La maladie de Chavez favorise les défections
Depuis juin 2011, le cancer du président vénézuélien Hugo Chavez l'oblige à s'absenter de longues périodes de Caracas pour se faire soigner à Cuba. Au-delà des interrogations sur la succession éventuelle du leader bolivarien, cette vacance du pouvoir provoque affrontements et règlements de comptes dans les sphères les plus hautes de l'État vénézuélien. La parole se libère et les accusations fusent. Le flot de «révélations» s'est amplifié ces dernières semaines sur les liens entre la haute hiérarchie militaire et le trafic de drogue.
Les accusations les plus graves ont été exprimées par le général Aponte Aponte dans un entretien à SoyTV, une chaîne américaine de Miami la semaine dernière. Il y décrit un réseau mafieux de hauts gradés de l'armée vénézuélienne qui aurait participé au trafic de cocaïne en provenance de la guérilla colombienne des Farc (Forces armées révolutionnaires de Colombie). Compagnon de route de la première heure de Hugo Chavez, il déclare avoir toujours été «plus fidèle à la révolution qu'à la Constitution», même quand il était juge militaire puis membre de la Cour suprême de justice, poste dont il a été démis par le Parlement le 20 mars dernier, pour ces liens avec le trafiquant de drogue Walid Makled. Incarcéré au Venezuela depuis son extradition de Colombie en juin 2011, ce dernier l'accusait d'avoir aidé les trafiquants.
Lors de son arrestation en Colombie en 2010, Makled avait été retrouvé avec une carte du procureur militaire signée Aponte. Il distille depuis les révélations sur la haute hiérarchie de l'armée colombienne dans le cadre de ses auditions devant la justice vénézuélienne. Destitué, le général Aponte Aponte a, depuis lors, fui le Venezuela sur une barque de pêcheur au début du mois dernier. Arrivé sur l'île d'Aruba, il a pris un avion pour le Costa Rica où il a été pris en charge par la DEA (Direction de la lutte antidrogue américaine). Depuis longtemps, les agences spécialisées de l'ONU accusent le Venezuela d'être un point de passage essentiel pour l'exportation de la drogue produite par la guérilla colombienne. La moitié de la cocaïne consommée en Europe transiterait par le Venezuela, selon l'Agence des Nations unies contre les drogues.
De la cocaïne dans une caserne militaire
Aponte Aponte décrit une justice aux ordres du pouvoir exécutif, qui s'évertue à protéger les hiérarques liés au trafic de drogue. «Tous les vendredis matin, une réunion est organisée à la vice-présidence avec le président du Tribunal suprême de justice, le procureur général, la présidence de l'Assemblée nationale», détaille Aponte. Lors de ces réunions, le pouvoir exécutif, le plus souvent représenté par le vice-président Elias Jaua, donnerait ses consignes à la justice pour épargner les proches du pouvoir et accabler les opposants.
Aponte évoque notamment la découverte de plusieurs centaines de kilos de cocaïne dans une caserne militaire. Des consignes très strictes lui ont été données par le palais présidentiel pour ne pas poursuivre ses investigations concernant le général Cliver Alcala, responsable de cette caserne, qu'il qualifie de «tsar de la drogue», et le directeur de l'Office national antidrogue, le général Nestor Reverol. Il accuse également le ministre actuel de la Défense, le général Henry Rangel Silva, d'avoir participé à l'organisation de l'exportation de la drogue produite par les Farc.
Les propos d'Aponte Aponte ont été confirmés par un ancien magistrat, Velasquez Alvaray, lui aussi exilé aux États-Unis, dans un entretien vidéo mercredi 9 mai à la télévision SoyTV. «Les Farc n'ont jamais été aussi actives au Venezuela», accuse-t-il. Le pouvoir reste très discret face à ses accusations. Le gouvernement relève que la destitution du général Aponte Aponte a été votée par l'ensemble des députés, chavistes et non chavistes réunis. Une preuve de la volonté du pouvoir de lutter contre les corrompus, quels qu'ils soient. Alors que l'élection présidentielle doit se dérouler le 7 octobre prochain, les chavistes voient dans ces accusations une manipulation de Washington pour les déstabiliser. Les armes commencent également à s'exprimer: le 19 avril dernier, le général Wilmer Moreno a été tué par balle, comme le capitaine Luis Aguilarte, tous deux appartenant aux fidèles des premières luttes du président vénézuélien, selon le général en retraite Carlos Julio Penaloza, lui aussi réfugié aux États-Unis.
(Lefigaro)