Publié le 16 Jan 2015 - 08:43
LIBRE PAROLE

Modernisation des « daara » ou mondialisation des enseignements

 

Le projet de loi portant statut du « DAARA» et les projets de décrets qui y sont associés, constituent un plan de destruction du pilier principal qui soutend l'islam au Sénégal.

Ils veulent mettre fin à l'enseignement coranique traditionnel et la majeure partie des familles religieuses ne sont pas d'accord.

Il n'y a pas aujourd'hui un seul khalife ou un seul guide religieux qui n'a pas fait  les « daara » pour se former dans des domaines variés que la Théologie musulmane ou Foi dans l'Unicité de Dieu, le Droit, le Soufisme ou Perfectionnement spirituel, la Bonne Education, l'Hagiographie, la Grammaire (arabe) et tant d'autres axes du savoir. Et aujourd'hui, ils sont devenus des modèles.

Nous avons retenu deux points dans la partie introductive qui relate les motifs évoquées pour justifier le projet de loi :

•   la multiplicité des curricula;

•  le contexte international marqué par la montée des extrémismes.

Le même projet de loi nous apprend que parmi les objectifs majeurs du cadre législatif nous avons, le taux de scolarisation qu'il faut relever et l'édification d'un modèle unique de citoyenneté pour offrir aux enfants des  « daara » des opportunités d'accès aux savoir scientifiques développés dans les programmes de l'accès de l'école classique. Comme les enfants des « daara » ne sont pas de bons citoyens.

Le texte n'est pas sincère. Vouloir donner par cette manière aux enfants des « daara » les enseignements des écoles classiques n'est rien d'autre que de leurs priver leur droit de liberté.  Certains parents choisissent ce qu'ils pensent être le mieux pour leurs enfants. C'est donc de liberté de choisir le parcours coranique proposé dans les « daara » (sous leurs formes actuelles) là où d'autres ont opté pour le système éducatif que le colon nous avait proposé.

De 1603 à nos jours les daara ont été toujours victimes de manœuvres visant à les combattre et ils ont toujours résisté. Ils ont pu de cette période jusqu'à maintenant former des héros et des savants hors du commun, parmi lesquels Tierno Souleymane Baal, Abdou Kader Kane, El hadj Oumar Foutiyou Tall, Malick Sy du Boundou, Matar Ndoumbé Diop de Coki et toute cette phalange d’érudits sémillants qui officiaient dans le Mbakhol, le Niomré, le Nguick, le Ndiagourèye, sans parler des centres comme Thilogne, Kobilo ou Ganguel, etc., dans le Fouta, ou bien Ndame, Ndiarndé, Djamal, etc.

Les sénégalais dans leur grande majorité sont d'accord que la pertinence est plus dans les reformes du système éducatif actuel que dans la retouche des enseignements  au niveau des « daara ». Le système qui fait le plus défaut au Sénégal est celui de l'école classique.

La crise des valeurs qui occupe l'actualité domine plus chez les enfants noirs de Dupont. Et encore si c'est une crise ? L'acceptant comme une crise doit nous pousser à revoir ce que nous enseignons aux jeunes sénégalais  qui sont dans nos écoles classiques.

Ne pas l'accepter comme telle voudrait dire que nous avons rejoint l'ordre dans un monde moderniser et globaliser (Modernisation = mondialisation).

Nous avons durant ses dernières années importé des valeurs, valeurs qui ont migré à travers les médias (Radio, Télévision et Internet). Ces médias ne couvraient pas le Sénégalais d'il y a de cela dix ans mais aujourd'hui les contenus dépassent les frontières et les réseaux se tissent au delà des barrières classiques.  Nos enfants sont d'éduquer par Internet et par télévision. Qui sont ces enfants ? Le plus souvent ceux qui ont fait de l'école classique.

La mondialisation doit nous pousser à définir un pare-feu pour pouvoir mieux cerner notre histoire, nos valeurs et les enseignements des anciens, faire la balance entre ce qu'il faut moderniser et ce qu'il faut conserver.

Les acquis que nous avons et qui concernent les enseignements des vénérés guides doivent demeurer à jamais dans notre manière éduquer. Ce qui nous permettra de refuser ce que nous avons toujours refusé et d'accepter de moderniser ce qui doit l'être. L'histoire des « daara » est en lettre d'or dans le registre de l'histoire du Sénégal.

Les personnes qui ont fréquenté ce système pour la grande majorité, sont souvent très effacées de la scène politique. Elles sont devenues les plus grands hommes d'affaire du pays. Dieu sait qu'il y a des hommes qui reflètent bien cette vérité.

Le vénéré Cheikh Ahmadou Bamba avait un souci particulier à l'égard de l'éducation des jeunes, car selon lui "instruire les vieux, c'est écrire à la surface de l'eau, instruire les jeunes, c'est graver sur pierre". Dans une œuvre comme "Tazawwudu-ç-çighâr" (Viatique des Adolescents) Cheikh Ahmadou Bamba indique à cette frange sensible de la société islamique, exposée à toutes les déviations, la voie à emprunter pour la félicité.

Donc l'idée serait de soumettre aux enfants des « daara » des épreuves pénibles pour leurs permettre d'affronter le monde à l'issus de leur formation.

Pour notre histoire,  Prof Iba Der Thiam écrivait :

« Les daaras étaient, aussi, l’école du courage héroïque et de l’engagement patriotique, dans laquelle l’apprenant était préparé aux durs labeurs de la vie, à la faim, à la soif, à la sobriété dans l’existence.  Il devait apprendre à vivre avec peu, à partager avec d’autres, à faire don de sa personne à sa communauté, à oublier les privilèges qu’il pouvait tenir de son origine sociale.

Il se coulait dans le moule d’un modèle social humble, discret, poli, effacé, résistant et stoïque. »

Dans son article 1 du décret relatif aux conditions de la reconnaissance et aux modalités d'attribution des subventions, promeus et appuis aux daaras, nous avons relevé que les critères proposés sont démotivants. Cet article vise à réduire de nombre de daara. Disposer d'un personnel, disposer d'infrastructures fonctionnelles, renoncer à la mendicité des enfants et appliquer le programmes officiels des «daara », ces points ne concourent ni l'incitation d'ouverture de « daara » ni l'idée de l'originalité des « daara ». C'est une manipulation et une dictature. Bref, c'est une catastrophe.

L'accepter ou le voter serait une trahison à la tradition des anciens et une volonté de voir disparaître ce que nous avons de plus chère.

Borom Daaraji n'est plus de ce monde sinon il allait nous épargné de toute cette polémique autour des daara et de l'idée de vouloir moderniser ce système d'enseignement exemplaire.

Heureusement que l'ONG Jamra et la Ligue des écoles coraniques  ont haussé le ton pour dénoncer cette manœuvre contre l'islam et contre la démarche éducative que les anciens nous ont laissé.

Dans les conditions d'ouverture et de contrôle (Décret fixant ces conditions), nous pouvons noter que dans le dossier à constituer, les points à remplir vont à l'encontre de l'idée des daara : disposer de blocs  d'hygiène, de bibliothèques, d'espaces pédagogiques; proposer une note sur les titres et diplômes préparés ; avoir un règlement intérieur; etc.

Le nombre de « daara » est actuellement estimé à plus de 50.000 et le Sénégal est à 95% de musulmans. Vouloir imposer cette mesure serait un acte de dictateur.

Etant donné que ce projet  de loi et les décrets qui l'accompagnent, sont une catastrophe, nous   attendons de voir un texte meilleur et qui, par le consensus, conviendra le plus aux vrais acteurs. 

Modou FALL / Degg moo woor

 

 

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