Publié le 2 Mar 2022 - 20:43
WADE-MACKY

Si proches, mais si loin

 

Membres de la même famille libérale, Wade et Macky ont été séparés par plusieurs dossiers dont la traque des biens mal acquis, les accusations de vol… Mais, face au risque de perdre sa majorité mécanique à l’Assemblée nationale, la montée en puissance de son plus farouche adversaire Ousmane Sonko, le président de la République, concepteur de la théorie ‘’réduire l’opposition à sa plus simple expression’’, n’a jamais été aussi proche de son ex-mentor.

 

C’est un sujet qui a nourri passion et fantasmes, depuis 2012. Quand le Parti démocratique sénégalais remuait ciel et terre pour réunifier ou ‘’reconstruire’’, comme disent certains, pour reprendre le terme consacré par le ‘’pape’’ du Sopi, Macky Sall et son camp disaient niet. Aujourd’hui, les temps ont changé. Un vent nouveau semble souffler sur les relations naguère heurtées entre Wade et son prédécesseur. En ligne de mire des deux camps, il y a non seulement les élections législatives prochaines, mais aussi l’élection présidentielle de 2024. Deux constats au moins semblent de plus en plus se préciser. D’abord, de telles retrouvailles ne dépendraient plus que de la volonté du président de la République Macky Sall. Ensuite, le Parti démocratique sénégalais ne semble pas en désaccord, mais sous certaines conditions dont le recouvrement par son candidat Karim Wade de ses droits civiques et politiques.  

Interpellé sur d’éventuels rapprochements entre Wade et Macky et par ricochet le PDS et l’Alliance pour la République, ce responsable libéral qui a préféré garder l’anonymat rappelle leur philosophie tant répétée. ‘’En fait, il faudrait comprendre que nous, nous sommes des libéraux. Ma conviction, c’est que les libéraux doivent se retrouver, les socialistes doivent se retrouver… Que chaque bloc puisse présenter au peuple des programmes. Maintenant, en ce qui concerne la reconstruction de la famille libérale, Wade en avait parlé en 2014. C’est Macky Sall qui avait décliné en disant qu’il n’est pas intéressé. Aujourd’hui, la retrouvaille est une idée, mais est-elle opportune ?’’

A cette question, le défenseur du PDS rétorque : ‘’Pour moi, la retrouvaille n’est pas opportune, parce qu’on ne peut pas se retrouver avec quelqu’un qui vous ligote. Le PDS est encore ligoté. Karim est exilé. Le Parti fait toujours l’objet de harcèlement du pouvoir en place. On ne peut pas être dans ces conditions et parler de retrouvailles.’’

‘’On ne peut pas faire des retrouvailles avec quelqu’un qui vous a ligoté’’

S’il y a aujourd’hui une certitude, c’est que Macky Sall semble avoir changé de fusil d’épaule. A l’émission Grand Jury de RFM, le secrétaire général adjoint au PDS Doudou Wade, une des voix les plus écoutées du Parti libéral, constatait cet état de fait, non sans rappeler les moments difficiles qui ont été traversés par la formation. Après les accusations tous azimuts de vol, l’heure est aujourd’hui au dégel. En donnant le nom du nouveau stade à son prédécesseur, Macky Sall offre surement des gages de bonne volonté. ‘’Le PDS a pris acte et l’en remercie’’, fulmine notre interlocuteur, qui invite à ne pas aller trop vite en besogne.

En tout état de cause, ce qui s’est passé à Diamniadio constitue un véritable tournant dans les relations entre les deux hommes politiques. D’autant plus que, par le passé, Wade a eu à décliner le projet de donner son nom à une autre grande infrastructure qu’est l’aéroport international Blaise Diagne de Diass. ‘’Si le Président Wade l’avait fait, c’est parce qu’il ne pouvait pas construire une infrastructure, la baptiser au nom de Blaise Diagne et ensuite accepter qu’elle soit débaptisée pour prendre sa place. Le Président Wade nous avait même convoqués chez lui, à l’époque. Il nous avait exposé tout ce que Blaise Diagne a fait dans ce pays et qui l’avait amené à le choisir. Il ne pouvait donc pas accepter. C’est aussi simple que ça. Mais la bienséance même ne recommande pas de renoncer à un tel privilège. Teranga ken du ko deeloo. (L’honneur ne se refuse pas)’’, plaide le militant libéral.

