont été arrêtées à Kidira, un rappel inquiétant de la présence croissante de groupes islamistes radicaux dans le pays. Un rapport des Nations Unies de la même année soulignait l'implantation de ces éléments le long de la route de Kayes, à Kaffrine, à Bakel et dans la zone d'extraction aurifère de Saraya.

Pour Amadou Moctar Ann, chercheur en géopolitique, ces développements reflètent un contexte régional complexe où le Sénégal et le Mali suivent des orientations stratégiques divergentes. Cette situation exacerbe les défis géopolitiques, économiques, sociaux et sécuritaires pour Dakar, qui se trouve dans une position délicate, devant jongler entre ses relations avec ses partenaires occidentaux traditionnels et la coopération avec ses voisins sahéliens pour faire face à la menace djihadiste.

Amadou Moctar Ann : ‘’La proximité des attaques, notamment celle de Melgué, pourrait inciter Dakar à renforcer sa présence militaire.’’

La proximité des attaques, notamment celle de Melgué, pourrait inciter Dakar à renforcer sa présence militaire dans ses régions frontalières orientales. La marine sénégalaise, déjà active sur la Falémé, mène des patrouilles régulières pour surveiller et protéger cette frontière naturelle avec le Mali. L'armée et la gendarmerie sénégalaises sont également mobilisées pour prévenir toute incursion terroriste. Le 27 décembre 2022, le président Macky Sall avait inauguré le Groupe d'action rapide de surveillance et d'intervention (Garsi) de Goudiri, une unité spécialisée qui joue un rôle clé dans la sécurisation des zones frontalières.

L'insécurité croissante dans la région sahélienne risque de perturber les échanges commerciaux transfrontaliers, cruciaux pour l'économie des régions orientales sénégalaises. Déjà, le commerce intrazone au sein de l'UEMOA représente moins de 18 % du total des échanges en 2023. Si la situation sécuritaire se détériore, le Sénégal pourrait être contraint d'allouer davantage de ressources à la sécurisation de ses frontières, au détriment d'autres investissements nécessaires au développement national.

Amadou Moctar Ann suggère que le Sénégal doit adapter sa stratégie de défense nationale face à ce contexte. Une approche holistique combinant renforcement des capacités militaires, développement socioéconomique des zones frontalières et coopération régionale renforcée est cruciale pour protéger le pays contre toute infiltration terroriste et assurer sa stabilité à long terme.

Pour rappel, en avril 2020, la ville de Kita, située non loin de Melgué, avait également été frappée par des violences similaires. À cette occasion, un poste de gendarmerie et un poste de douane avaient été attaqués presque simultanément, entraînant la mort de deux agents des forces de l'ordre.

Amadou Camara Gueye

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