Une nécessité pour promouvoir le développement local
L’actualité est dominée ces temps ci par la réaction de contestation relative à la suppression de la région, comme collectivités locale. On a noté une véritable levée de bouclier de la part de l’association des élus locaux.
Or, comme la souligné Monsieur le Ministre de la décentralisation dans une télévision de la place, la suppression de la région est une nécessité pour instaurer des pôles de développement, condition sine qua non pour aboutir à des territoires viables, compétitifs et porteur de développement durable. Le comportement des élus locaux semble donc être motivé par un manque de compréhension des enjeux liés à la future décentralisation.
L’argument principal fourni par les détracteurs de l’acte 3 de la décentralisation est que la disparition de la région conduit à une perte énorme de gain financier provenant de la coopération décentralisée nouée avec l’Europe, plus particulièrement avec la France. Un tel argument est d’une légèreté extrême et ne peut justifier la création d’un quatrième échelon local.
Tout le monde est d’accord que le cadre actuel de développement régional ne semble pas être le cadre conceptuel idéal, permettant d’instaurer un véritable développement au niveau local. Et ceci pour plusieurs raisons : la plus connue est que les régions n’ont pas de ressources propres et que les fonds de dotation sont insuffisants.
La coopération régionale avec les pays riches n’a rien apporté. Elle s’est toujours présentée comme un gadget, une assistance à sens unique, où chaque président de conseil régional comptait ses amis à qui tendre la main quand il faut construire un lycée, un marché, un hôpital … C’est justement parceque la coopération décentralisée n’a pas joué son véritable rôle qu’il a fallu réfléchir sur une nouvelle voie beaucoup plus centrée sur le développement économique.
Les lenteurs administratives, le manque de formation des présidents de conseils régionaux en matière de négociation internationale, le non diversification des partenariats plus centrés sur l’Europe et l’absence d’association spécialisée dans l’accompagnement de la coopération décentralisée ont certainement été les facteurs limitants de la coopération décentralisée.
Si la coopération décentralisée est tellement importante qu’il faille maintenir la région comme collectivité locale, en tout cas son impact sur la vie des populations semble négligeable au vu du silence observé de leur part. Ce qui n’a pas été le cas du foncier et des frontières des collectivités locales qui ont fait l’objet de vives contestations. Pour les populations, la régionalisation semble être une régionalisation de «façade», lointaine et fonctionnant en marge de leurs préoccupations.
La non implication effective des populations dans les politiques de développement, le manque d’intégration des structures et des activités planifiées, depuis la base sont à l’origine du blocage régulier du schéma du développement régional.
Ainsi, Le comité régional de développement à cours de programmes réels de développement était devenu un lieu où on traitait des affaires plus liées à la politique qu’au développement. L’absence de documents de références traitant de véritables problèmes du développement a, pendant longtemps, paralysé le comité régional de développement devenu une structure obsolète malgré le haut niveau de compétence des cadres régionaux.
Faut-il alors maintenir la situation actuelle, avec ses lourdeurs, ses disparités sa complexité, ses déséquilibres compromettant ainsi les chances de réussite d’une véritable décentralisation ? Où faut-il au nom d’un développement national cohérent et équilibré, mieux redimensionner les régions pour maîtriser les ressources naturelles et les exploiter à partir de métropoles d’équilibre, dans une volonté d’inversion des tendances en matière de décentralisation(ou délocalisation) industrielle ou économique.
C’est conscient que la voie de l’émergence économique passe nécessairement par une décentralisation réussie, proche des populations que le chef de l’Etat a choisi la deuxième option. Le cadrage tripolaire proposé fait du niveau départemental, non pas un niveau factice, tel qu’observé dans le passé, mais un niveau réel de développement pertinent qui s’inscrit dans l’endogène vivant.
Il faut que tout parte d’une administration locale capable de gérer les atouts de la nouvelle dynamique observée dans le cadre des nouvelles politiques. Nous sommes actuellement en face d’une série d’occasions que nous ne pouvons pas perdre. Nous devons réfléchir pour nous même, par nous même, en cessant de nous référer à des modèles venus d’ailleurs. La mondialisation aidant, il est important de tourner le regard vers d’autres pays que la France, qui d’ailleurs, peine à asseoir une véritable décentralisation.
La suppression du conseil régional comme locomotive du développement régional ne peut constituer aucunement un blocage au développement local. La région peut toujours jouer son rôle de coordination et d’harmonisation entre le niveau local et le niveau national.
L’acte 3 de la décentralisation offre aux départements la possibilité de se regrouper pour gérer des intérêts communs. La structure d’harmonisation et de coordination issue des ententes inter et intradépartementales ou des établissements publics peut jouer un véritable rôle de médiation entre les différents échelons.
La recherche de ressources pour le financement de projets dont les moyens ne sont pas disponibles au niveau régional peut être négociée par cet organe central de développement. Cette structure régionale sera secondée par les agences régionales de développement qui sont des structures d’aide et de conseil à la fois verticales et horizontales.
Les départements géreraient les plans d’investissements, les plans locaux et les programmes, grâce au plan départemental intégré, contrôlant les cohérences des projets et les orientations spécifiques. L’intégration de la dimension régionale dans le nouveau système se fera par le plan régional de développement intégré (PRDI).
Il faut saluer donc cette vision du Président de la République, qui contrairement à ces détracteurs a compris qu’une décentralisation réussie est une décentralisation qui prend en compte les échelons les plus bas en vue d’un véritable développement endogène. Cette nouvelle orientation invite à mettre l’imagination et les initiatives au cœur de l’action.
Elle a besoin d’hommes avertis et dignes croyant à leurs forces vitales, aux potentialités que recèlent nos terroirs et capables de promouvoir le développement, en comptant d’abord essentiellement sur leur propres moyens avant de demander aux autres ce qu’ils peuvent faire pour eux.
Chers présidents de conseils régionaux, je vous invite à méditer cette belle phrase de Pierre Nardin : «le défi le plus important du développement local, c’est sa capacité à changer les mentalités, à passer des mentalités d’échecs et d’assistés à des mentalités d’acteurs sociaux et économiques, à des mentalités de créateurs».
Tabouré AGNE
Doctorant en droit public à l’UGB