Unité égarée : L'échec des coalitions de l'opposition
Les élections législatives du 17 novembre 2024 au Sénégal ont révélé des fissures profondes au sein des coalitions de l'opposition qui, malgré leurs efforts pour s'unir, n'ont pas réussi à convaincre un électorat en quête de changement. L'intercoalition composée de Takku Wallu Sénégal, Jàmm ak Njariñ et "Sàmm sa Kaddu a été confrontée à des conflits internes significatifs qui ont entravé son efficacité et sa cohésion.
Dans un contexte où le parti au pouvoir dirigé par le président Ousmane Sonko a remporté plus de 130 sièges sur 165, consolidant ainsi le mandat du chef de l’État Bassirou Diomaye Faye pour mettre en œuvre des réformes économiques et sociales, l'opposition n'a récolté qu'une trentaine de sièges. Ce revers souligne non seulement l'échec stratégique des coalitions, mais aussi la nécessité d'une réévaluation de leur approche pour regagner la confiance des électeurs désillusionnés.
Les électeurs sénégalais ont exprimé plusieurs critiques envers les coalitions de l'opposition lors des élections législatives, révélant un sentiment de déception face à leur performance.
Pour beaucoup de membres de l’opposition, ces joutes ont révélé une défaillance significative dans la stratégie de l'opposition qui n'a pas su séduire les électeurs, malgré la formation tardive d'une intercoalition regroupant trois grandes coalitions : Takku Wallu Sénégal, Jàmm ak Njariñ et Sàmm sa Kaddu.
Le parti de la majorité (Pastef) a capitalisé sur une base électorale solide, avec environ sept millions d'électeurs mobilisés pour choisir leurs députés. La victoire écrasante a permis au binôme Sonko et Diomaye de renforcer son autorité pour initier les réformes attendues par la population. Mais elle expose aussi les manquements d’une opposition en quête de repères dans une reconfiguration totale du paysage politique.
Les failles de l'intercoalition
Selon plusieurs observateurs, l'une des principales leçons tirées de ce scrutin est l'échec de l'intercoalition, qui n'a pas réussi à s'imposer comme une alternative crédible au pouvoir en place. Les observateurs politiques soulignent que la mise en place tardive de cette coalition a été un facteur déterminant dans son incapacité à mobiliser les électeurs.
Contrairement aux précédentes élections de 2022 où une coalition similaire avait permis à l'opposition de remporter un nombre significatif de sièges, cette fois-ci, les divisions internes et le manque d'unité ont affaibli sa position.
En 2022, l'intercoalition Yewwi-Wallu avait réussi à s'organiser efficacement, ce qui lui avait permis d'obtenir presque autant de députés que la majorité présidentielle. Cependant, le paysage politique a changé, avec l'émergence de nouvelles coalitions et des dissensions internes qui ont entravé la formation d'une stratégie cohérente pour les élections de dimanche dernier.
L'une des raisons majeures et le fait que chaque coalition a adopté une approche distincte quant à la manière de se présenter aux élections. Takku Wallu Sénégal a misé sur une mobilisation forte de ses bases traditionnelles, cherchant à capitaliser sur son image d'opposition radicale. Par ailleurs, le cavalier solitaire de certains candidats qui ont un certain électorat stable a aussi joué sur la balance. La candidature des maires tels que Maguette Sène de Malicounda, Cheikh Issa Sall de Mbour, Abdou Karim Sall de Mbao et originaire du département de Kanel, Moustapha Diop de Louga et Racine Sy de Podor ont fragilisé cette coalition politique qui venait de naitre.
Alors que celle de Jàmm ak Njariñ, qui a investi dans un plus grand nombre de départements, a tenté d'étendre son influence en se concentrant sur les circonscriptions stratégiques, mais cela a conduit à des tensions avec les autres coalitions sur le partage des voix. Le choix tardif de laisser certaines zones comme Dakar, Mbacké, Pikine, Thiès et Mbour n’a pas eu d’écho favorable chez les électeurs. Cette stratégie de dernière minute a tout chamboulé.
Enfin, Sàmm sa Kaddu, quant à elle, a choisi de se concentrer sur un nombre limité de départements, ce qui a été perçu comme une stratégie risquée, renonçant ainsi à une part significative de sièges potentiels, relèvent des membres de l’opposition. À titre d’exemple, la coalition du maire de Dakar n’a investi que dans 16 départements, soit 37 sièges potentiels sur les 112 à pourvoir dans les listes majoritaires. En déposant leur liste, les leaders de cette coalition ont donc renoncé d’emblée à 75 sièges.
Rivalités internes et ambitions personnelles
Un autre aspect non négligeable est aussi à retenir dans ce revers des leaders de l’opposition. Les rivalités entre les leaders des différentes coalitions ont exacerbé les tensions. Des personnalités influentes au sein de Takku Wallu et Jàmm ak Njariñ ont exprimé des ambitions personnelles qui ont entravé la création d'une liste commune. Cette situation a été aggravée par des dissidences locales où certains maires et figures politiques ont choisi de se présenter indépendamment, fragmentant davantage le vote.
La coalition Samm sa Kaddu a également souffert d'un manque de soutien dans certains départements, ce qui a limité son impact électoral et a créé des ressentiments parmi ses membres.
Parallèlement, de nombreux électeurs ont souligné l'absence d'une campagne de sensibilisation efficace pour expliquer l'importance de voter pour l’intercoalition. Les efforts pour mobiliser les partisans autour d'une stratégie commune ont été jugés insuffisants, laissant les électeurs confus quant à la meilleure façon de voter.
En outre, ces coalitions se sont heurtées à des défis logistiques majeurs, notamment le manque de temps pour établir des listes communes et la nécessité d'attirer des électeurs dans des départements où leur présence était faible.
De plus, le fait que chaque coalition ait présenté ses propres listes dans plusieurs départements a conduit à une fragmentation du vote.
L'échec des intercoalitions pose la question d'une réévaluation stratégique pour l'opposition. Pour espérer un succès futur, il serait primordial pour eux de développer une approche unifiée et proactive, capable de mobiliser un électorat désillusionné. Les leaders devront également travailler sur leur image et leur capacité à communiquer efficacement leurs propositions aux électeurs.
AMADOU CAMARA GUEYE