Mais le contact entre les deux libéraux en chef s’est-il limité à la proposition et à l’acceptation du nom d’un stade ? Loin des oreilles de leurs militants respectifs, Wade et Macky trament-ils quelque chose ? Ils sont nombreux en tout cas à le penser. Déjà, beaucoup dans la classe politique surveillent de très près ce que mijotent les deux dinosaures politiques. Pour Macky Sall, deux évènements pourraient influer sur les décisions à prendre. D’une part, il y a les législatives de juillet prochain. D’autre part, la présidentielle prévue en 2024.

La hantise de perdre sa majorité au Parlement

En ce qui concerne les législatives, une perte de la majorité pourrait être catastrophique pour son régime, après des locales aux résultats très mitigés. Et avoir les plus de 400 000 voix du PDS (locomotive de la coalition Wallu Senegaal) ne ferait certainement que du bien. Mais, l’alliance ne semble pas être une panacée. Les deux camps pourraient également opter d’aller séparés aux législatives pour entrainer un émiettement des voix de l’opposition au bénéfice de la majorité. Pour ce qui est de la Présidentielle, le Parti démocratique sénégalais se fait déjà une conviction rappelée par Doudou Wade dans Grand Jury. Pour lui, Macky Sall ne peut pas être candidat en 2024. C’est donc à lui d’aller se trouver un candidat.

Le PDS, en revanche, tient déjà son candidat et c’est Karim Wade. Un candidat qui constitue d’ailleurs la principale pomme de discorde entre l’ancien parti présidentiel et l’Alliance pour la République. Notre source se veut formelle. Il arrivera certainement un moment où Macky Sall va devoir choisir. ‘’Soit il accepte de remettre dans le jeu tous les potentiels candidats, y compris Khalifa Sall et Karim Wade, soit il s’entête à les écarter et faire face à un seul bloc de l’opposition amené par Ousmane Sonko. Je pense qu’il va faire un choix de raison, en laissant à Khalifa et à Karim leur droit de conquérir au suffrage des Sénégalais’’, commente-t-il.   

Et Karim Wade dans tout ça ? Depuis plusieurs mois, ‘’l’exilé de Doha’’ s’est tu sur les sujets politiques lancinants. On ne l’a d’ailleurs entendu que très peu, même durant les élections territoriales. Pour certains analystes, ce n’est ni plus ni moins qu’un manque de courage qui le pousse à continuer à se calfeutrer au Qatar. Pour les libéraux, c’est Macky Sall seul qui a la réponse au non-retour de leur candidat. Quant à ce qu’il pense de tout ce débat autour des retrouvailles, notre interlocuteur affirme avec forces convictions : ‘’Vous savez, on peut tout reprocher à Karim Wade. Mais je dois vous dire qu’il n’est pas trop dans les compromissions. Ce qui ne facilite pas ses relations avec certains responsables. C’est un homme qui a trop souffert à cause de ce régime, un homme très digne avec un certain orgueil. Maintenant, nous sommes aussi en politique. Mais je ne pense pas qu’il accepte d’être dans les deals. Ce n’est vraiment pas son genre. Sa position, tout le monde le sait. Il a toujours réclamé le respect de ses droits, ce qui passe par la révision de son procès tel que demandé par des organismes internationaux.’’

