Publié le 29 May 2013 - 00:15
LETTRE OUVERTE AU PRÉSIDENT MACKY SALL

 Président, de la justice, de la dignité pour tous !

Le débat est d’actualité à propos de dédommagement pour des peines de prison ou des détentions préventives illégales, abusives, devenues sous nos cieux, de vrais contrats de bagne à durée indéterminée (CBI). C’est aujourd’hui un secret de Polichinelle, qu’après une pareille forfaiture, notre Etat n’a jamais reconnu avec courage et humilité ces tragédies, qu’il a fauté devant toute la Nation et qu’il a envie de manière effective de réparer au besoin, avec célérité, ces préjudices devenus récurrents.

 

Il y a depuis l’indépendance, un constat de similarité, voire de symétrie d’un même modèle reproduit sous tous les régimes, d’un atavisme avéré qui a encore de beaux jours et qui concerne le comportement de nos dirigeants. C’est une addiction quasi incurable à la politique et surtout politicienne devant l’essentiel et dont font partie indiscutablement ces injustices criardes de l’Etat. Rarement on devient un indigné actif dans notre pays quand il y a dol, déni de justice à défaut d’une opinion publique mâture. Pire, personne du sommet au bas de l’échelle, ne regrette l’acte suprême d’une justice mal rendue et qui peut tout faire basculer pour de bon.

 

Personne disais-je, n’est troublé dans son sommeil au niveau des représentants de la loi, quand un homme a presque sa tête sur le billot, suite à une erreur judiciaire. Ils sont tous zen. De mémoire de Sénégalais qui peut se rappeler quel juge ou autorité a eu à faire son mea culpa devant Dieu et devant les hommes, suite à une sentence qu’il aurait prise à l’encontre d’un prévenu ? Même s’il y a parfois lucidité reconquise sur l’irréflexion d’hier à propos de certaines décisions iniques de justice, on a souvent l’impression que l’irresponsabilité et l’ego se substituent encore à la loi et subséquemment anéantissent toute velléité de réparations. Humilité n’est pas sénégalais, on ne demande pardon à son prochain qu’à la Korité et à la Tabaski.

 

L’Etat est donc défaillant à maints égards, les droits humains sont encore violés devant un Conseil constitutionnel aphone jusqu’ici pour ces cas de figure. Il y a un Etat de « droit » fantomatique, dès lors qu’il n’est plus cet Etat protecteur à l’endroit de citoyens désabusés et floués. Et il est légitime de se poser la question : à quoi peuvent servir des dirigeants, des Institutions qui apportent plus de souffrances judiciaires ou économiques à leurs compatriotes en lieu et place de leur sécurité ? Une culture de la conspiration s’est réellement développée dans notre pays.

 

Pourtant l’on a souvent entendu les prémices d’une loi pour réparations, mais encore une fois, est-ce une urgence sociale pour l’establishment quand des députés, ceux-là même, qui votent nos lois, ont comme soucis majeurs, leurs voitures, leur standing, leurs émoluments. Quand dans la même humeur l’Exécutif dans un nirvana permanent, incarné par le président de la République, se gave encore de politique ou alors, est immergé dans un autisme de mauvais aloi ou un dans un Poncepilatisme recommencé. Et il y a moins de trois mois du pur rétropédalage constaté après l’incendie d’un dara à la Médina et la sortie mémorable du chef de l’Etat à l’encontre des maîtres coraniques. Une fois de plus, cela a fait pschitt.

 

« Le pardon ? Seulement à la Korité et à la Tabaski ! »

 

En date du 21 novembre 2012, j’ai écrit une lettre au chef de l’Etat pour réparations, un courrier resté sans effet à ce jour, une autre le 02 janvier 2013 au Garde des sceaux avec ampliation au président de l’Assemblée nationale, lettres qu’on étudie encore sans doute et j’imagine la réponse, « l’Etat dégage en touche », que l’on peut deviner aisément.

