Publié le 17 Dec 2013 - 08:32
LIBRE PAROLE

«Les enseignants sont nuls !» Et après ?

 

La démarche scientifique voudrait qu’après la constatation d’un phénomène ou son observation, que l’on émette des hypothèses quant à tous les tenants et les aboutissants de ce dit phénomène. On ne s’arrête pas là, on expérimente ensuite certaines données relevant de l’objet concerné avant d’aboutir à des résultats qui seront eux aussi interprétés pour enfin passer à la phase de la conclusion.

Voilà une façon très élémentaire de procéder à une étude scientifique d’une question pédagogique. Et  cela, les enseignants le savent. Comme dans un laboratoire, ces derniers, à l’image du chercheur, sont quotidiennement plongés dans les bouquins, dans les dictionnaires, dans les recueils pédagogiques, sur l’internet, afin de recueillir le maximum d’informations possibles sur une question inscrite au programme scolaire.

Hormis cette phase de large recherche, les enseignants passent à l’étape de la synthèse des données essentielles avant de préparer une fiche pédagogique qui sera enfin présentée en classe non sans être passée au contrôle du directeur d’école qui appose son visa et peut apporter des correctifs au besoin.

Donc dire que «les enseignants sont nuls» ou qu’ils souffrent de graves carences, c’est jeter l’opprobre sur une corporation qui, en matière de sacrifices, de patriotisme, de professionnalisme, de déontologie, de citoyenneté et d’amour pour leur métier, n’ont absolument rien à apprendre de personne.

En plus, si «les enseignants sont nuls», c’est dire que  les professeurs qui les ont eus au collège sont nuls, que les directeurs d’écoles sont nuls, que les inspecteurs formateurs dans les EFI (écoles de formations des instituteurs) sont nuls, que les inspecteurs siégeant dans les IEF (inspections de l’éducation et de la formation) et dans les IA (inspections d’académie) sont nuls… Non Monsieur le Ministre, les enseignants ne sont point nuls ! Ils sont victimes d’un système qui accorde plus d’importance à la politique politicienne qu’à une réelle politique de l’éducation et de la formation.

Monsieur le Ministre, saviez vous qu’au-delà de la formation reçue dans les EFI , les enseignants profitent d’espaces de réflexions comme les cellules d’animations pédagogiques et les séminaires pour améliorer et leur niveau académique et leur pratique de classe. En définitive l’enseignant est mis dans une situation continue de formation.

Alors je me demande quelle mouche a piqué Monsieur le Ministre Serigne Mbaye Thiam pour que, devant la représentation nationale, il se mette à dénigrer une corporation qui n’a que trop subi ! A quelle fin, Monsieur le Ministre, soutenez-vous que (seuls) 9% des enseignants maîtrisent le français, 39% sont aptes à enseigner en français, 7% sont des novices de la langue française ? Pour leur apporter le uppercut fatal, vous soutenez que 29% sont incapables de résoudre des problèmes de mathématiques parfois du niveau du CM1.

«CEY YALLA !» Quand un Ministre avance de telles affirmations dans un secteur aussi stratégique et capital qu’est l’éducation, c’est vraiment scandaleux ! Surtout quand ces affirmations sont prononcées dans un endroit aussi sacré qu’est l’hémicycle.

Quel est l’objectif visé dans cette déclaration ? Est-ce vrai comme le soutiennent certains syndicalistes que c’est pour capter des fonds des bailleurs ? Veut-il accentuer le conflit déjà installé entre les enseignants et les populations ? Nul ne sait ! Ce qui  est constant, comme dirait mon frère du barreau, est que Monsieur le Ministre de l’Éducation nationale du Sénégal a dit au vingt et unième siècle, pendant que les nations concourent vers l’émergence, que «les enseignants du Sénégal sont nuls.»

Je suis désolé, Monsieur le Ministre. Tant que vous ne communiquerez pas la date de ce fameux test dont vous faites allusion, son lieu d’application, l’échantillon ciblé et la pertinence de son choix, l’équipe qui a piloté le test…, je me garde d’accorder du crédit à ce test.

Et puis, si «les enseignants sont nuls», que prévoyez-vous pour corriger cela ? On vous attend sur ce terrain. De grâce, faites comme les enseignants qui au moins savent ce que veulent dire les mots évaluation et remédiation.

Cordialement.

Abdoul Aziz Guèye

Enseignant à l’IEF Mbour2

Membre du MER (Mouvement des Enseignants de Rewmi)

abdouazizgueye65@yahoo.fr

 

Section: 
Il est temps de dire la vérité aux Sénégalais : toute la vérité, rien que la vérité.
La sortie des pays de l’AES de la CEDEAO : Chronique d’une rupture annoncée !
Ma minute de plaidoyer : Témoignage d'un vieil archiviste
Les Origines Sérères de Seydina Limamou Laye : Un Héritage Spirituel et Historique
POUR OU CONTRE L’AVORTEMENT MEDICALISE ?
Professeur Ablaye Dièye, un modèle d’intégrité académique
Professeur Abdoulaye Dièye, un repère de valeurs tire sa révérence
Le Grand Écart ou une lecture idéologique comparée de la Loi et de l'Ordre
SETAL SUNU REW : PARLONS COMMUNICATION
La Nouvelle Guerre Commerciale de Trump 2 : Un Jeu Perdant-Perdant pour l'Économie Mondiale, et des Défis Majeurs pour l'Afrique Subsaharienne
Il est temps de réviser les business models des médias sénégalais !
STATISTIQUES SUR LA BALANCE DES PAIEMENTS, CERTIFICATION DES COMPTES DE L’ÉTAT…: NOS AUTORITÉS NOUS DOIVENT DES EXPLICATIONS 
PLEINS FEUX SUR LES LISTES ELECTORALES 2025
Chronique de l’improviste : Désert d’opportunités versus mirage de prospérité  
Intelligence artificielle : Fin d’une hégémonie
Un ‘privilège exorbitant’ pour tous ?
La grande amitié entre Mamadou Dia et le père Louis-Joseph Lebret (Lebret), Dominicain français
L'ADMINISTRATION PUBLIQUE DANS LA CONSTRUCTION DE CE SÉNÉGAL NOUVEAU
Reprofilage de la Dette du Sénégal : Vers une Nécessité Stratégique dans un Contexte Mondial Incertain
L'État face à ses responsabilités : Annulation des attributions de terrains au Sénégal