Le bilan ''macabre'' de l'Assemblée nationale sortante
Après 5 ans de mandature, la onzième législature expire le 30 juin avec l'organisation des élections législatives du 1er juillet 2012. Mais en attendant ce moment décisif, EnQuête revient sur le bilan de cette assemblée jugé plus que mitigé.
La onzième législature aura été marquée par des temps forts, difficiles à effacer de la mémoire politique collective des citoyens sénégalais. De la loi avortée qui voulait imposer un ticket présidentiel à celle instituant la parité, en passant par le projet de loi sur la vice-présidence, les appréciations sont partagées. Mais s'accordent toutes sur un constat : c'est un bilan mitigé. Selon le député libéral El Hadj Wack Ly, «outre les lois plus ou moins positives, cette Assemblée sortante a voté des lois jugées par les populations comme scélérates, qui ont même écorné l'image des parlementaires». À titre de preuves, le député de Nioro rappelle «ces modifications intempestives de la Constitution, le projet de loi sur la vice-présidence, le ticket présidentiel ou plutôt le quart débloquant, etc.». Dans la foulée, Wack Ly a également un mauvais souvenir à propos «de la modification de la durée du mandat du président de l'Assemblée nationale pour éjecter Macky Sall du perchoir, de la loi sur l'exclusion des députés Mbaye Ndiaye et Moustapha Cissé Lô» pour délit de proximité avec l'actuel chef de l'Etat, etc.
''Chambre d'enregistrement''
Pour sa part, Abdoulaye Babou met à l'actif de cette Assemblée le refus par la Commission des lois dont il est le président sortant, de voter le projet de loi qui voulait réformer la législation sur le blanchiment des capitaux. «Si le gouvernement avait fait passer ce projet de loi, aujourd'hui il n'y aurait pas d'audit et ce serait grave», se réjouit Me Babou. Il y a aussi la loi sur la parité qui classe, d'après lui, le Sénégal aux côtés des grands pays de démocratie comme la France qui a aujourd'hui un gouvernement paritaire.
Entre les deux parlementaires libéraux, un arbitre, le président d'Amnesty international Sénégal. Seydi Gassama parle de bilan mi-figue mi-raisin. «D'un point de vue des droits humains, l'Assemblée nationale a pris de bonnes mesures en ratifiant certains textes, en votant des lois pour renforcer certains droits comme l'abolition de la peine de mort et la ratification du protocole sur la Convention contre la torture qui a permis de mettre en place l'Observatoire des lieux de privation de libertés.»
Mais en ce qui concerne la démocratie, il y a vraiment à dire et à redire dans la mesure où, selon lui, ont été faites des «modifications inopportunes de la constitution», des «modifications unilatérales du Code électoral» où l'opposition n'a pas été consultée pour trouver un consensus politique. «On a voté des lois comme une chambre d'enregistrement pour servir les intérêts de Wade et du Pds'', persifle Gassama.
''Impunité renforcée''
Avec une majorité mécanique de 133 députés sur les 150, le régime libéral avait le loisir de faire passer toutes les lois qu'il souhaitait, mais aussi de bloquer tous les autres projets qui le dérangeaient. Ce fut le cas avec le nouveau Code de la presse, le refus systématique du président de l'Assemblée nationale, Mamadou Seck, de constituer la Haute cour de justice compétente pour juger Farba Senghor dans le saccage des journaux l'As et 24H Chrono. En ce sens, note Seydi Gassama, les députés de la législature finissante ont «contribué à leur manière à renforcer l'impunité au Sénégal».
Et pour que cela ne se répète plus jamais dans l'histoire parlementaire du Sénégal, Seydi Gassama, Wacky Ly et Abdoulaye Babou souhaitent, ensemble, que la prochaine Assemblée nationale qui sera la première de l'ère post-Wade, soit une institution équilibrée dans laquelle des députés de qualité seront élus, qui mettront en avant l'intérêt du Sénégal et des Sénégalais, plutôt que des considérations partisanes.
ASSANE MBAYE