EN PRIVÉ AVEC MALAL ALMAMY TALLA
''Si c'était à refaire...''
Arrêté la semaine dernière en fin d'après-midi par la police de Guédiawaye pour le délit d'outrage à agent dans l'exercice de ses fonctions, Malal Almamy Talla a été libéré hier matin. Dans cet entretien accordé à EnQuête, Fou malade assène ses ''vérités'', nie s'être confondu en excuses et accuse une partie de la presse de vouloir anéantir le mouvement Y en a marre.
Comment avez-vous vécu votre arrestation ?
De manière très simple. J'ai été arrêté et accusé pour outrage à agent. Ce qui n'est pas vrai. Mes avocats l'ont démontré. Je considère que j'ai été arbitrairement arrêté.
Qu'avez-vous senti, entre le moment où vous avez tenu vos propos et celui de votre arrestation?
Tout ce que je sais, c'est que tout Guédiawaye s'est mobilisé. Mes amis, le mouvement Y en marre, ma famille, tous se sont mobilisés. Quand je suis arrivé en prison, j'ai été bien accueilli par la population carcérale à la chambre 9 d'abord, ensuite à la chambre 13. Donc, je n'ai pas particulièrement eu des difficultés.
Je pense que c'est important de voir que quand on est en difficulté, il y a tout un monde derrière vous pour vous soutenir. Même la population carcérale m'a manifesté son soutien. C'est très symbolique pour moi. C'était très important pour moi d'être en prison et écouter les détenus me faire part de leurs problèmes. Je pourrai ainsi mieux les défendre et porter leurs problèmes à un niveau beaucoup plus haut.
Je donnerai une conférence de presse pour partager avec les Sénégalais ce qu'ils m'ont dit. Je prépare un document que j'enverrai au président de la République, aux organisations de défense des droits de l'Homme et au ministère de la Justice après consultation avec les membres du mouvement Y en a marre. Je ne peux énumérer les problèmes des détenus dans cette interview.
Vous attendiez-vous à votre libération?
Le regret que j'ai eu par rapport à mon arrestation, c'est la manière dont certains organes de presse ont voulu présenter le problème. Parce que des journalistes ont écrit que Malal s'est confondu en excuses. Alors que j'ai soutenu que je ne reconnaissais pas les accusations portées sur ma personne. J'ai affirmé aussi que je suis un artiste, un leader d'opinion et j'appartiens à un mouvement qui est la voix des sans-voix. J'ai dit que je ne reconnaissais pas avoir outragé un agent dans l'exercice de ses fonctions.
Je ne considérais pas non plus mes propos comme diffamatoires. J'ai ajouté que si mes propos sont considérés comme diffamatoires, je présente mes excuses. Et ce n'est pas ce qui a été rapporté dans la revue de presse. J'ai l'impression qu'il y a des gens qui travaillent à réduire ou à anéantir le mouvement Y en a marre. Cela n'est pas possible. Nous sommes des responsables. Nous assumons ce que nous disons. Quand on fait ou dit des choses qui méritent qu'on présente des excuses, on le fait en toute humilité. Mes avocats m'ont bien défendu et je les remercie beaucoup. Aucun d'entre eux ne m'a demandé un seul franc.
Mais vous avez présenté vos excuses à la barre et c'est ce que la presse a rapporté. Qu'est-ce qui vous dérange dans ce qui a été dit?
En fait, j'ai lu dans un journal : ''Fou Malade s'est confondu en excuses''. Ce qui est différent de : ''si mes propos sont diffamatoires, excusez-moi''. Sauf que j'ai bien dit que je ne pense pas avoir diffamé qui que ce soit. Je ne pense pas non plus avoir outragé qui que ce soit. Je ne le pense pas. C'est la même chose que les avocats ont dit et c'est également ce qui est rapporté dans le procès-verbal. Il faut faire la part des choses. Il est important qu'on respecte la parole dite.
À la police, vous aviez refusé de présenter des excuses, pourquoi l'avoir fait devant le procureur même si c'est de façon nuancée?
Il n'a jamais été question de présenter des excuses même à la police. C'est à la une d'un journal que j'ai appris que je refusais de présenter des excuses. La police ne m'a pas demandé de présenter des excuses.
Qu'est-ce que la police vous a dit?
La police m'a demandé si je reconnaissais mes propos? Pourquoi j'ai affirmé de tels propos. Je leur ai répondu et c'est dans le procès-verbal.
Certains ont jugé le ton utilisé pour dire ''vos vérités'' irrespectueux. En parlant ainsi aux forces de l'ordre, vous ne donnez pas le mauvais exemple à d'autres ?
Quand nous parlons, c'est dans le but d'être constructif. Tous les jours, nous disons des choses dans nos albums qui sont écoutés par des milliers et des milliers de personnes un peu partout dans le monde. Sous Wade, nous avons dit des choses beaucoup plus ''exagérés''. On est sorti dans la rue manifester notre colère. On a marché sans autorisation en défiant l'autorité. Il est important de faire de la veille et de l'alerte. Il n'est pas dit que dans la police tout le monde est pourri. Cela ne veut pas dire cela. Cela ne signifie pas que dans la police tout le monde est mauvais. C'est partout pareil. Dans le mouvement hip-hop par exemple, tout le monde n'est pas bon. Des brebis galeuses, on en trouve dans tous les secteurs.
Bien sûr, si je m'étais inscrit en porte-à-faux avec les principes du mouvement, je serais mis en quarantaine. Les membres du mouvement l'ont déjà fait quand j'ai été accusé de coups et blessures volontaires. Ce n'est pas le cas cette fois-ci. Le mouvement m'a très bien soutenu. Le problème, c'est que depuis un certain temps, en lisant une certaine presse, on a l'impression qu'on veut anéantir le mouvement. Il faut voir les lignes éditoriales de ces journaux pour comprendre pourquoi cette presse-là parlent ainsi.
Que reprochez-vous exactement à cette presse à laquelle vous faites allusion?
Quand on lit beaucoup d'articles, on sent un projet de vouloir anéantir le mouvement y en a marre. Les leaders sont présentés comme des gens qui ne sont pas courageux car ce sont des gens qui disent et se dédisent. La presse est là pour informer juste. Je n'accuse pas toute la presse. Mais je sais qu'elle doit informer correctement l'opinion.
Vous avez été arrêté une première fois pour coups et blessures. Là, vous venez de passer cinq jours en prison? Le moment n'est-il pas venu de faire votre propre autocritique ?
Je n'ai pas le complexe d'être allé en prison parce que j'ai parlé pour exposer mes idées. J'ai parlé pour sensibiliser sur la question de la drogue. Si on m'arrête pour cela, je n'ai aucune inquiétude. J'allais avoir honte si on m'arrêtait pour des histoires de vol, de coups et blessures volontaires et autres. Mais tant que je reste dans la dynamique d'une personne qui essaie de mener un combat juste et équitable, je n'aurai jamais honte d'aller en prison pour une cause noble.
Avec le recul, est-ce que vous feriez la même chose. Autrement dit, êtes-vous prêt à tenir le même discours qui vous a conduit en prison ?
Redonnez-moi le micro dans les mêmes situations et vous allez voir.
Vous allez tenir les mêmes propos?
Redonnez-moi le micro dans les mêmes conditions et vous saurez. C'est tout ce que j'ai à dire sur cette question.
BIGUÉ BOB
Section: