«Si on audite les gens du PDS, 80% d’entre eux iraient en prison »
L’ex-député libéral approuve la traque des biens mal acquis lancée par le nouveau régime. Contrairement à ses frères libéraux, El Hadji Wack Ly affirme que «80%» de dignitaires de l’ancien régime iraient en prison si on auditait leur gestion.
On ne vous entend plus depuis la chute de Me Wade. Etes-vous toujours militant du Parti démocratique sénégalais ?
Non je ne suis plus au PDS.
Pourquoi ?
C’est le contraire qui aurait surpris : que je sois toujours au PDS. Durant la 11e législature, j’avais des divergences profondes avec le PDS dans sa façon de gouverner. Par conséquent, je trouve cohérent qu’après cette législature, je puisse reprendre ma liberté. lorsqu’on est dans un parti, on est limité. Aujourd’hui j’ai décidé de reprendre mon destin en main.
Quel sera votre prochain point de chute ?
Ça peut être dans la société civile ou dans un autre parti politique.
A l’APR par exemple ?
Au moment où je vous parle, je ne suis dans aucun parti politique.
On vous avait pourtant annoncé à l'APR
C’est normal. Cela s’explique peut-être par les relations particulières que j’entretiens avec Macky Sall, je ne dis pas le président Macky Sall.
Vous aviez été reçu par le président Macky Sall. Qu’est-ce qui vous vous êtes dit ?
Oui, je suis allé le féliciter pour sa victoire.
Qu’est-ce qui vous lie au président Macky Sall ?
Il me considère comme son jeune frère. Depuis qu’il est à l’Assemblée nationale. Peut-être que c’est lié au comportement que j’avais lorsqu’on a lancé la pétition pour le destituer (Macky Sall). On était 23 (députés) dans son bureau... Et tous avaient juré de ne pas voter la pétition. Finalement, j’étais le seul à tenir promesse. Depuis lors, je le fréquente. Il est resté mon ami même si on n'était plus du même parti. Il me donnait toujours des conseils de jeune frère. Si j’ai construit une maison à Nioro, c’est grâce à lui. Un jour, il me demandé : «Est-ce que tu as une maison à Nioro ?». Je lui réponds : «Non». Il me dit : « Il faut tout faire pour avoir une maison. Quand on est né dans une localité, on doit y avoir une maison». C’est quelqu’un que je respecte beaucoup et qui me le rend bien.
Pourquoi vous voulez aller dans la société civile ? Etes-vous dégoûté par la politique ?
Quand je vois Abdoulaye Wade avant 2000 et Abdoulaye Wade après 2000, je suis déçu. J’aurais souhaité qu’il finisse comme Nelson Mandela en ayant une sortie honorable. Il ne pouvait l’avoir que s’il avait décidé de renoncer à briguer un troisième mandat. Malheureusement, il l’a fait. Ensuite, il a essayé de forcer le destin de son fils en l’imposant à la tête Sénégal alors qu’il ne le mérite pas.
Pourquoi ?
Il n’a aucun mérite politique. Il n’a jamais milité au PDS. Il ne s’est jamais battu pour son père, ni pour le PDS. Malheureusement, Wade a voulu forcer le barrage et il a eu une sortie peu honorable.
Vous avez toujours dénoncé les dérives de l’ancien régime. Est-ce qu’on peut dire que l’histoire vous a donné raison ?
Je ne peux pas le dire, mais je sais qu'un mois après notre défaite, beaucoup de ministres m’ont appelé au téléphone pour me dire : «vous avez eu raison sur nous».
Est-ce que l’implosion du PDS vous a surpris ?
Non, pas du tout. Au contraire, je m’y attendais. Il n’y avait plus de conviction, ni de fraternité au PDS. Chacun essayait de préserver ses intérêts. S’il y’avait cette fraternité entre les libéraux, Macky Sall n’aurait jamais quitté le PDS. Il n’avait rien fait pour qu’on le pousse à quitter le PDS. Le porte-parole du président Wade, Serigne Mbacké Ndiaye a d’ailleurs déclaré que les gens ont voulu écarter Macky parce qu’il pensait simplement qu’après Wade, c’était eux. Il a raison, mais en le disant aujourd’hui, ce n’est pas sincère. Je l’ai dit à l’époque, il m’avait attaqué.
Que pensez-vous de la convocation de vos anciens frères de parti par la Section de recherche de la gendarmerie ?
C’est normal. C’est le contraire qui aurait surpris les gens. L’essentiel pour Macky Sall, c’est d’aller jusqu’au bout de la traque des bien mal acquis, faire en sorte que ses hommes ne puissent pas s’enrichir, lutter contre l’impunité, veiller à l’égalité des chances, à ne privilégier personne. S’il le fait, il aura réussi sa mission. En 2000, Wade avait fait la même chose, mais à l’époque, c’était très sélectif. On doit aller jusqu’au bout de cette affaire et c’est une démarche pédagogique pour ceux qui sont actuellement au pouvoir. Ils savent qu’après le départ de Macky, 5 ans ou 10 après, ils vont eux aussi répondre de leur gestion. Et lorsqu’on est sûr de répondre à la Justice, on fait attention dans la gestion des deniers publics. Mais s’il n’y a pas de sanction, ils feront la même chose.
Vous avez été député, est-ce que vous pouvez nous donner un exemple de malversation à laquelle vous avez assisté ?
Je n’étais pas au cœur du dispositif ; j’étais comme un enfant banni. Mais ce j’en sais au niveau de l’Assemblée dans certaines structures de l’Etat, si on audite les gens du PDS, 80% d’entre eux iront en prison légalement. On a vu un député simple, c’est-à-dire qui n’est ni président de Commission, ni président de groupe parlementaire, ni secrétaire élu, qui roule en BMW. Ce n’est pas possible !
Qui est-ce ?
Je ne dirai pas son nom mais il était très proche de ces gens-là. Vous voyez un député simple distribuer 100 mille, 200 mille francs à ses collègues députés. Vous voyez un chômeur qui roule en Touareg. Ils étaient tous proches de ces gens-là.
Karim Wade parle d’acharnement.
Combien de carrières Karim Wade a-t-il brisées ? Prenons le cas de Baar Tall, il a mis à genoux son entreprise (Jean Lefebvre-Sénégal) qui employait 3000 employés. Il n’a rien à dire. Il n’a qu’à attendre, si la justice le blanchit, c’est bien, s’il est reconnu coupable, il doit payer et aller en prison. Ça me surprendrait qu’il soit blanchi d’ailleurs.
Pourquoi ?
Vous avez entendu qu’en 2000, Karim Wade n’a même pas voté pour le PDS. A l’époque, toutes les fédérations n’avaient reçu que 50 000 francs. Vous pouvez demander à Abdoulaye Bathily. S’il avait des milliards tels qu’on le présente, il allait soutenir son père. A moins qu’il soit un mauvais enfant. Il ne pouvait pas avoir des milliards. Il s’est enrichi surtout entre 2006 et 2012.
Quel regard portez-vous sur la 12e législature ? Est-ce que la rupture annoncée est amorcée ?
Dans tous les Parlements du monde, les députés ne sont là que pour leur majorité. Maintenant, la rupture, elle est en chaque député. Dans l’APR comme dans le PDS, il y a des bons et des mauvais députés. Si Macky Sall amenait un projet de loi sur le quart bloquant, il y’aurait des députés qui vont le voter. C’est inhérent à tout groupe. Mais rien ne sera plus comme avant.
Ils le savaient, mais ils n’étaient pas courageux. Chacun voulait sauver ses intérêts. J’ai payé les pots cassés à cause de mon franc-parler. Je n’ai rien aujourd’hui politiquement.
DAOUDA GBAYA
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