Le diktat des brigands face à l'impuissance des forces de l’ordre
En 72 h, trois personnes ont été tuées pour des motifs divers à Dakar et dans la banlieue. Les riverains cherchent des réponses, la police constate son impuissance.
Trois meurtres en l'espace de 72 h à Dakar et sa banlieue. On aurait pu croire en une coïncidence macabre, si ces décès ne venaient pas compléter une longue série de meurtres enregistrés ces derniers mois. De là à dire que Dakar et sa banlieue vivent sous la coupe réglée des brigands, des malfrats et des personnes du milieu interlope, il y a un pas que les populations apeurées ont vite fait de franchir. Les trois meurtres ont été enregistrés au quartier résidentiel de Mermoz, à Médina Gounass, dans le département de Guédiawaye, et à l’unité 1 des Parcelles Assainies où le vigile Ndoffène Sène, âgé d’une soixantaine d’années, a été sauvagement tué par des agresseurs qui se sont enfuis avec 4 millions en espèces et plusieurs marchandises trouvées dans le magasin où officiait la victime. Déjà, vendredi 18 octobre 2013, un jeune d’une trentaine d’années avait été froidement tué à la Patte-d’oie, par trois individus qui ont pris la fuite après leur forfait. Les auteurs de ces agressions, en solo ou en groupe, courent toujours. Les commissariats de police qui couvrent les zones où les meurtres ont été commis sont sur le qui-vive. De nouvelles techniques d’investigation ont été mises sur pied, pour les retrouver et les mettre hors d’état de nuire, confie-t-on.
Face à cette série de meurtres, les populations riveraines cherchent des réponses. Abdoulaye Ba, un habitant du populeux quartier de Médina Gounass, estime que la récurrence des cas de meurtre est due au fait que la plupart des jeunes n’ont plus quoi faire et veulent satisfaire leur besoin. ‘’L'oisiveté des jeunes a atteint une proportion inquiétante. Comment voulez-vous qu’un jeune qui a un avenir incertain puisse satisfaire ses besoins ? À mon avis, plusieurs cas de meurtres s'expliquent par le taux de chômage.’’ Abdoulaye Ba estime que tant que le gouvernement ne mettra pas sur pied une vaste politique de recrutement basée sur la performance et non sur le clientélisme politique, ''il y aura toujours des cas d’assassinat''. Saphiétou Sagna, trouvée dans un restaurant sis à Mermoz, va plus loin dans l'analyse. ''La série macabre va continuer de plus belle, tant qu’on n’aura pas un nombre conséquent de forces de l’ordre''. ''Dans des zones comme Mermoz, Sacré-Cœur, bref dans les quartiers résidentiels, les patrouilles sont inexistantes. A chaque fois que je cherche à savoir pourquoi, les réponses sont : soit il n’y a pas de carburant, soit il n’y a pas assez de bras'', se désole la dame.
Des polices de proximité pour sécuriser les quartiers
Fara Mendy, un habitant des Parcelles Assainies, a une autre explication. Il estime qu'on tue impunément à Dakar et dans sa banlieue, parce qu'il n’y a pas d’éclairage public. ''Il y a des quartiers où les lampadaires ne fonctionnent plus depuis belle lurette''. A en croire l'agent d’une banque de la place, le défaut d'éclairage public fait le bonheur des malfrats. Awa Diop, une ménagère de Guinaw Rails, est à fond pour la mise sur pied de polices de proximité. Elle témoigne que depuis qu'un poste de police a été érigé dans sa localité, ils vivent dans la tranquillité, ''même si, ajoute-t-elle, les rafles ont hanté le sommeil de nos enfants, car les limiers en font trop''. Elle est convaincue qu'avec plus de police de proximité, ''il y aura moins de cas de meurtre''.
Officier de police : ‘’Ce n’est pas demain la fin des meurtres’’
Face à cette insécurité galopante, qu'en pensent les forces de l'ordre ? ''Ce n’est pas demain la veille qu'on verra la fin des meurtres'', a réagi un officier de la police nationale. Il attire l'attention sur le fait que les ''malfrats ont élu domicile, depuis un certain temps, au niveau des quartiers résidentiels''. ''Vous pensez que c’est gratuit !'' s'exclame notre interlocuteur qui capitalise plusieurs années d’expérience. L'officier met l'accent sur le dénuement des forces de l'ordre face à ce phénomène d’assassinats. Il estime qu'il faut ''renforcer la sécurité au niveau des frontières très poreuses, de l’aéroport, etc''. Le policier considère également qu'il faut augmenter de manière substantielle les forces de l’ordre, ''à tous les niveaux, en les dotant aussi d'une formation digne de ce nom''. Malgré le manque de moyens, ''la volonté du personnel y est. Ce qui reste, à son avis, c’est le désir ferme des autorités de mettre fin à ce phénomène''.