Un danger lucratif
Le Conseil économique, social et environnemental a consacré sa plénière d’hier à la problématique de ‘’l’accès équitable aux médicaments et de lutte contre les faux médicaments au Sénégal’’. Il ressort des débats que le trafic de faux médicaments est devenu un business très lucratif et plus dangereux que la drogue, pour la population.
Les faux médicaments sont devenus un vrai business au Sénégal. Ce phénomène, qui impacte considérablement la santé de la population, inquiète au plus haut niveau les autorités. C’est en ce sens que le Conseil économique, social et environnemental (Cese) a consacré sa session plénière d’hier à la question.
Le panel qui avait comme thème ‘’Accès équitable aux médicaments et lutte contre les faux médicaments au Sénégal’’, a été animé par le directeur de la Pharmacie et du Médicament et la directrice de la Pharmacie nationale d’approvisionnement (PNA). ‘’La vente de faux médicaments est un trafic très lucratif. Et bien que ces faux médicaments soient plus dangereux pour la santé que la drogue, les peines des trafiquants sont moins sévères que celles des dealers. Ce paradoxe explique bien la complexité de ce phénomène. Les trafiquants de médicaments sont souvent condamnés à des peines de 2 mois de prison. C'est pourquoi, à leur sortie, ils retournent continuer leurs actions’’, regrette le Pr. Yérim Mbagnick Diop.
Ce dernier indique que l’Etat subventionne annuellement 300 à 400 millions F CFA pour faciliter l’accès à certains médicaments comme l’insuline aux populations.
Mais pour un accès plus équitable des soins, le Pr. Diop propose de généraliser la couverture sanitaire et de travailler sur la production locale. Il faut également, estime-t-il, penser à la délocalisation des dépôts dans certaines zones du pays.
La directrice de la Pharmacie nationale d'approvisionnement a abondé dans le même sens. Pour le Dr Annette Seck Ndiaye, ‘’l’accès aux soins de santé et aux médicaments est un droit fondamental. L’Etat est donc obligé de faciliter aux populations l’accès aux soins. Les médicaments essentiels doivent être disponibles et accessibles à tous’’. Et pour résoudre le problème de l’accessibilité des médicaments, le Dr Seck demande l’allégement des procédures longues et très contraignantes de passation de marchés utilisées par la PNA pour acquérir les produits de santé. ‘’Ces procédures peuvent s’étaler sur 6, voire 9 mois. C’est-à-dire, il faut parfois au minimum 120 jours pour obtenir les médicaments après commande’’, se désole-t-elle.
En outre, alors que le conseiller Amadou Kane réclame la présence de la Pharmacie nationale d'approvisionnement dans toutes les régions pour que certaines localités n’aient pas des difficultés à trouver des médicaments, la directrice de la PNA précise que tous les médicaments que l’on trouve sur le marché ne sont pas distribués par la pharmacie nationale. Certains sont gérés directement par des privés.
Ainsi, pour arriver à bout des ruptures de médicaments et de la vente illicite de médicaments, le Dr Annette Seck Ndiaye propose la fabrication locale comme solution. ‘’L’industrie pharmaceutique n’est pas suffisamment dynamique au Sénégal. Il faut savoir que 90 % des produits sont importés. Et la pandémie nous a permis de savoir que si on ne travaille pas pour avoir une industrie pharmaceutique performante, nous risquons d’avoir des problèmes. Certaines entreprises ferment leurs portes du jour au lendemain. C’est le cas aujourd’hui de Médis. En plus, on perd aussi beaucoup de devises avec l’achat des médicaments à l’étranger. C’est pourquoi nous devons investir dans de petites unités de fabrication de médicaments, comme on le fait actuellement avec les masques’’, estime-t-elle.
C’est aussi l’avis du conseiller Cheikh Ngaïdo Ba. Pour ce dernier, au-delà de la sensibilisation, il fait une brigade de lutte contre les faux médicaments ou criminaliser la vente de faux médicaments. ‘’Il nous faut une autonomie dans le domaine des médicaments, car tant que nous dépendons de l’extérieur, nous risquons d’avoir des problèmes. La période de pandémie nous a ouvert les yeux en ce sens. Il faut, dans nos recommandations, insister sur la réouverture de la seule entreprise de fabrication de médicaments, Médis, qui est fermée actuellement’’, plaide-t-il.
Outre le problème des faux médicaments, certains conseillers ont interpelé les panelistes sur la cherté des produits pharmaceutiques. ‘’La source de tous les maux au niveau de la santé, c’est la cherté des médicaments. C’est ce qui pousse d’ailleurs certains de faire recours aux faux médicaments. Donc, il faut tout faire pour permettre aux populations d’avoir accès aux médicaments et à moindres coûts’’, s’indigne la conseillère Marie Pinto Sène.
ABBA BA