 

J’ai appris que l’Etat du Sénégal ne réhabilite et n’indemnise que lorsqu’on a été jugé et condamné à tort. Au justiciable de s’accommoder du très péremptoire « dura lex sed lex » ! Par conséquent point de réparations pour ce qui concerne les détentions préventives, surtout assorties de non-lieu. Que dire donc de tout ce temps perdu au fond d’une cellule ? Quid des frais substantiels alloués aux avocats, d’une prise en charge coûteuse par les proches durant la détention, d’autres frais divers et d’une famille atteinte dans son honorabilité ? Que penser de tout ce préjudice moral, financier, d’une réputation salie dans l’opinion par la faute d’un procureur plus aligné que jamais sur les desiderata d’un Exécutif ? Lequel a parfois sa sentence préétablie dans les dossiers politiques, donc sa « victime imaginaire» désignée, corroborée par l’attitude complaisante d’un juge d’instruction sans foi, ni loi, quand au préalable la Dic, le bras armé de toujours, vous a crucifié ?

 

Doit-on ranger tout cela dans la rubrique des pertes et profits exceptionnels ? Nous qui nous référons à l’Occident, la France en particulier, avons tant de choses à apprendre. Léopold Sédar Senghor suggérait de « prendre ce qu’il y a de bon chez eux et de leur rendre le reste ». Et justement ces Occidentaux nous montrent chaque jour ce qu’il faut prendre : un environnement juridique, social, économique, organisé. La présence physique de l’autorité locale et parfois même du chef de l’Etat sur chaque lieu de drame à l’heur de montrer à la face du monde et surtout des dirigeants africains qu’il y a une compassion, un respect qu’ils vouent à leurs concitoyens. C’est là où notre imitation devrait commencer.

 

«Obligation morale »

 

Si la traque des biens supposés mal acquis, semble être favorablement accueillie au sein de l’opinion comme une œuvre de salubrité publique, je ne puis cependant comprendre le silence assourdissant du président Macky Sall qui était aux affaires en tant que Premier ministre, quand son administration m’a, en compagnie de mes « complices », envoyé à Rebeuss avec une telle célérité extra judiciaire dans « les chantiers de Thiès et dans l’atteinte à la sûreté de l’Etat et à la défense nationale ». Et qu’il puisse présentement, faire de la traque des biens supposés mal acquis, son cheval de bataille quand en principe, il devrait y avoir parallélisme des formes.

 

Que Macky Sall ait l’obligation morale, maintenant qu’il est aux affaires, d’ordonner des réparations concernant tous les embastillés à tort d’autant que sa responsabilité est établie dans mon cas. Est-il gêné politiquement ou est-ce encore une affaire d’ego insurmontable comme aujourd’hui, c’est le cas en France pour l’esclavage ? L’humilité fait partie des qualités des grands hommes. Il est grand temps, monsieur le gardien de la Constitution, qu’il y ait justice pour tous, question d’équité, de dignité et de principe ! François Hollande disait tantôt en Algérie, que « la vérité, elle n’abîme pas, elle répare, elle ne détruit pas, elle rassemble ».

 

Y a-t-il aujourd’hui un Etat « de droit » en qui on a confiance, qui nous protège, dont on est fier ? Un chef qui peut magnifier encore les valeurs de respect pour la personne humaine et lutter pour la préservation du reliquat de morale et de vertus qu’il y a encore dans notre pays, à l’aune de tous les dégâts moraux causés par le régime précédent ? Qui parfois, de ceux qui nous ont fait mal, pense à son bilan parfois entaché d’injustice, de vanité et surtout à Dieu, le meilleur des Juges, quand viendra le grand soir ?

 

Président, vous avez la responsabilité de réparer tous les torts de l’Etat, d’éradiquer l’injustice, de rétablir les citoyens dans leurs droits, pas à la carte, mais dans une équité absolue. Que chacun puisse sentir de toutes ses fibres qu’il est un Sénégalais à part entière et non un Sénégalais entièrement à part. Le monde qui a salué votre élection, vous regarde. Restaurer l’Etat de droit serait à la fois un point probant, un fait marquant de « Yonou Yokouté » et un pas de plus pour le renforcement de notre démocratie et des droits de l’homme. Il est temps de retourner le sablier.

 

El Hadji Ndary GUEYE

 

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