La tradition d’entrisme du PDS et l’orgueil de Karim Wade

En attendant les législatives et la Présidentielle, il y a la formation du prochain gouvernement qui pourrait être un repère de ce que l’avenir sera pour les deux camps. Le PDS entrera-t-il ou n’entrera pas ? Seul Macky et Wade semblent avoir des réponses. Pour Doudou Wade, la question ne s’est pas encore posé. ‘’Quand il se posera, nous répondrons en toute responsabilité’’, disait l’ancien président du groupe parlementaire libéral au journaliste Babacar Fall de la RFM. Il rappelait une doctrine bien connu des Sénégalais en matière d’entrisme du PDS. ‘’Le Président Abdoulaye Wade a subi toutes les injustices, toutes les brimades.  Quand le Sénégal était en difficulté, à l’approche de la dévaluation, quand Abdou Diouf est sorti pour dire à la télé : ‘je demande à Abdoulaye Wade de venir nous rejoindre pour qu’on puisse travailler ensemble’, c’est le lendemain, à 12 heures que nous sommes allés au palais discuter avec lui. Et nous en sommes sortis le jour. Nous y sommes retournés en plein jour, et nous sommes encore sortis le jour pour aller à des élections. L’entrée dans un gouvernement ne nous a pas empêchés d’aller jauger nos forces politiques et nous compter. Le PDS est un parti responsable….’’, lançait Monsieur Wade, comme pour signifier que si la question se pose, ils aviseront au vu et su de tous. 

Et d’ajouter : ‘’Le PDS aujourd’hui est plus que déterminé. Compte tenu de la situation qui prévaut, le PDS sait que l’alternative c’est lui. Nous irons aux élections législatives. Et nous avons déjà un candidat pour la Présidentielle’’, insiste Doudou Wade non sans rappeler un certain nombre de difficultés qui s’imposent au camp du pouvoir. A son avis, le président de la République doit réfléchir aux questions suivantes : ‘’Comment s’en sortir (la question de son mandat) ? Quelles seront les conséquences de son choix sur le climat politique, sur l’adversité politique ? Quelle sera la position des Sénégalais, de la population, de la société civile ? etc. Ce sont des interrogations extrêmement importantes auxquelles il faut répondre.’’

Pendant ce temps, malgré le pardon prôné par Doudou Wade, des rancœurs et autres ressentis continuent de nouer le cœur à bien des responsables. ‘’Macky Sall nous a fait beaucoup de mal. Il nous a traqués, chassés, trainés dans la boue. Je pense même que si le Président Wade parle d’entrée dans le gouvernement, beaucoup ne le suivraient pas’’, insiste un autre responsable libéral.

VELLEITES DE RAPPROCHEMENT AVEC L’APR 

Le Pds parle ‘’d’une fausse interprétation’’

Depuis, l’inauguration du nouveau stade du Sénégal baptisé du nom d’Abdoulaye Wade, des déductions font état d’un rapprochement entre le président de l’Alliance pour la République (APR), Macky Sall, et son ancien Me Abdoulaye Wade, dans le cadre de la reconstitution de la famille libérale. Au moment où un nouveau gouvernement est attendu avec le retour du poste de Premier ministre, beaucoup ont déjà commencer à dessiner le scénario d’un gouvernement élargi avec le retour du Pds aux affaires. Cependant, les libéraux tiennent à lever toute équivoque et disent leur ancrage dans l’opposition.

Dans un communiqué reçu à EnQuête, les partisans du Pape du Sopi parlent ‘’d’une fausse interprétation dénuée de tout fondement’’.  Le Pds appelle, ainsi, ses partisans au travail et à la mobilisation, en perspective des élections législatives prévues, le 31 juillet 2022. ‘’Il exhorte également, tous les membres du PDS à plus de vigilance, afin que le parti continue, plus que jamais, d'incarner une alternative crédible au pouvoir actuel’’.

Une manière d’éteindre l’incendie causé par les sorties remarquées de certains responsables libéraux, après l’hommage rendu à Me Abdoulaye Wade. Doudou Wade, candidat malheureux de Wallu Senegaal aux dernières Locales, a fait état, dans l’émission Grand Jury de la Rfm, de jalons posés par Macky Sall et de son changement de direction. ‘’Les deux Allemagnes, disait-il dimanche, se sont retrouvées. Des familles se sont réparées après plusieurs années de séparation. Aujourd'hui, Poutine parle de la reconstruction de l'ancien empire soviétique. Ainsi, va la vie, on traverse des conflits et des difficultés, mais ils finissent toujours par être réglés".

Une manière d’ouvrir la porte à des retrouvailles avec l’Apr que le chargé des élections au Pds, Cheikh Dieng, a aussitôt fermée. Il affirme qu’elles sont exclues par le Pds. Et que le prochain défi de l’opposition est de contrôler l’Assemblée nationale, afin d’imposer une cohabitation au président Macky Sall.

HABIBATOU TRAORE 

MOR AMAR

 

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