S’adapter au mourir !
« Mieux vaut prendre le changement par la main avant qu’il ne nous prenne par la gorge. » Winston Churchill
Un an après les élections locales du 22 mars 2009 dans une contribution intitulée « Les leçons non sues du 22 mars 2009 » (Sud Quotidien du 21 avril 2010) j’alertais que, faute d’évaluation sérieuse, le PDS n’avait pas tiré les leçons de la perte des grandes villes à l’issue de ces élections intermédiaires. En perspective de la présidentielle de 2012, je proposai pour sortir de cette mauvaise passe une large concertation interne débouchant sur un aggiornamento du parti dans son fonctionnement et son organisation.
Au lieu de tirer profit de cet échec pour rebondir, la direction du parti a opté pour le pourrissement, la fuite en avant et la politique de l’autruche. Cette attitude improductive et inconséquente consistait à gagner du temps, en niant l’existence d’un malaise dans le parti, par l’étouffement des espaces de débat interne et la marginalisation des esprits critiques. Toute divergence étant perçue comme un crime de lèse majesté entraînant le départ de responsables et de militants et la création de partis politiques dissidents (REWMI et APR). Inévitablement, faute de débat contradictoire et d’alternative, la mauvaise passe s’est transformée en impasse.
A la bérézina électorale du 22 mars 2009 s’ajouta le Waterloo politique du 23 juin 2011 sur fond de marasme économique et social et d’exaspération d’une jeunesse désenchantée et de ménages accablés par la cherté de la vie. L’impasse s’est mué en véritable traquenard pour la majorité présidentielle, qui comme pris dans des sables mouvants, se débattait pour mieux s’enfoncer. Le compte à rebours était déclenché jusqu’à cette date fatidique du 25 mars 2012 où notre candidat ne recueillit que moins de 35 % des suffrages exprimés au second tour.
Après la défaite du 25 mars 2012, un congrès extraordinaire a été convoqué le 31 mars dans la précipitation. Sans débats, cette rencontre, aux allures d’un meeting de remobilisation, fut sanctionnée par la lecture d’une résolution préfabriquée qui invite « les instances dirigeantes du PDS au niveau local à faire, sur une base de représentativité avérée, des propositions sur la liste nationale et sur les listes départementales de candidats aux élections législatives et … donne mandat au Frère Secrétaire Général National Abdoulaye WADE pour entériner ces listes et les faire déposer conformément aux lois et règlements en vigueur ». Ce qui voulait dire, sans langue de bois, que les listes seraient confectionnées par le Secrétaire Général National et que faute de mécanisme mesurant la représentativité des uns et des autres en l’absence de renouvellements, le lobbying, les stratégies d’exclusion et le trafic d’influence et de proximité allaient supplanter le mérite. Le Congrès sous prétexte de l’imminence des élections législatives, esquiva toutes les autres questions essentielles qui auraient du figurer à l’ordre du jour.
Parmi ces questions toujours esquivées grâce à l’agitation de divers alibis (« l’unité du parti », « l’impératif de gagner la prochaine élection», « l’efficacité et la discipline militantes »), la plus cruciale était le règlement de la succession de Wade à la tête du parti où il doit désormais jouer le rôle de sage et se mettre au dessus de la mêlée. Son autorité morale et son leadership ne doivent plus être instrumentalisés par des ambitieux en mal de popularité pour jouir de positions imméritées par le biais du parachutage. Il faut rompre également avec la pensée unique, l’esprit de fans club, le mode de fonctionnement informel du parti et la désorganisation. Enfin rompre avec la doctrine de l’infaillibilité du Secrétaire Général National : la volonté du leader, aussi éclairée soit elle, ne doit plus primer sur les statuts et le règlement intérieur. Il faut renouer avec les vertus de la démocratie interne par la restauration d’une culture de la délibération. En d’autres mots redonner aux militants le sentiment de participer à la vie et à l’orientation du parti et non d’être de simples figurants à qui on ne demande que de la discipline et de l’obéissance. Il faut que le PDS soit plus démocratique dans sa structure et redevienne libéral dans son action.
Après 26 ans d’opposition héroïque et 12 ans de mandat présidentiel, Me Abdoulaye Wade a rempli sa mission historique : réaliser l’alternance démocratique et pacifique, renforcer la démocratie le pluralisme et l’Etat de droit, contribuer au rayonnement international du Sénégal, et léguer aux générations présentes et futures d’importantes infrastructures. Sur le plan politique il a réussi a faire du libéralisme l’idéologie dominante et à construire un parti politique de masse. Son dernier défi au vu de son âge et au soir d’une carrière bien remplie, est de transmettre ce patrimoine intact à sa famille politique en respectant les valeurs de démocratie et la libre volonté des militants, et en excluant toute idée de dévolution dynastique du parti.
C’est seulement à ce prix que le PDS redeviendra attractif, conservera son unité et réussira son retour dans l’opposition au service du libéralisme démocratique et du panafricanisme.
Mohamed Ayib Daffé
Président de la Commission Culturelle
du Bureau Exécutif National de l’UJTL